UNE IDÉE DANS LA TÊTE — PART II

Ou comment venir une première fois, pour mieux revenir la seconde.

julie.brun
8 min readSep 17, 2016

Parce que les premières fois ne sont pas forcément toujours les meilleures.
Parce qu’elles sont souvent, en ce qui me concerne, à la fois plus spontanées et plus irréfléchies. Le point de départ d’une première fois, c’est une idée derrière la tête, qui germe, doucement, sûrement, jusqu’à prendre de plus en plus de place. Bien plus qu’une simple envie qui me traverserait l’esprit comme on traverse un passage piéton, il s’agit davantage d’un besoin. Sans trop savoir pourquoi ni à quoi s’attendre, d’un besoin de le faire, d’en faire un projet et de le voir se concrétiser.

Pour sortir de ma zone de confort et faire de nouvelles découvertes ou par simple amour du risque de peur de s’ennuyer ? Une fois que l’idée est dans ma tête, j’ai besoin qu’elle se réalise, là, maintenant, tout de suite. Sans trop attendre. Je fais confiance à mon instinct et, sans être complètement persuadée qu’elle soit bonne, le fait est là : je n’arrive pas à m’en défaire.

Pour toutes ces raisons, je prends souvent, trop souvent peut-être, des décisions parfois hâtives. D’ailleurs, s’il y a bien une chose sur laquelle il faut que je travaille, profondément, c’est sur ma patience, ou plutôt, sur mon impatience.

Généralement, quand j’ai une idée dans la tête j’ai tendance à foncer droit devant et à me poser des questions une fois que c’est fait et d’envisager les conséquences dans un second temps. Avec des phrases du genre de « on verra bien », « et puis au pire, c’est pas si pire » qui permettent de se rassurer sur le coup.

Oui, mais voilà, il y a des décisions pour lesquelles cela peut-être une bonne chose, la spontanéité, mais il y en a d’autres pour lesquelles il vaut mieux faire germer l’idée, puis la laisser mûrir, pour finalement mieux la concrétiser. Et pour cela, j’en parlais déjà ici il est parfois bon de retourner là où tout a commencé.

Le point de départ

Quand j’y suis allée la première fois, c’était en quelque sorte une initiation, une prise de repères. C’était l’occasion pour moi d’observer plus que de faire. De prendre le pouls. De voir à quel point le potentiel étant grand, les étendues de possibilités vastes et les choses restant à accomplir nombreuses. Contre toute attente, cela a été pour moi un déclic, une prise de conscience : il me fallait prendre un nouveau tournant.

Dans un premier temps, prendre la vague doucement, sentir le vent tourner et se préparer au fait qu’il allait falloir ramer fort pour prendre la bonne.

La première fois, on m’avait pourtant prévenue ; on m’avait dit : « tu sais ici, on dit toujours qui vient revient, qui revient reste ». Ils ne pensaient pas si bien dire : à peine partie, j’envisageais déjà de revenir.

Les secondes fois sont différentes, on les prépare, on sait déjà plus au moins à quoi s’attendre.

Cela ne veut pas dire qu’elles ne réservent pas de surprises, bien au contraire. Mais on a eu le temps, juste après la première, de réfléchir à ce qu’on fera de cette seconde fois. A toutes les choses qu’on aurait voulu faire la première fois et à côté desquelles on est passé, par manque de temps le plus souvent.

La seconde fois, la fois dont on parle, était pour moi une nouvelle occasion de marcher sur ses traces ; celles de ma grand-mère. Le faire à nouveau mais surtout le faire mieux, aussi, quelque part. Revenir pour elle, pour moi également mais de manière moins immédiate. Partir à la recherche des réponses qu’elle attendait tant, en ayant, cette fois-ci, une idée un peu plus précise de ce que je cherchais.

Ressentir une énorme trouille, lors de cette deuxième fois. La première, on y va tête baissée, sans trop se poser de questions, sans avoir peur d’être déçue. La seconde, on en attend forcément plus.

Et même si la seconde fois on la prépare et que l’on s’y prépare, on n’en ressent pas moins une grosse pointe d’appréhension doublée d’une forte excitation.

Pour préparer cette seconde fois, j’ai décroché mon téléphone, j’ai respiré un grand coup et j’ai composé un numéro. Je ne savais pas à quoi m’attendre, j’ai foncé tête baissée, sans me poser de questions, ou plutôt en me posant celles-ci : est-ce que j’allais tomber sur la bonne personne ? Sur celle que je recherchais ? Est-ce qu’elle allait accepter de m’écouter ?

Elle l’a fait. J’ai pu lui expliquer qui j’étais, lui parler de mon projet d’écrire et lui annoncer que je revenais dans une dizaine de jours. Et puis, elle a accepté de me rencontrer.

Pour cette seconde fois, j’avais la possibilité d’aller à la rencontre de ces personnes que je ne connaissais pas et avec qui ma grand-mère partageait tout un tas de souvenirs : ses cousines. Ses cousines à qui elle tenait tant et qu’elle a pourtant perdues de vue sans trop savoir pourquoi. La vie les a séparées et aujourd’hui, j’avais le pouvoir de les rapprocher. J’avais aussi le pouvoir de lui apporter des réponses : que sont-elles devenues ? Est-ce qu’untel est toujours vivant ? Est-ce qu’il vit toujours dans sa maison ?

J’y suis allée la boule au ventre. J’avais l’impression d’avoir cinq ans, et puis quinze, d’être invitée à ma première boom, je voulais crier, sauter, faire la roue, tout ça en même temps.

On ne sait jamais trop comment on peut être reçue quand on explique aux gens que l’on cherche des réponses. Cela leur demande de creuser dans leurs propres souvenirs et rien ne nous garantie qu’ils sont prêts à le faire. Prêts à s’y replonger et à les partager avec une lointaine petite cousine qu’ils n’ont jamais vue.

Et pourtant, j’aurais tellement regretté de ne pas y aller. Je suis beaucoup trop curieuse pour passer à côté de ça. Et puis, finalement, l’accueil a été si chaleureux. Les souvenirs partagés ont été joyeux, avec un sourire aux lèvres et des étoiles dans les yeux. Mon plaisir à les voir tenter de trouver des traits de ressemblance entre ma Grand-Mère et moi et à partager avec elles de vieilles photos dont elles se souvenaient à peine de l’existence. L’appréhension qui se mêle à l’excitation et fini par de supers rencontres.

L’excitation qui laisse place à la peur ; souvent, j’ai peur d’en faire trop.

La suite du projet

Il m’arrive de flipper de l’avoir embarquée dans ce projet : cette angoisse de l’emmener avec moi sans vraiment avoir conscience des conséquences que cela pourrait avoir sur elle. Peur de la vague d’émotions qui pourrait être trop forte. Finalement, est-ce qu’elle pourrait le faire davantage pour me faire plaisir plutôt que part réelle envie. Je passe de cet état de peur à celui d’excitation et d’envie car cette idée dans ma tête est trop grande : j’ai besoin d’y aller.

Et puis il y a des projets qui englobent bien plus que ce fameux projet en lui-même. Des projets qui vont changer les choses, profondément et sans doute de manière radicale.

C’est fou à quel point deux idées qui n’ont à priori rien à voir, peuvent finalement se servir l’une et l’autre. A quel point une idée peut en cacher une autre.

Il y a des projets que l’on réalise pour les autres mais qui peuvent nous apporter bien plus ; des réponses que l’on vient chercher pour quelqu’un en particulier et qui nous permettent d’en trouver pour nous-mêmes. C’est le cas pour ce projet : la première fois que je suis retournée sur ses pas, je me suis mise une idée dans la tête, la seconde fois je devais trouver la force de tout concrétiser.

Pourtant, j’ai bien cherché à la refouler, cette idée. Je me suis épuisée dans les vagues, sur ma planche de surf, pour ne plus y penser. Mais l’idée était trop ancrée et l’envie de me mettre debout trop forte. Encore et toujours le surf pour me sentir immergée dans l’eau et continuer à me démener parmi toutes les sensations complètement contradictoires ; les pensées positives et négatives. Pendant des jours, être confrontée à la foire des émotions : up and down, jean qui rit jean qui pleure.

Prendre confiance pour passer la barre et prendre des vagues de plus en plus hautes et de plus en plus fortes. Me charger de l’énergie de cet endroit magique pour faire prendre à ma vie un nouveau tournant. Echouer sur la planche pour me montrer que ce n’est pas si grave, même si on échoue dans la vie. Que finalement, vraiment, ce n’est pas si pire. Que le pire serait de ne rien faire, de ne pas bouger, de rester assise là.

De cette seconde fois, j’en suis revenue chargée, rechargée, regonflée.

J’y ai fêté mes vingt-neuf ans et être à cet endroit pour faire mon entrée dans ma trentième année avait quelque chose d’extrêmement symbolique et de complètement surréaliste, aussi.

J’ai laissé mûrir l’une des mes deux idées. Elle est prête, il me reste à la concrétiser. Cette idée, c’est une envie d’indépendance, de voler de mes propres ailes, de tourner le dos au salariat, de faire ce qu’on pourrait appeler mon job-out. 6 mois tout pile après avoir fait le bilan, je fais le grand saut.

J’ai toujours mes nombreuses idées dans la tête mais aujourd’hui je sais comment les ranger, les prioriser, les faire patienter et surtout j’ai compris qu’il fallait les concrétiser.

La première idée que j’avais dans la tête, et qui ne demande qu’à être concrétisée. Après être revenue moi, j’espère bien faire revenir ma Grand-Mère là où tout a commencé pour elle : dans ce petit paradis qu’elle m’a fait connaître.

A chaque fois que j’y suis allée, elle était avec moi, quelque part dans ma tête et dans mon cœur.

J’ose espérer que la prochaine fois, elle sera avec moi pour aller rendre visite à ses cousines, pour boire un café sur le port et pour admirer la somptuosité du paysage.

Cette nouvelle idée, je sais pertinemment qu’elle ne va pas me lâcher, qu’elle va être tenace et que je vais tout faire pour la réaliser.

Je veux pouvoir me créer ce souvenir de la voir retourner sur ses propres pas.

Je veux, qu’au delà des écrits que je suis en train de réaliser pour elle, ce soit notre nouveau projet en commun. Je veux l’accompagner tranquillement dans ce projet, être patiente (pour une fois), faire face à des non, puis à des peut-être et enfin à des pourquoi pas qui se transformeront en un oui, pour envisager la prochaine fois.

La question est donc : laquelle des deux aura la tête la plus dure et sera la plus moins têtue ?

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julie.brun

“Les mémoires d’une jeune femme dérangée”. Regard sur le monde, questionnements et débats intérieurs.