Trouver les news qui “me” concernent dans le chaos de l’information (Photo Pixabay)

La personnalisation de l’information, tendance forte pour la presse

delphine noyon
4 min readAug 21, 2018

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Bousculés par les flux d’actualité qui arrivent de partout et se renouvellent très vite, les lecteurs sont bien en peine de digérer la profusion d’informations produites sur internet, à la fois par des professionnels et des amateurs. Alice Antheaume, directrice de l’école de journalisme de Sciences Po, écrit dans Le Journalisme numérique (2e edition Juillet 2016, Sciences Po les Presses — Nouveaux Débats), que “Sur une seule page d’un article du Huffington Post s’amoncellent plus de cent liens (…) ces liens sont autant de tentations du clic, autant de possibilités d’aller voir d’autres pages, encore et encore.”

Cette profusion qui devrait donner le sentiment d’une possibilité de s’informer à plein, se révèle finalement, souvent, génératrice de frustrations. La difficulté réside parfois dans la seule possibilité de (re)trouver des contenus. Ou même dans la volonté de le faire, d’y passer (perdre?) du temps.

Mes recherches menées sur le sujet, dans le cadre de mon mémoire d’Executive Master de Sciences Po, me permettent d’affirmer ici que, pour toucher l’internaute, il faut aller le chercher. Faire la curation à sa place.

“ La personnalisation devient une tendance forte dans la presse”, confirme à ce sujet Ludovic Blécher , directeur de Google DNI. “La grande nouveauté est que le lecteur n’a plus à sélectionner à la main, dans des menus compliqués, quels types de sujets l’intéressent. Tout va se faire désormais de manière passive.” Bienvenue dans l’ère des algorithmes et de l’intelligence artificielle.

Bienvenue dans l’ère des algorithmes et de l’intelligence artificielle.

“Dans un univers médiatique où l’information surabondante perd de la valeur, les médias doivent être en mesure de fournir aux consommateurs un contenu qui correspond à leurs attentes, sur un contenant qui correspond aux nouveaux modes de consommation”, rappelle Selma Fradin dans Les nouveaux business models des médias — Les trois piliers de la transformation (Editions FYP, 2016). Comme pour insister sur le fait que l’expérience utilisateur est au coeur des préoccupations des médias.

Tout le défi réside donc dans la manière d’aller chercher le lecteur, à une époque où celui-ci est de plus en plus passif dans sa façon de recevoir les news tout comme dans la manière de paramétrer le volume d’informations et les thématiques qui l’intéressent, selon un rythme qui lui serait propre.

Aujourd’hui, il faut donner quelque chose de plus à son abonné, pour qu’il ait envie de rester. Alors “les organisations de presse parient de plus en plus sur le fait qu’offrir un contenu personnalisé peut les aider à attirer des publics sur leurs sites et à les faire revenir”, confirme Eryn Carlson du Nieman Reports.

“A l’ère d’internet aujourd’hui où toute l’information est à disposition, on n’est plus dans le rapport face aux médias comme on était dans le rapport de l’élève face aux professeurs. Les médias ne sont plus là tant pour nous informer que pour nous augmenter. Nous donner plus de connaissance pour pouvoir agir.” Cette réflexion du journaliste et “éleveur de robot”, Benoît Raphaël nous amène sur un nouveau terrain de jeu pour les médias, qu’il est largement temps de s’approprier.

Oui, l’avenir de l’information passe en partie par la personnalisation de l’information. Pour retrouver la confiance de lecteurs, il faut que les journalistes partent les trouver là où eux ne les cherchent plus. Oui, le public est devenu plus exigeant et ne se contente plus de ce qu’on veut bien lui délivrer à la Une. Oui, il a besoin d’être surpris, étonné, capté dans un univers où l’information est partout à la fois.

Tous les journaux, en France comme à l’étranger, réfléchissent à la manière de personnaliser l’information pour garder l’attention des lecteurs (Photo Pixabay)

Il est clair que dans le chaos de l’information, on a aujourd’hui besoin de faire des choix et qu’il se font via nos centres d’intérêts. Mais tout cela va beaucoup plus loin. Les usagers ont besoin de retrouver la confiance, d’être sûrs de la qualité de ce qu’ils vont lire, écouter, regarder. Ils veulent que l’information qu’on leur donne leur soit utile, qu’elle leur apporte quelque chose de plus.

Ils veulent tout ça, sans forcément le formaliser. Sans l’exprimer clairement et parfois même en contestant l’idée qu’on puisse leur imposer cette info via des algorithmes qui pistent leurs habitudes, leurs usages.

Tous les journaux, en France comme à l’étranger, réfléchissent à la manière de personnaliser l’information pour garder l’attention des lecteurs. En 2017 et en 2018, le Google DNI a soutenu bon nombre de projets allant dans ce sens, confirmant qu’ils sont dans l’air du temps. Les grands titres comme les startups lancent des projets, testent des formules. Et quoiqu’il advienne, même si certains échouent en route, de nouveaux projets apparaissent. Le mouvement est enclenché.

Le traitement des données au coeur du débat (Photo Pixabay)

Le seul frein à tout cela : la donnée. “More data is better data”. La formule consacrée par les ingénieurs de Google s’applique bien au problème. Oui, il faut des datas de qualité, mais surtout, il faut que les journaux apprennent à les stocker et à les exploiter. Ce qui devrait les aider à sacrément améliorer leurs performances en matière d’informations personnalisées, mais aussi de publicités ciblées.

Car après tout, apprendre à mieux connaître son public, à lui fournir l’information qu’il veut au moment où il le veut (et la publicité ciblée qui va avec) pourrait participer d’un modèle économique pour demain.

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delphine noyon

directrice adjointe de l'édition de la Vienne de la Nouvelle République et de Centre-Presse. Journalisme, innovation, stratégie.