Plaidoyer en faveur de TOUS les classements influenceurs, les tops tops autant que ceux en tocs !

Karine Abbou
8 min readJul 6, 2017

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Cette tribune est une initiative collective de praticiens du marketing digital destinée à expliquer en quoi nous ne nous reconnaissons pas dans certaines critiques parfois acerbes récemment formulées à l’encontre des classements, rankings ou sélections d’influenceurs. Il nous parait en effet important que tous classements influenceurs, quelque soit leur niveau de qualité (au demeurant très difficilement appréciable), puissent continuer à être crées et diffusés sur la toile sans que leurs auteurs (expérimentés ou pas) n’aient à craindre critiques et bad buzz nominatifs souvent dommageables pour eux au plan économique. Sur le fond, le sujet nous est apparu suffisamment important pour motiver cette initiative collective car il touche à l’essence même de ce qu’est internet, à l’initiative créatrice de contenu qui le sous-tend, à ce qu’est intrinsèquement un influenceur et à la responsabilité éditoriale tirée précisément de cette qualité.

#1 Top en toc = top du top : c’est ça internet !

L’apport économique majeur d’internet est d’avoir fait sauter le verrou entourant la création puis la distribution de tous contenus, quel qu’en soit son auteur.

Marque internationale dotée de milliards de dollars pour son branding ou parfait inconnu spécialiste de la reproduction des mouches tsé-tsé sur les plages de République Dominicaine — l’un comme l’autre peuvent créer leur propre chaîne radio, émission de télé, média en ligne et s’improviser média d’un jour, journaliste en herbe ou s’autoproclamer super expert de n’importe quel sujet en moins de 24h. Tout deux sont ainsi logés à la même enseigne : celle de la longue traîne et de son modèle économique à casser la baraque (merci Amazon d’avoir été l’exemple #1 sur le sujet). C’est l’essence même d’internet. Et c’est tant mieux. Alors au nom de quoi et sur quel fondement faudrait-il distribuer les bons et mauvais points à des sélections et autres rankings influenceurs qui viendraient récompenser une/untel plutôt qu’une/un autre, voire pire, à leurs auteurs ?

Non. Sur internet il n’y a pas d’un coté des « pseudos-experts du e-marketing et autres champions du chiffre vite-fait-mal-fait » et de l’autre de « vrais professionnels du marketing d’influence ». Tout simplement car il n’y aurait personne de suffisamment légitime ni suffisamment brillant d’autres que Google ou au mieux les GAFA pour les qualifier comme tels.

#2 Des tops en toc ? Non, juste une liberté d’entreprendre la création de tous contenus

Internet est une terre virtuelle sur laquelle les plus belles graines de l’esprit d’entreprendre ont été semées au cours des 30 dernières années. Un espace économique virtuel parmi les plus attractifs, grisants et féconds jamais connus auparavant précisément car présentant une caractéristique commune : tout le monde peut entreprendre sur internet. Parfois avec succès, parfois sans — mais tous, sans exception. La création d’un contenu (au rang desquelles figurent les classements et/ou sélections d’influenceurs) est l’incarnation emblématique de cette liberté d’entreprendre.

Qui d’assez influent pour évaluer discrétionnairement laquelle de ces initiatives serait de bonne qualité — ou pas ? Certains classements sont de piètre qualité car les critères de sélection laissent à désirer, leur méthodologie fragile voire parfois inexistante — peut-être oui. Et après ? Pourquoi, au prétexte que certains de ces classements ne seraient pas « de bonne qualité » faudrait-il plaider pour qu’ils n’existent plus ou pire, vilipender nominativement leurs auteurs ? Quel est l’intérêt de réquisitoires parfois à charge si ce n’est celui de vouloir décourager (éradiquer ?) pour l’avenir toute initiative ultérieure de création d’autres classements voire pire, de dissuader ceux des influenceurs « connus » de relayer le moment venu ceux de ces classements dans lesquels ils auraient (on les plaint) la « poisse » de figurer ?

Avec l’influence vient la responsabilité éditoriale.

La bienveillance et la positivité dans l’appréciation du travail d’autrui autant que la retenue, la modération et la hauteur de vue dans la formulation d’une critique sont le propre de l’humilité. Et l’humilité, le propre des experts sachants — donc celle des influenceurs qui pourraient ériger en élément constitutif de cette responsabilité éditoriale une valeur éthique cardinale : celle consistant à prendre un soin tout particulier à ne jamais décourager d’autres initiatives créatrices de contenu, a fortiori celle des présumés moins compétents que soi.

#3 La pire des sanctions de la qualité d’un contenu n’est pas la censure — mais l’indifférence

Comme l’a répondu avec son franc-parler habituel Laurent Bourrelly sur twitter à l’un de ses followers qui le critiquait récemment sur l’une de ces prises de positions cash (comme seul le célèbre référenceur en a le secret) « si ce que je dis ne te plais pas, tu n’as qu’à unfollow ».

La meilleure sanction (car la plus juste) de la piètre qualité d’un contenu (appréciation au demeurant éminemment subjective) n’est-elle pas celle dispensée par l’utilisateur/lecteur lui/elle-même ? Qu’y a-t-il de pire pour un créateur de contenu que de ne pas être lu, de ne susciter aucune émotion, aucune critique — donc aucun engagement ? Le boycott de lecture par le lecteur final est une critique bien plus efficace (et plus constructive) que celle consistant à user de sa position d’expert ou de spécialiste pour inviter autrui à s’abstenir de créer un contenu et de le publier.

La liberté de création comme de diffusion du contenu sur internet doit à tout prix demeurer la règle.

#4 Les classements si mauvais soient-ils, ont toujours une valeur économique au moins pour quelqu’un …

Ceux qui déplorent l’absence de qualité de ces classements influenceurs pour inviter nominativement certains à s’abstenir de polluer le web avec (c’est souvent l’un des arguments évoqués) se livrent à cette analyse sur un fondement finalement très auto-centré : certes ces classements sont souvent ronflants voire parfois redondants lorsqu’ils sont lus et interprétés depuis l’intérieur de l’écosystème d’une industrie donnée — c’est à dire dans le p’tit milieu feutré des « pros et experts » de l’industrie concernée.

Ce type de critiques nous apparait dénué de toute valeur économique car fondé sur le postulat que le persona (l’audience cible) de ce contenu est l’influenceur lui-même alors que précisément il devrait être ceux « non-sachants » de son industrie… : les professionnels de tous bords issus d’autres industries qui s’intéresseraient à cette industrie justement parce qu’ils n’en font pas partie et auraient besoin d’en appréhender rapidement la big picture sous le double prisme du « qui est qui » et du « qui fait quoi ». Pour tous ces professionnels entendus au sens très large (consultants, commerciaux, Directeurs marketing ou autres), ces classements (même les plus mauvais) présentent toujours une valeur éditoriale donc un intérêt économique car dans un web devenu obèse enflant de contenu à chaque minute, ils permettent un écrémage informatif souvent salvateur.

Quant à l’appréciation de leur qualité et/ou de la légitimité éditoriale de leurs auteurs, libre au lecteur de se faire sa propre opinion sur le sujet non ?

#5 “Done is better than perfect”( Marc Zuckerberg)

L’on ne se construit pas en détruisant les autres. C’est là un point commun entre le sport et internet. Vouloir gagner ou être le meilleur n’empêche pas l’entraide (le fameux esprit sportif, collaboratif). Dans le jargon web, la fameuse « intelligence collaborative »…

Cet esprit sportif s’illustre par exemple lorsque un marathonien aguerri ralentit sur le dernier kilomètre de l’épreuve au risque de ne pas réaliser son objectif de temps fixé pour aider celui ou celle qui, blessé(e) ou juste épuisé(e), est sur le point d’abandonner si près du but ? Imagine t-on un instant ce même coureur aguerri dire à un débutant pendant la course : « franchement laisse tomber, abstiens toi car ta position est mauvaise, tu respires mal, tu es trop lourd, trop vieux, trop XXXX, tu ne franchiras jamais la ligne d’arrivée dans un temps et un état digne de ce nom » ?

Certes il n’existe pas de méthodologie parfaite pour réaliser un bon classement d’influenceurs et l’orthodoxie mathématique en la matière restera à jamais lettre morte.

On peut y voir une contrariété fondant une attitude « on fait parfait — ou on ne fait rien ». Ou l’on peut au contraire, transformer cette contrariété en opportunité en positivant l’initiative entrepreneuriale et en mutualisant les compétences avec pour mantra le fameux « done is better than perfect » (devise placardée un peu partout sur les murs des bureaux de Facebook). Plutôt que de partir du constat de cette impossibilité d’atteindre la perfection pour en déduire qu’il vaudrait donc mieux ne rien faire du tout, puis dissuader tout le monde d’entreprendre, pourquoi ne pas au contraire fédérer des expertises et conclure (par exemple) des partenariats « intellectuels » et éditoriaux pour cimenter l’intelligence collaborative afin — si ce n’est de l’atteindre — au moins de tenter de s’approcher le plus possible de cette perfection méthodologique ?

L’esprit sportif c’est celui de la main tendue d’un individu aguerri vers celui/celle qui l’est moins. Et l’intelligence collaborative est celle aboutissant à l’addition des compétences pour un résultat le plus « parfait » possible — plutôt qu’à la soustraction unilatérale et nominative des personnes jugées (discrétionnairement) incompétentes au prétexte que la perfection par définition n’existe pas.

#6 Pour faire avancer le débat… influenceur/micro-influenceur : est-ce réellement à Twitter de décider ?

Au cœur de ce débat réside une question centrale : celle de la définition de la notion d’influenceur(e) et celle de ses critères de définition (volume de l’audience, quantité et/ou qualité de la création de contenu, niveau d’engagement des contenus, pertinence de la curation de contenu, responsabilité éditoriale, notamment) sur laquelle plane immanquablement l’ombre twittérienne. L’influenceur(e) est-il/elle nécessairement une personne qui dispose d’un gros nombre de followers sur twitter ou d’ami(e)s sur Facebook ? Comment trouver un équilibre juste et rationnel entre tous ces critères de détermination de qui est/n’est pas un influenceur(e) ? La distinction entre un influenceur et ceux que l’on appelle désormais les « micro-influenceurs » doit-elle nécessairement reposer elle aussi sur la popularité twittérienne qui de fait, exclurait tout personne créatrice de contenu experte de son domaine mais pas douée pour la « platform danse » (expression empruntée au monstre sacré du marketing, Seth Godin) ?

#LaQuestionNeMeriteTellePasDêtrePosée ?

Karine Abbou, influenceur(e) — ou pas ?

Catherine Cervoni, influenceur(e) — ou pas ?

Julie Da Silva, influenceur(e) — ou pas ?

Maud Jenni, influenceur(e) — ou pas ?

Jonathan Chan, influenceur — ou pas ?

Fabrice Frossard, influenceur — ou pas ?

Anthony Rochand, influenceur — ou pas ?

Maël Roth, influenceur — ou pas ?

Ludovic Salenne, influenceur — ou pas ?

Stéphane Torregrosa, influenceur — ou pas ?

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Karine Abbou

Former lawyer turned entrepreneur, turned content strategist. Author & co-authored of 2 marketing book. Mom of boys. My friends call me the "AI Mama Bear"