Kam unity
6 min readMay 3, 2020

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Entretien avec Baba Deme, acteur associatif et coach en développement personnel et professionnel (15/04/2020)

Thème: Jeunesse et Développement en Afrique

Communément, la jeunesse se définit comme étant le temps entre l’enfance et la maturité. L’UNESCO (ONU) définit la jeunesse comme une personne âgée entre 15 et 24 ans. Quelle est votre définition de la jeunesse ?

Pour moi, la jeunesse commence à partir du moment où l’individu commence à gagner de la maturité, à être indépendant et à réfléchir. Il faut comprendre aussi qu’une jeunesse instruite et bien formée est un atout indéniable pour le développement d’un pays ou d’un continent. Comme le disait l’ancien secrétaire général des Nations Unies Kofi Annan: “Une société qui se coupe de sa jeunesse se coupe de sa source et se condamne de sa mort”.

Développement se définit communément comme étant l’action de développer, de donner toute son étendue à quelque chose. C’est aussi le progrès, en extension ou en qualité. Vous êtes coach en développement personnel. Le développement personnel, c’est quoi ?

Le développement personnel est une quête d’évoluer et de s’améliorer dans toute part de la vie. Il s’agit de tracer sa part dans ce monde. L’individu, pour s’inscrire dans la marche de sa société et de l’univers, doit définir une vision et se fixer des objectifs.

L’atteinte de ces objectifs fixés dès le départ ne peut se réaliser que si l’individu fasse preuve d’abnégation, de détermination et d’engagement. Ces trois aspects ne résident que dans la confiance et la croyance en soi. Juste pour dire qu’il faut toujours croire en soi et ne jamais se décourager, car à force de tirer le filet de pêche on finira par sortir le poisson de l’eau. Dans mes cours en développement personnel, j’utilise souvent deux théories: la théorie “1 coup, K.O” et la théorie du baobab.

  • La théorie “1 coup, K.O” signifie la rapidité dans l’action. Autrement dit si la personne a besoin de faire une activité, elle doit la faire vite.
  • La théorie du baobab, il s’agit juste de savoir combien et de lister tout le potentiel, les ambitions ou objectifs que la personne a. Plus la personne a de potentiels donc de branches et plus elle tire vers le baobab. Moins elle a de branches et de potentiels et plus elle tirera vers un arbuste.

Le développement économique et social est l’ensemble des mutations positives que peut connaître une zone géographique. Vous connaissez assez bien l’Afrique pour l’avoir étudiée, pour y avoir vécu, quel constat savez-vous de l’Afrique ? Avez-vous pu observer des mutations positives sur le continent, ou au contraire, estimez-vous que la situation stagne ou se désagrège d’année en années ?

Après avoir voyagé dans plusieurs pays d’Afrique, j’ai constaté qu’il y a un réel changement sur les plans urbains et économiques comme il y a des choses à améliorer. Le Rwanda par exemple est en train d’avancer dans le domaine des infrastructures et dans la lutte contre la pauvreté. C’est un pays qui doit servir d’exemple aux autres pays d’Afrique. J’ai aussi constaté qu’il y a un réel processus de se décomplexer.

La jeunesse africaine commence à s’organiser et à prendre son destin en main. Elle est consciente de son rôle dans le développement du continent. Beaucoup de jeunes s’activent aujourd’hui dans l’entrepreneuriat sauf qu’ils ne bénéficient pas entièrement de l’encadrement et de la protection de l’Etat.

C’est pareil aussi pour les jeunes de la diaspora. Avant ils ne s’intéressaient pas autant à l’Afrique, mais aujourd’hui ces jeunes s’impliquent davantage. Malgré les quelques avancées notées dans certains pays, l’Afrique doit encore redoubler d’efforts pour relever les défis de l’éducation, de la santé, de la bonne gouvernance, de la sécurité et de l’autosuffisance alimentaire, de l’emploi des jeunes, etc.

Selon vous, quels sont les freins au développement de l’Afrique ? Quels solutions vous semblent envisageables, pour sortir le continent de sa situation actuelle ?

Pour moi, l’Afrique est freinée par la mal gouvernance et une crise identitaire exacerbée par le manque de valorisation et de promotion de ses figures historiques. La mauvaise gestion de l’Etat engendre la corruption et le dysfonctionnement social. Par ailleurs, la non-mise en relief de l’histoire et des personnages historiques africains favorise les phénomènes de déculturation et de l’acculturation sur le continent. En Afrique de l’Ouest, les noms des anciens administrateurs coloniaux occupent principalement la nomenclature liée aux rues, bâtiments et lieux publics. Par contre, si on donne les noms des rues ou des hôpitaux aux noms des élites qui ont consacré toute leur vie à la nation, la jeunesse africaine pourrait s’en servir comme source d’inspiration et modèles.

Je donne un exemple simple à partir du Sénégal, mon pays d’origine: “Si l’État du Sénégal change le nom de l’hôpital Aristide Le Dantec ( lieu de forte affluence) et le donne à Awa Marie Colle Seck, cela pourrait impacter sur l’éducation des enfants. La jeune fille qui vient à l’hôpital accompagnée de sa mère peut s’interroger sur le parrain, et si elle demande à sa maman, elle lui dira tranquillement que ce bâtiment sanitaire porte le nom d’une femme sénégalaise qui a révolutionné le système de santé du Sénégal. De ce fait, l’enfant peut automatiquement prendre comme modèle Awa Marie Coll Seck en montrant à sa mère sa volonté de devenir une grande serviteuse de sa nation”.

Concernant les solutions, je trouve que nos États doivent créer un système permettant d’intégrer toutes les initiatives et d’attribuer à chacun la place qu’il mérite. Ce système que j’appelle “méritocratie” doit être un moyen de lutter contre la corruption, de favoriser les compétences et d’appliquer cette théorie: “L’homme qu’il faut à la place qu’il faut”. Dans ce cas, toute bonne initiative pourra recevoir l’appui de l’Etat. Il est aussi du ressort de nos gouvernants d’accompagner la production locale, car l’Afrique a toutes les ressources naturelles pour se soustraire de la dépendance. Cela demande juste une volonté politique. Parler de l’État africain, ce n’est pas le critiquer, mais l’amener à changer.

L’Afrique c’est la jeunesse, mais c’est aussi et malheureusement bien trop souvent, une jeunesse en grande difficulté, sociale et économique, accès à la scolarité parfois très difficile voire même inexistant à certains endroits.

Quels sont les leviers (politiques, économiques, sociaux, etc.) pour solutionner cette problématique liée à la scolarisation des jeunes ?

Comme on le dit souvent, l’éducation est le train qui conduit un pays vers le développement. Sans elle, une société sombre dans l’obscurité. Pour une scolarisation généralisée des jeunes, les Etats africains doivent construire des écoles, assurer une formation de qualité des enseignants et mener des politiques éducatives conformes aux réalités sociales. C’est également la volonté de ces États de bien payer les instituteurs, car vêtir une jeunesse d’une robe de savoirs et de valeurs morales dans le but de créer des citoyens patriotes n’a pas de prix.

Selon vous, le développement personnel peut-il contribuer au développement du continent ? Si oui, comment ? Sinon, pourquoi ?

Pour revenir à la définition, le développement personnel est de croire en nous. Il nous aide, mais nous aide grâce à nos valeurs. Juste dire que le développement personnel peut bel et bien contribuer au développement du continent. Pour que cela se réalise, il faut que nous acceptions d’avancer ensemble avec nos propres valeurs et d’instaurer la confiance entre nous. Aujourd’hui l’Afrique a toutes les qualités en ressources humaines et les meilleurs valeurs au niveau du développement personnel, il ne reste que chacun donne 10% de son expérience. Cette unité dans l’action pourrait permettre à l’Afrique de renverser la tendance et de devenir la première puissance mondiale.

Lors de vos différentes interventions, dans vos conférences, quels sont les principaux messages que vous faites passer à votre auditoire ?

Je termine souvent mes conférences en formulant ces mots:

“L’Afrique doit compter sur sa jeunesse pour reconfigurer sa physionomie économique, politique et sociale. Jeunesse africaine, tu as toutes les compétences requises pour relever les défis qui t’attendent. Je peux mourir tranquillement le jour où on me dira que l’Afrique est la première puissance mondiale”.

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Unir la jeunesse africaine et afro-descendante dans l’action et la solidarité pour le développement de l’Afrique.