Vera Baboun

Laure le Douarec
poèmes évocateurs
3 min readJan 27, 2018

Pour l’amour de Bethléem, ma ville emmurée

Première femme élue Maire de Béthléem, et mère de 5 enfants, Vera Baboun, 53 ans, est Palestinienne chrétienne, professeur d’université de littérature anglo-saxonne.

Vera Baboun veut relever 3 défis: libérer sa ville du mur qui l’étouffe, soutenir les femmes, travailler à la paix dans son pays. Tout cela, pour illuminer l’humanité tout entière. Son héroïne, c’est Sheherazade, qui accomplit son destin grâce au courage, à l’éducation, à la sagesse. Ambition et pragmatisme se mêlent à merveille, traversés de moment glorieux et d’autres terrifiants. Une leader inspirante. Un modèle à lire et à suivre. Quelques extraits ci-dessous.

J’avais obtenu un permis pour franchir le mur, en ma qualité de maire (pour prendre l’avion). Nous arrivons à 2 heures du matin, devant le portail réservé au passage des véhicules. Il était fermé. La porte métallique avait l’air si énorme! Le chauffeur a klaxonné plusieurs fois pour attirer l’attention des soldats. Ceux ci ne sont apparus qu’une vingtaine de minutes plus tard. Je me suis dit: “Vera, tu es la maire d’une ville fermée. Tu veux rentrer, sortir et c’est un garçon de 18 ans, sous l’uniforme d’une armée étrangère, armé d’un fusil, qui t’ouvre ou qui ne t’ouvre pas la porte de ta ville. Je suis une autorité sans autorité.”

Toutes les femmes parlent 2 langues: celle de l’homme et celle de la souffrance sans mots. Quelques femmes en pratiquent une 3ème: la langue des reines. Celles-là sont merveilleuses et sont mes amies. (Poétesse syro-américaine Mohja Kahf)

En Palestine, les femmes ont naturellement tendance à parler la langue des hommes ou à s’imposer le silence. Pourtant, dans de nombreuses circonstances, elles éprouvent des passions bien à elles, possèdent leurs propres atouts, éprouvent des difficultés ou souffrent de douleurs qui leur sont propres. Pour ma part, j’ai dû travailler durement pour acquérir une voix, pour croire en ma voix, pour avoir confiance en mon moi féminin. Sheherazade m’y a aidée.

Quand son mari est emprisonné suite à son engagement pour la cause palestinienne et qu’elle doit subvenir aux besoins de toute sa famille, elle souhaite reprendre des études à l’université hébraïque mais ses beaux-parents ne veulent pas. Son mari la soutient via son avocat: “Vas y”. Elle a donc entamé sa première année de master quand son mari était en prison. Il l’a aussi soutenu les 2 années après sa sortie de prison en faisant la cuisine. Quel homme!

Résister à l’occupation, par les armes ou par la politique, c’est une chose. Mais résister à la situation pratique créée par l’occupation dans la vie de tous les jours, c’en est une autre. A partir du moment où vous acceptez comme allant de soi cette situation humiliante, anormale, contre nature, vous commencez à intérioriser le mur. L’acceptation, l’intériorisation du concept de mur, dans votre mental, dans votre psychologie, commence à vous corseter, à vous limiter dans vos mouvements. Dans les gestes mêmes de votre corps. Vous vous sentez dépossédée de vous-même, comme si vous viviez un exil intérieur. Vous commencez à créer vous-même votre propre isolement. C’est ce qui m’inquiète. Pas pour aujourd’hui, mais d’ici 10 ou 15 ans.

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Laure le Douarec
poèmes évocateurs

Laure held international business roles in UK,US and France for 10 years. She founded 2d4b and Sen to invite diversity, nurture dialogue and be the change