L’ÉCOLE EST FINIE

julie.brun
5 min readApr 14, 2016

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J’ai toujours aimé l’école.

Il y a plein d’enfants pour qui l’école est un supplice, plein d’adultes qui vous diront que c’était un vrai calvaire. Mais pour moi, cela a toujours été un plaisir.

J’ai toujours aimé l’école, le lieu en lui même, la cour de récré, l’odeur des livres, des cahiers neufs, des crayons à papier. Les couloirs et les salles de classe décorés des activités manuelles de l’année.

J’ai aimé apprendre mes poésies par cœur et les réciter droite comme un piquet devant mon père qui me renvoyait dans ma chambre à la moindre hésitation sur un mot. (Autant vous dire que j’ai presque toujours eu des 10/10 en poésie). J’ai aimé remplir mes cahiers de nouvelles leçons et les apprendre. J’ai aimé l’école à tel point que même faire mes devoirs était (presque) un plaisir.

C’était un automatisme en rentrant de l’école, mes parents n’avaient même pas à me le demander, je les faisais de moi-même.

Un automatisme, le problème vient peut-être de là.

L’école a fait de moi une parfaite bonne élève. Qui apprenait bien ses leçons, sans trop savoir à quoi cela allait lui servir plus tard. Qui visait le haut du tableau.

Comme beaucoup de bons élèves, on arrive au lycée tout naturellement, et lorsqu’arrive le moment de choisir sa spécialité de première, en tant que “bonne-élève-bonne-en-tout” on m’a gentiment indiqué la direction de la 1ère ES. La 1ère ES c’est un peu la voie où il faut être douée dans toutes les matières sans avoir une matière de prédilection non plus.

La bonne nouvelle, qui a peut-être sauvé mes 2 premières années d’études post bac, et peut-être mes 3 ou 4 premières années de vie d’entreprise en tant que jeune active, c’est que j’ai rapidement su ce que je voulais faire : bosser dans le pub, être créa.

Quand je voyais des pubs passer à la télé, je me disais que j’aurai aimé faire mieux.

L’autre problème quand on est une bonne élève, c’est que comme beaucoup, on est poussés vers les études.

On me répétait souvent, “fais des études, d’abord parce que tu en as largement les capacités, ensuite parce que comme ça, tu pourras faire ce que tu veux, ce sera plus simple après”.

Les capacités. Avoir des capacités pou apprendre devrait justement nous permettre de ne pas forcément en faire. D’aller vers une voie plus professionnalisante. De faire un métier manuel ou de découvrir des tas d’études ou de métiers différents.

Sauf que dans les faits, ça ne se passe pas vraiment comme ça. Il y a, aujourd’hui en France, une espèce de diktat des études. Les voies professionnelles sont réservées aux élèves moins bons, voire mauvais. On leur met alors une étiquette et on les dirige tout droit vers ce qui est considéré comme une voie de garage, une sortie de secours.

Mais personne ne se pose vraiment la question qui dérange : pourquoi ces élèves ne sont pas « bons » à l’école ? Et surtout, que pourrait-on faire pour éviter ça ?

Pour la grande majorité, c’est sans aucun doute parce que le système scolaire ne leur convient pas. Ces élèves sont tout le contraire des bons élèves qui eux, réussissent à se fondre dans la masse et à rentrer dans le moule.

Mais alors pourquoi est-il parfois si compliqué d’aller vers des filières professionnelles avec un bac ou des études supérieures ?

Pourquoi le système scolaire est si fermé qu’il ne laisse pas la place aux personnalités et à l’apprentissage de compétences plutôt que de connaissances ?

Parenthèse fermée et questionnements posés.

Revenons-en au fait qu’il fallait faire des études.

L’objectif était donc : “faire des études pour pouvoir ensuite avoir le choix, pouvoir faire ce que l’on veut, ce sera plus simple”.

C’est le moment où, pour être sûre de ne pas me planter — parce que se planter c’est mal dans notre société et que les études sont longues donc on n’a pas vraiment de temps à perdre — c’est le moment où je me suis perdue en école de commerce.

A l’époque, j’écoutais déjà pas mal mes intuitions et quelque chose me disait que ça sentait le traquenard… Mais j’y suis quand même allée !

En revanche, pour être sûre de ne pas trop perdre mon temps, j’ai fait quelques années en alternance histoire de commencer à mettre un pied dans une entreprise et à confirmer ma « vocation » du lycée.

Sauf que voilà, j’ai atterri en gestion de projets plutôt qu’en création.

Là, j’ai globalement pu mettre de côté tous ce que j’avais appris en école de commerce. C’est aussi simple que ça : la gestion de projet ne s’apprend pas à l’école. D’une part, elle se pratique, d’autre part un bon chef de projet c’est avant tout une personnalité adéquate. Et une personnalité, ça ne s’apprend pas : on l’a ou on ne l’a pas.

Mais alors comment faire en sorte que l’école ne soit pas simplement du formatage mais qu’elle puisse laisser place à la personnalité de chaque enfant ?

De plus en plus de méthodes d’enseignement alternatives se développent. Basées sur la co-création, l’entraide entre les enfants d’âge différents plutôt que sur la compétition.

Certaines de ces méthodes ont été testées et approuvées mais ne sont toujours pas mises en place. Céline Alvarez, la prêtresse des méthodes d’apprentissage basées sur le cognitif a même créé une classe pilote en ZEP. Les résultats étaient époustouflants et pourtant, le projet a été abandonné.

Pourtant, le système scolaire arrive à bout de souffle, avec des jeunes de plus en plus jeunes qui sortent de l’école sans aucune compétence, sans envie, sans avenir.

L’école ne parvient plus à remplir sa mission. Ou l’école n’a pas su s’adapter au changement. A l’ère des carrières multiples, des activités multiples, elle devrait avant tout nous apprendre à nous connaître, et nous apprendre à apprendre.

Aujourd’hui, l’école est finie. Finie pour moi et sans doute finie via le modèle dans lequel elle est actuellement.

L’école est finie et pourtant, j’aimerai parfois y retourner. Avoir la possibilité de continuer à apprendre des choses, constamment. De pouvoir changer de voie, switcher, slasher.

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julie.brun

“Les mémoires d’une jeune femme dérangée”. Regard sur le monde, questionnements et débats intérieurs.