Sérial Critique : Quatre mariages et un enterrement

Malgré des points forts indéniables, ce remake de la comédie romantique qui a révélé Hugh Grant souffre de l’image que la série se fait de son public.

Julie Ruiz
4 min readMar 20, 2020
Kash et Maya, les héros, ruinant le quatrième mariage de la série.

Je voudrais vous parler d’amour. Du vrai, du grand amour : celui des rom-coms des années 1990. À l’époque, des personnages avaient des défauts qui les rendaient attachants et étaient des gens bien ( dans l’ensemble). C’est pour ça qu’à la fin, il méritait de le trouver.

Mais je ne peux pas. Car dans la série Quatre mariages et un enterrement, remake lointain du film culte de 1994, l’amour ne se mérite pas, il est dû.

Pourtant, la maîtrise de l’art en trois actes de la rom-com classique transparaît dans tous les recoins. Ce qui en fait, d’ailleurs, une expérience très gratifiante pour tous les amoureux du genre qui peuvent, pour une fois, pointer à voix hautes les références pointues comme les étudiants en cinéma devant un Tarantino.

Outre les easter eggs, la mini-série se donne un mal fou pour offrir à son public le sentiment rom-com. Ce sentiment régressif et incomparable qui vient nous visiter au creux de nos plaids, quand, gavés de glace à la vanille, on a l’impression que la “bonne personne” existe et que, d’ailleurs, elle va arriver d’une minute à l’autre à notre porte pour nous faire une déclaration à pleurer.

Cette fois, on va suivre les aventures, d’un groupe de quatre amis qui se retrouvent à Londres : l’enfant gâtée, le sportif, le nerd et l’héroïne. Ils vont se rendre à quatre mariages et à un enterrement, et à la fin, spoiler alert, ils vont tous trouver l’amour de leur vie.

Les personnages secondaires sont tous émouvants, juste assez cliché pour qu’on s’y retrouve et juste assez uniques pour qu’on leur veule tout le bien du monde. C’est d’ailleurs eux qui permettront de mettre en exergue le seul problème de cette histoire : les personnages principaux sont de mauvaises personnes.

Dès la scène d’ouverture, on apprend à connaître Maya (interprétée par Nathalie Emmanuel, la Missandei de Game of Thrones), notre héroïne. Elle n’a aucun trait de caractère particulier, mis à part le fait qu’elle prend de très mauvaises décisions qui blessent les personnes autour d’elle.

Avant, on ne brisait pas un mariage, quitte à déclarer sa flamme directement pendant la cérémonie. Avant, on ne tombait jamais amoureuse du fiancé de sa meilleure amie. Avant, on ne brisait pas le coeur de son ami d’enfance/amoureux transi, on l’épousait, merde.

Même si la série dont elle est l’héroïne tire à fond sur la corde de la nostalgie de cette époque, Maya enfreint une à une toutes les règles élémentaires de bienséance rom-comesque. Nous apprenant au passage que quand on est l’héroïne, on peut être d’un égoïsme confondant pendant dix épisodes et avoir tout ce qu’on désire à la fin, notamment le beau Kash (l’autre moitié, tout aussi antipathique, du couple principal).

Si le héros est un miroir tendu au public, il est aisé de comprendre pourquoi on ne vibre pas avec la série. A cause de ce désagréable reflet, tous les clichés, les petits déjeuners sur le toit-terrasse, les déclarations sous la pluie, les courses jusqu’à l’aéroport, tous ces petits bonbons qui font le sel de la rom-com classique ont un goût amer. Le goût du “mais, oui, bien sûr…”, celui prononcé par les petits amis cyniques devant les rom-coms. (“Mais oui, bien sûr, il passe la sécurité de l’aéroport sans se faire tirer dessus”…)

En vérité, Maya et Kash souffrent, comme beaucoup d’autres couples de fiction contemporains, de l’image qu’on se fait des fameux “millennials”. Il semblerait que dans les bureaux de production, de Los Angeles à New York, on considère que les jeunes d’aujourd’hui sont de petits enfants gâtés qui veulent se projeter dans des histoires d’amour où les héros ont tout ce qu’ils veulent sans avoir à faire de concessions.

Cette analyse et l’écriture qui en découle ont donné d’excellents résultats (en témoignent Twilight et sa fan-fiction 50 nuances de Grey, pinacle de l’écriture doudou). Mais les fans de rom-coms des années 1990–2000, eux, aimeraient qu’on arrête de les prendre pour des rom-cons.

Quatre mariages et un enterrement (10 épisodes de 60 min) — 2019

Titre original : Four Weddings and a Funeral

De : Mindy Kaling, Matt Warburton

Avec : Nathalie Emmanuel, Nikesh Patel, Rebecca Rittenhouse

Nationalité : U.S.A.

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