Guide de survie en appartement en temps de confinement

À PRÉSENT
4 min readApr 21, 2020

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Dorothée Caratini — 21 avril 2020

Lieu : appartement.

Heure : 6 h 30.

Famille : une adulte célibataire, deux enfants de quatre ans et demi ans et deux ans et demi.

Contexte : confinement en cours depuis plus d’un mois.

Les faits : Ce matin encore, j’entends des « boums » réguliers dans la chambre voisine. J’essaie de nier la situation : ce que je fais semblant de ne pas entendre n’existe pas. Je me lève, en bousculant ma partenaire de lit, ma vieille chatte Câline. J’ouvre la porte et je regarde ma fille aînée : « C’est encore l’heure du dodo, ne réveille pas ta sœur, rendors-toi ! » ça a déjà fonctionné par le passé mais son estomac gronde, elle a faim, elle veut avaler un bol de lait, lécher la confiture à la myrtille sur sa tartine. Finalement, j’arrive à me rendormir. Dix minutes par-ci, par-là. Je me lève, j’ai déjà envie de pleurer. Je prépare mon café pendant que les filles se réveillent, j’installe la table, j’allume la radio, je vais les chercher en frappant doucement à la porte : « Mamaaaaaaaan ! Une histoire ! Une chanson ! » C’est un piège et, si je ne m’échappe pas de la chambre au plus vite, je vais devoir répondre à des sollicitations multiples et simultanées, alors qu’il faut bien démarrer cette nouvelle journée et que mon café refroidit.

C’est ainsi que débute chaque journée. Comment faire face à ce déferlements de demandes, de cris, de hurlements stridents, de larmes inexplicables qui surgissent n’importe quand, pour n’importe quoi ? Voici cinq astuces que j’ai compilées à votre attention, en toute modestie.

1 : Nier

Je n’entends rien, donc il n’y a pas de bruit. Accessoires recommandés : casque anti-bruit, bouchons d’oreilles, écouteurs, oreillers scotchés autour du crâne. Vous pouvez également faire taire les enfants en leur mettant un masque de protection sur le visage, au prétexte qu’ils vont devoir s’y habituer s’ils veulent retrouver leurs copains. Astuce complémentaire : n’ouvrez pas les emails des profs, remplis de recommandations, de devoirs, de liens vers des vidéos bruyantes et de coloriages à imprimer (alors que le stock de feutres se vide de jour en jour).

2 : Détourner l’attention

Vos enfants réclament « Une Souris Verte » pour la vingt-cinquième fois d’affilée ? Trois minutes de chatouillis suffisent à lui faire oublier le petit rongeur et les messieurs sadiques qui veulent l’ébouillanter. Autres astuces : lancer sans aucun remords un dessin animé ; brancher Metallica sur l’enceinte du salon ; jeter des bonbons aux enfants ou les cacher dans leurs jouets ; leur faire prendre un bain jusqu’à ce que leur peau rétrécisse de deux centimètres.

3 : Les nourrir beaucoup

Après une bonne goinfrerie, on dort mieux pendant la sieste. Adaptez les repas à ce que vous trouvez dans les supermarchés en ignorant complètement les règles habituelles de l’équilibre alimentaire (attention toutefois : l’alcool n’est pas autorisé).

4 : Faire de n’importe quelle occasion un moment de fête

Si on y réfléchit sérieusement, on n’est pas vraiment obligé de trouver une bonne raison pour faire la fête. L’anniversaire du doudou, avoir grandi de deux centimètres, avoir été sage toute la matinée, lire une histoire seul, aider à ranger ou même le prolongement du confinement : autant d’occasions de se détendre en famille. Tout ce qui peut servir à cuisiner un gâteau, à danser, à se congratuler est bon à prendre et permet de relâcher la pression.

5 : Les épuiser physiquement

Les enfants ont besoin de se défouler, ouais ouais, on l’a bien vite compris quand on a vu nos mômes sauter sur place au bout de trois jours de confinement. Avec l’excitation, l’énergie refoulée, la légère angoisse qui plane dans l’atmosphère, ils sont intenables, ça vous le savez. Donc, le matin, une seule activité : le sport. Cela veut dire qu’il va falloir vous investir physiquement aussi, dans la mesure de vos capacités physiques. Faites n’importe quoi qui vous épuise en temps normal : dansez à fond pendant trente minutes et enchaînez avec un parcours de motricité (les enfants doivent contourner votre pile de livres à lire que vous n’avez pas encore touchée ou sauter par-dessus le cadeau très fragile qu’un proche a cru bon de vous offrir à votre anniversaire) ; une leçon de gym en ligne (mais un cours adultes, bien entendu, c’est plus efficace et vous en bénéficierez), suivi de quatre ou cinq allers-retours dans les escaliers de l’immeuble.

À quarante ans, Dorothée Caratini, ancienne journaliste reconvertie en mère de famille professionnelle, se lance dans l’écriture et réalise ainsi un de ses rêves d’enfance (l’archéologie et la vulcanologie demandaient trop d’efforts).

À PRÉSENT — recueil collectif ouvert à toutes et à tous. Vous avez envie de participer ? Envoyez vos contributions à : recueilapresent@gmail.com

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À PRÉSENT

Recueil collectif imaginé aux temps du confinement. Édité par Lilas Seewald. Tous droits réservés.