Proposition de loi relative à la gouvernance univertaire

Laurent Lafon
8 min readFeb 24, 2020

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Dans le pays de la “République des facultés”, la constitution d’universités pluridisciplinaires autonomes administrativement s’inscrit dans une histoire récente.

La loi n° 2007–1199 du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités dite “LRU” a posé les premiers jalons d’une nouvelle gouvernance universitaire pleinement autonome. Dix années de mise en application l’ont désormais confronté à l’épreuve des expériences diverses de la communauté universitaire et offrent aujourd’hui au législateur l’opportunité de répondre aux difficultés qui ont pu être soulevées.

C’est tout l’objet de cette proposition de loi qui vise à fluidifier le fonctionnement de la gouvernance universitaire dans le cadre qui a été fixé par la loi LRU. Si la la loi n° 2013–660 du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche a fait évoluer de nombreuses dispositions ayant trait à la gouvernance universitaire, elle n’a pas permis de répondre à l’ensemble des problématiques qui subsistent pour favoriser une gouvernance universitaire plus opérationnelle.

Les évolutions apportées par cette proposition quant à la composition du conseil d’administration et son mode d’élection visent à favoriser la gouvernabilité de cette instance, trop souvent paralysée en raison de paramètres qui sont consubstantiels à son mode de fonctionnement tel qu’il a été défini par le législateur.

La proposition vise aussi à promouvoir une gouvernance plus autonome en allant au bout de la logique de la loi LRU quant au rôle primordial de l’université en matière de ressources humaines ou de relations avec les facultés.

L’article premier instaure un nouveau mode de scrutin pour l’élection du président de l’université. L’élection à la majorité absolue des membres du conseil d’administration peut conduire à des situations de blocage. Il est nécessaire d’imposer un mode de scrutin qui permette une élection rapide du président de l’université.

Pour autant, cette nécessité ne doit pas remettre en cause l’esprit du scrutin, à savoir celui de la recherche d’un consensus au sein des différents corps représentés.

L’élection au scrutin préférentiel alternatif à un tour paraît donc la plus adaptée, en garantissant une élection rapide d’un président consensuel, avec un soutien large au sein du conseil d’administration. Dans le monde universitaire occidental, le recteur de l’Université d’Edimbourg et le directeur d’Oxford sont déjà élus au moyen d’un scrutin préférentiel alternatif.

L’allongement de la durée du mandat du président d’université d’un an permet également de synchroniser ce mandat avec celui des instances dirigeantes des UFR.

Enfin, des contentieux récents ont rappelé la nécessité de clarifier les règles d’éligibilité aux fonctions de président d’université. La présente proposition s’inscrit dans la logique des travaux préparatoires de la loi n’°2007–1199 du 10 août 2017 en permettant une ouverture large du champ des catégories de personnels éligibles à la charge de président d’université.

L’article deux instaure plus de souplesse dans le mode de scrutin pour l’élection des représentants au conseil d’administration, condition de la stabilisation de la gouvernance des universités.

L’amélioration de la gouvernance du conseil d’administration nécessite la constitution de majorités stables mais aussi la nécessité d’éviter une paralysie du conseil d’administration en cas de victoires de listes aux positions diamétralement opposées dans le collège A et le collège B.

Le mode de scrutin opportun pour conjuguer ces conditions de la bonne gouvernance universitaire dépend essentiellement du nombre de membres du conseil d’administration. Il ne peut donc être fixé de manière uniforme.

Aussi, dans les conseils d’administration resserrés, il apparaît judicieux de recourir à un mode de scrutin préférentiel alternatif à un tour, favorisant le consensus au sein des instances universitaires.

Dans les conseils d’administration plus larges, la proposition maintient le scrutin de liste en renforçant la prime majoritaire.

Par ailleurs, les obligations législatives portant sur l’obligation de constituer des listes représentant les grands secteurs de formation n’apparaissent plus pertinentes dans la mesure où elles freinent la constitution de listes indépendantes.

L’article trois et l’article quatre introduisent plusieurs dispositions ayant pour objectif de remédier au maintien des logiques facultaires qui continuent de s’exercer au sein des universités, amplifiant les difficultés rencontrées pour conduire une stratégie d’établissement à l’échelle universitaire.

La synchronisation des élections aux conseils des UFR avec les élections au sein de l’université participe à l’affaiblissement du cloisonnement des UFR.

La synchronisation calendaire de l’élection du directeur d’UFR avec l’élection du président d’université participe également à cette amélioration de la gouvernance universitaire.

L’article 4 permettra également de renforcer la solidarité entre l’équipe présidentielle et les équipes de doyens.

L’article cinq donne plus de souplesse aux universités pour fixer le nombre de membres du Conseil d’administration, laissant la possibilité de resserrer le nombre de membres du Conseil d’administration pour rendre l’instance plus opérationnelle. La confiance ainsi témoignée aux universités permettra de faire émerger une plus grande diversité dans le fonctionnement des établissements. Des expérimentations diverses permettront de renouveler et de dynamiser cette instance.

Si les modalités de répartition des sièges évoluent en substituant une répartition en proportion à une répartition en valeur absolue, le niveau de représentation des différents membres du Conseil d’administration n’évolue pas et correspond au niveau de représentation actuel. Les consultations menées auprès de la communauté universitaires nous ont toutefois amenées à ne plus spécifier l’obligation de présence d’un représentant des organismes de recherche, désigné par un ou plusieurs organismes entretenant des relations de coopération avec l’établissement.

La place des représentants des collectivités territoriales est garantie : elle est même susceptible de s’accroître en fonction de la taille du conseil d’administration.

L’article six vise à faire évoluer la procédure de qualification. Cette procédure est aujourd’hui une étape nécessaire pour être éligible à un éventuel recrutement en tant que maître de conférence dans un établissement universitaire. Cette labellisation de candidats qui sont pourtant déjà sanctionnés d’un doctorat s’oppose à la responsabilité des comités de sélection locaux de déterminer leurs propres recrutements et vient circonscrire l’autonomie de la communauté universitaire, notamment lorsqu’elles cherchent à élargir et diversifier leurs profils de recrutement.

Aussi, il apparaît nécessaire de faire évoluer la procédure de qualification en substituant un avis consultatif à l’avis conforme qui prévaut aujourd’hui.

Proposition de loi relative à la gouvernance universitaire

Article 1er

Le code de l’éducation est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa de l’article L. 712–2 est ainsi rédigé :

« Le président de l’université est élu par les membres du conseil d’administration parmi les catégories de personnels qui ont vocation à exercer des fonctions d’enseignement ou de recherche au sein de l’université, sans condition de nationalité. Son mandat, d’une durée de cinq ans, expire à l’échéance du mandat des représentants élus des personnels du conseil d’administration. Il est renouvelable une fois. » ;

2° Après le même article L. 712–2, il est inséré un article L. 712–2–1 ainsi rédigé :

« Art. L. 712–2–1. — L’élection du président de l’université a lieu au scrutin préférentiel alternatif à un tour.

« Nul n’est élu s’il n’a réuni une majorité des suffrages exprimés. Les suffrages qui se sont portés sur le candidat ayant obtenu le moins de suffrages sont répartis entre les autres candidats selon l’ordre de préférence établi sur chacun des bulletins de vote. Le processus de transfert est répété jusqu’à l’élection d’un candidat.

« En cas d’égalité des suffrages, le candidat le plus jeune est éliminé. »

Article 2

L’article L. 719–1 du code de l’éducation est ainsi modifié :

1° Les troisième à sixième alinéas sont ainsi rédigés :

« Pour les conseils d’administration comprenant seize membres ou moins, l’élection s’effectue, pour l’ensemble des représentants des enseignants-chercheurs et des personnels assimilés, des personnels ingénieurs, administratifs, techniques, ouvriers et de service, des étudiants et des personnes bénéficiant de la formation continue, au scrutin préférentiel alternatif à un tour dans des conditions fixées par décret. Chaque électeur est autorisé à exprimer une liste de préférences, même incomplète.

« Une déclaration de candidature est obligatoire pour chaque candidat. La candidature est nominative, avec possibilité d’adjoindre la mention d’une organisation à laquelle le candidat déclare être affilié.

« Pour les conseils d’administration comprenant plus de seize membres, l’élection s’effectue, pour l’ensemble des représentants prévus aux 1°, 3° et 4° du I de l’article L. 712–3, au scrutin de liste à un tour avec représentation proportionnelle au plus fort reste, possibilité de listes incomplètes et sans panachage.

« Une déclaration de candidature est obligatoire pour chaque liste de candidats. Pour les élections des représentants des enseignants-chercheurs et des personnels assimilés au conseil d’administration de l’université, il est attribué dans chacun des collèges 50 % des sièges à la liste qui a obtenu le plus de voix. Les autres sièges sont répartis entre toutes les listes. Toutefois, les listes qui n’ont pas obtenu un nombre de suffrages au moins égal à 10 % des suffrages exprimés ne sont pas admises à la répartition des sièges. Si plusieurs listes ont le même reste pour l’attribution du dernier siège, celui-ci revient à la liste qui a obtenu le plus grand nombre de suffrages. En cas d’égalité de suffrages, le siège est attribué au plus jeune des candidats susceptibles d’être proclamés élus. » ;

2° Le huitième alinéa est supprimé.

Article 3

Après le deuxième alinéa de l’article L. 713–3 du code de l’éducation, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le mandat des membres du conseil d’une durée maximale de cinq ans, expire à l’échéance du mandat des représentants élus des personnels du conseil d’administration de l’université. »

Article 4

I. — Le 1° du II de l’article L. 713–4 du code de l’éducation est abrogé.

II. — Le cinquième alinéa de l’article L. 6142–7 du code de la santé publique est supprimé.

Article 5

L’article L. 712–3 du code de l’éducation est ainsi modifié :

1° Le I est ainsi rédigé :

« I. — Le conseil d’administration comprend de douze à trente-six membres ainsi répartis :

« 1° Entre un tiers et quarante-cinq pour cent de représentants des enseignants-chercheurs et des personnels assimilés, des enseignants et des chercheurs, en exercice dans l’établissement, dont la moitié de professeurs des universités et personnels assimilés ;

« 2° Au moins dix pour cent de représentants des collectivités territoriales ou de leurs groupements, désignés par ces collectivités ou groupements ;

« 3° Entre quinze pour cent et vingt pour cent de représentants des étudiants et des personnes bénéficiant de la formation continue inscrits dans l’établissement ;

«4° Entre quinze pour cent et vingt pour cent de représentants des personnels ingénieurs, administratifs, techniques et des bibliothèques, en exercice dans l’établissement ;

« 5° Entre dix pour cent et trente pour cent de personnalités extérieures à l’établissement désignées après un appel public à candidature par les membres élus du conseil et les personnalités désignées aux 2° et 3° du présent I.

« Les statuts de l’établissement précisent le nombre de représentants pour chacune des catégories précitées.

« Les représentants des collectivités territoriales ou les représentants des organismes de recherche sont désignées avant la première réunion du conseil d’administration.

« Le nombre de membres du conseil est augmenté d’une unité lorsque le président est choisi hors du conseil d’administration. » ;

2° Le II est ainsi modifié :

a) Les huit premiers alinéas sont remplacés par cinq alinéas ainsi rédigés :

« II. — Les personnalités extérieures à l’établissement désignées après un appel public à candidature peuvent comprendre :

« 1° Des personnes assumant des fonctions de direction générale au sein d’une entreprise ;

« 2° Des représentants des organisations représentatives des salariés ;

« 3° Des représentants d’une entreprise employant moins de cinq cents salariés ;

« 4° Des représentants d’un établissement d’enseignement secondaire. » ;

2° L’antépénultième alinéa est ainsi rédigé :

« Au moins une des personnalités extérieures à l’établissement désignées après un appel public à candidature a la qualité d’ancien diplômé de l’université. » ;

3° Les deux derniers alinéas sont supprimés.

Article 6

L’article L. 952–6 du code de l’éducation est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est ainsi rédigé :

« Une instance nationale est chargée d’émettre un avis sur la qualification des enseignants-chercheurs. » ;

2° À la fin de l’avant-dernier alinéa, les mots : « qui fixe notamment les conditions dans lesquelles les qualifications des intéressés sont appréciées par l’instance nationale » sont supprimés.

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Laurent Lafon

Sénateur du Val-de-Marne. Maire honoraire de Vincennes. Conseiller à la Métropole du Grand Paris.