UNE IDÉE DANS LA TÊTE

Back to the roots : quoi de mieux que de repartir du point de départ pour prendre une nouvelle direction ?

julie.brun
6 min readJul 10, 2016
Locquirec, Bretagne, France.

Lorsque l’on est en quête d’un nouveau chemin à prendre, que plusieurs directions s’offrent à nous, que des choix s’imposent, que des décisions doivent être prises, est-ce que la meilleure chose à faire ne serait pas, finalement, de repasser par la case départ ? Bien plus que la case départ du Monopoly qui nous permet d’encaisser 20 000 francs et de se remettre à flots, une sorte de retour en arrière, qui nous permettra de nous propulser vers l’avant, de prendre de l’élan, avant de faire le grand saut.

A chacun alors de trouver son point de départ. Il peut prendre différentes formes après tout. Faire le bilan des grandes étapes qui ont marqué notre parcours jusqu’à présent, faire le point sur ses envies, faire le point, tout court.

Mon point de départ à moi, ce n’est pas vraiment le mien. Je l’ai en quelque sorte emprunté à une personne chère à mes yeux.

“Alors toi, quand tu as une idée dans la tête…”

Mon point de départ, je l’ai situé à Locquirec, en Bretagne. C’est le village de naissance de ma Grand-Mère. « Alors toi, quand tu as une idée dans la tête ! » est la phrase qu’elle m’a dite quand je lui ai annoncé que je prévoyais de passer un week-end dans son village natal. C’est drôle finalement, de s’entendre dire « “Alors toi, quand tu as une idée dans la tête…” par une bretonne têtue comme pas deux au caractère bien trempé. Finalement, je sais de qui tenir ma pugnacité. Elle me parlait depuis un moment de cet endroit, j’y avais passé du temps, enfant, à quelques reprises. Mais mes souvenirs étaient flous et lointains et j’avais besoin de rendre cet endroit concret.

C’est peut-être aussi cette photo du port de Locquirec accrochée au mur de son salon depuis tant d’années qui m’a inspirée. J’étais passé devant des centaines de fois sans vraiment m’y arrêter. Cela faisait partie du décor mais je n’avais jamais pris le temps de la regarder dans le détail, de m’y attarder. Je n’avais jamais pris conscience du potentiel de cet endroit ni de ce que cela pourrait m’apporter.

Au départ, je partais avec pour idée en tête de nourrir un projet personnel d’écriture. Je voulais être capable de mettre des images, des lieux concrets sur les souvenirs de ma Grand-Mère. Je voulais me nourrir d’une ambiance, des vibrations de ce village de Bretagne afin d’être capable d’en retranscrire l’atmosphère. Sous couvert de nourrir ce projet, il y avait aussi cette envie et ce besoin de continuer à faire des choses pour soi, des choses qui ont du sens. L’envie aussi de se lancer dans une nouvelle aventure et dans de nouvelles découvertes. Et puis quand j’ai découvert que dans ce village de 1200 habitants, il n’y avait pas moins de deux écoles de surf et des supers spots, autant dire que la décision a été prise très rapidement.

La préparation du voyage aura été presque tout aussi enrichissante que ma présence sur place.

De la même manière, je ne sais toujours pas à qui ce voyage aura le plus apporté. À moi, qui suis partie avec des idées de découverte plein la tête ou à elle, qui y avait laissé tant de souvenirs. La plus belle chose que ce retour à la case départ m’aura apporté, c’est avant tout les étincelles que j’ai vu dans ses yeux en lui montrant sur google maps les endroits dans lesquels j’avais prévu d’aller.

Sur place, j’ai découvert un petit coin de paradis. À chaque pas, j’ai eu l’impression de marcher sur les siens. À chaque café sur l’une des terrasses du port, j’avais l’impression d’être moi aussi une enfant du pays. À chaque panneau de rue lu, à chaque nouvel endroit découvert, sur chacune des plages, sa voix résonnait et l’une des anecdotes qu’elle m’avait racontée me revenait en mémoire. J’ai refait à pied le chemin qu’elle faisait chaque jour pour aller à l’école. Je suis passée dix fois devant l’église dans laquelle elle s’est fait baptiser au point de m’en faire un lieu presque commun, sur lequel on n’arrête plus son regard tant on sait maintenant qu’il se situe là. Je suis allée à la fête de Saint Jean, une tradition qui continue de rythmer la vie du village et qui était à l’époque un événement majeur.

Elle m’avait parlé de cette photo de moi faisant mes premiers pas sur la plage de la roche tombée. De la plage des sables blancs où ma mère passait son mois de juillet 1987, quelques semaines avant ma naissance. Mes souvenirs étaient lointains et flous mais le simple fait d’y retourner auront eu le mérite de m’en créer de nouveaux et d’imager les siens, ceux qu’elle me raconte.

Je l’ai enviée d’avoir grandi dans cet endroit. Malgré une enfance tumultueuse, elle me disait avoir été toujours très heureuse et c’est fou à quel point j’ai compris pourquoi, en découvrant l’endroit où tout avait commencé pour elle.

A mon retour, j’ai eu l’impression, en quelque sorte, de rapporter dans mes bagages un trésor. A nouveau, ces étoiles dans ses yeux quand elle a découvert les photos de tous ces lieux dans qu’elle connaissait si bien, prises des années plus tard. Elle était avec moi tout au long du voyage mais je l’ai d’autant plus ressenti quand j’ai compris à quel point je l’avais faite voyager dans le temps.

Ce qui est sûr, c’est que je suis rentrée chargée d’ondes positives et avec un bain de jouvence pour ma grand-mère. En lui montrant les photos, le plan du village, en lui racontant les endroits où je me suis rendue, j’ai aperçu dans ses yeux ce regard d’enfant. Ce voyage, qui l’a fait replonger dans son passé, m’a projetée dans mon futur.

Mais passé le moment magique, de nouveaux des questionnements avec leur lot de sentiments partagés. Une fois de retour, c’est perturbant, finalement. Perturbant d’être aller à la recherche de nouvelles choses sans trop savoir ce que je cherchais précisément. Déroutant, aussi, de partir la peur au ventre d’être déçue, sans trop savoir par quoi ou par qui. Et puis finalement, c’est avoir le sentiment que l’on n’a pas complètement rempli sa mission. Quelque part je m’en veux. Car si moi j’y suis allée sans chercher de réponse, elle, elle en attendait. Est-ce que je l’avais suffisamment préparé ? Est-ce que je n’avais finalement pas peur de tomber sur de mauvaises réponses ? On dit que fouiller dans le passé peut être lourd. Que cela peut remuer. Est-e qu’il y a vraiment de mauvaises réponses ?

“Qui vient revient, qui revient, reste”.

« Qui vient, revient, qui revient, reste »

Est-ce que je ne serai pas partie pour rien ?
La réponse est non. J’en suis revenue avec bien plus que tout ce que j’aurai pu espérer. Rien de concret en effet, mais ces étoiles dans les yeux, ces moments passés ensemble, cette fierté en entendant « Alors toi, quand tu as une idée dans la tête …» bref, toutes ces choses inestimables.

Alors oui, j’en reviens sans vraiment savoir si j’ai trouvé ce que je cherchais.

J’ai retracé son chemin pour commencer à tracer le mien, peut-être pour m’assurer de ne pas prendre la mauvaise direction. Ou plutôt, pour m’assurer de prendre une direction, que ce soit la bonne ou non. J’avais besoin de rembobiner le film et pour cela, je n’avais pas ni l’envie ni le besoin de me trouver une raison en particulier. Peut-être tout simplement pour assouvir une curiosité, celle de savoir où cela a commencé. Ou encore pour trouver cet endroit où l’on peut appuyer sur pause, prendre une grande inspiration pour finalement foncer, agir et faire le grand saut.

Peut-être que la chance que j’ai eu, c’est qu’en arrivant à Locquirec, tous les habitants m’ont répété que le proverbe local était : “Qui vient, revient, qui revient, reste”. La première partie ouvre une première porte sur une potentielle seconde chance, la deuxième en ouvre une seconde sur une potentielle direction à prendre.

Alors, s’il y a bien une chose avec laquelle je rentre, c’est avec une idée dans la tête et la certitude d’y retourner.

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julie.brun

“Les mémoires d’une jeune femme dérangée”. Regard sur le monde, questionnements et débats intérieurs.