Episode 5 : Se lancer (suite et fin)

Lili&Julie
6 min readAug 31, 2018

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Illustration Aurélie Azevedo

Résumé des précédents épisodes : Lili est architecte, Julie, journaliste. Ces deux amies de longue date, la trentaine approchant, ne se retrouvent plus dans leur travail, dont le sens leur échappe. Elles traversent alors une période d’introspection, avant de partir explorer de nouveaux horizons professionnels. Un voyage initiatique à travers soi, afin de mieux saisir ce qui nous fait vibrer. Une aventure humaine, faite de voyages et de rencontres, qui permet, enfin, de se lancer.

Lili

Désormais, je considère ma carrière comme une histoire de vie — faite de rebondissements et d’ajustements. A présent, je n’en éprouve plus la moindre culpabilité, ces apartés racontent qui je suis et cela compte aussi bien que des lignes d’un curriculum vitae. Précisément, une nouvelle expérience va s’offrir à moi, confirmant encore cette conviction : la maternité. Porter puis donner la vie est une aventure qui s’inscrit de façon particulière dans le temps et la vie d’une femme. A la fois une étape de transformation, parfois de déstabilisation, un moment intense d’adaptation et de découvertes. Avant même l’arrivée de l’enfant, j’ai la sensation d’ouvrir un chapitre totalement nouveau de ma vie. Et je m’en réjouis.

Enceinte, je continue à travailler en freelance en tant qu’architecte. Mais à la naissance, mon choix est instinctif et ferme : je veux prendre le temps de vivre cette expérience pleinement. Être disponible afin de faire la connaissance de mon enfant et l’accompagner dans les premiers mois de sa vie. Bien au delà du congé maternité qui me paraît bien trop restreint. Vu mon statut, je pourrais être gouvernée par la peur : celle de manquer de belles opportunités professionnelles, d’avoir des difficultés à reprendre ensuite le fil de ma carrière, de créer un vide qui pourrait faire douter mes futurs employeurs de mon engagement. Mais à ce moment précis de ma vie, je balaie d’un revers de main ces croyances : huit ans que je suis diplômée, je me plais désormais à les valoriser, ces soi-disant “vides”. Je les assume. Ces temps sont des silences pareils à ceux d’une partition sans lesquels aucune note ne résonne vraiment. Contrastes. Ralentissements. Accélérations. Forte de cette certitude, je m’autorise à m’arrêter presque un an.

Confiante en ma capacité à rebondir et inventer la suite, une nouvelle fois.

Une décision que je ne regrette absolument pas. Après cette halte choisie, j’ai redémarré de plus belle mon activité d’architecte avec un nouvel élan. Tenter de nouvelles expériences qui m’ont fait grandir, parfois dans l’adversité. Des mésaventures qui m’ont incité à définir plus clairement l’environnement dont j’ai besoin pour me déployer, pour donner le meilleur de moi-même. Et depuis quelques mois, c’est chose faite ! Je me réjouis à présent d’avoir trouvé une agence d’architecture me permettant d’être fidèle à mes aspirations et de concilier au mieux mes vies personnelle et professionnelle. Où je peux aussi être fière de mener plusieurs activités en parallèle comme d’écrire ou de voyager. Dès lors, je suis davantage consciente de mes ressources, de ce que je peux apporter à des équipes et des projets, tout en raisonnant beaucoup plus en terme d’aptitudes que de métier. Accorder le cours de son activité aux différents cycles et étapes de nos vies m’apparaît comme une chance. Une opportunité à saisir régulièrement pour s’approcher de l’harmonie, celle-ci n’étant pas un point fixe mais un rééquilibrage permanent. Il ne s’agit pas forcément de reconversion, mais de transformer son activité au fur et à mesure que l’on se transforme soi-même. Rien de figé. Un parcours vivant et coloré guidé par ces mots de Saint-Augustin : “ Avance sur ton chemin car il n’existe que par ta marche”.

Chacun son cheminement, son style, sa temporalité. Nos histoires sont des “work in progress”, des processus faits de petites avancées, de fausses pistes et parfois, de grands sauts. Il n’y a pas forcément un switch radical et définitif mais une suite de changements, de trajectoires et d’aiguillage, qui rend la route authentique et fructueuse pour chaque vie.

Julie

Mon premier jour de travail avec les deux entrepreneurs qui m’ont embauchée quelques semaines plus tôt ressemble au quotidien de nombreuses startups. J’arrive dans nos bureaux partagés, situés en plein cœur du Sentier à Paris. Je m’installe dans l’open space avec mon ordinateur portable et constate qu’il y a là toute la panoplie de la startup : table de ping pong, baby foot, Xbox, livraison de cookies ou fruits selon les semaines…Les co-fondateurs ne sont pas encore arrivés, ils sont rarement au bureau de toute façon. L’autonomie est obligatoire dans ce cadre, et c’est exactement ce que je suis venue chercher.

A mon arrivée, on me rappelle la valeur numéro 1 de la boîte : “Tu pourras toujours demander de l’aide”. Une autre façon de nommer la bienveillance, qui règne dans cette petite entreprise. Au fil des jours, je me sens valorisée, écoutée. Je suis incitée à tester mes idées et mes prises d’initiatives sont grandement encouragées, voire souhaitées. Pour moi, le contraste est abyssal : quand je naviguais dans les eaux télévisuelles, la critique était souvent de mise, les compliments, rarissimes et les commentaires post-reportage se résumaient souvent à : “Cela aurait pu être mieux.” Maintenant, j’ai la possibilité de recevoir du feedback et même d’en donner à mes boss ! Bienveillance, écoute, feedback, autonomie : je trouve enfin les clés de mon épanouissement professionnel.

J’ai enfin trouvé ma place

Plus important encore, j’ai trouvé mon “Pourquoi”. Le fameux Why dont parle Simon Sinek : trouver du sens à ce que l’on fait. Cette question m’obsédait depuis mon passage par Switch collective. Le journalisme m’apparaissait comme une telle évidence depuis l’enfance, je ne pouvais pas remplacer ce métier par quelque chose auquel je ne croyais pas à 200%. J’ai besoin d’avoir un impact sociétal dans mon boulot, aussi minime soit-il, et de contribuer à une cause qui m’anime. La mienne, c’est d’agir sur le futur du travail. Et à travers le prisme qu’est la communication, valoriser des initiatives et des personnes qui changent les organisations, encore marquées par l’héritage du XIXème siècle. J’ai enfin trouvé ma place, celle que j’ai envie d’occuper, ici et maintenant. Elle évoluera peut-être, sûrement même, tout comme j’ai évolué du journalisme à la communication en startup. Accepter que nous aurons plusieurs métiers, plusieurs vies, et que l’une des compétences-clé de notre époque, c’est justement de savoir rebondir et s’appuyer sur ses acquis pour mieux les utiliser ailleurs.

Depuis le 02 janvier 2018, j’ai poussé une autre porte. Elle conduit à des bureaux en flex office, où les réunions se font sur une table de ping-pong, où je peux m’isoler quand j’ai besoin d’être concentrée, ou encore échanger sur l’un des immenses canapés du lounge. Elle me conduit aussi au monde du CDI. A rebours de la tendance actuelle, je quitte près de huit années de freelance pour le salariat. Je suis fière d’apporter ma contribution à cette nouvelle aventure, dont la richesse repose à mes yeux énormément sur les personnes qui composent cette entreprise. Je suis fière d’avoir changé de vie, d’avoir écouté ma petite voix et d’avoir accepté que le chemin allait être long, mais qu’il en valait sacrément la peine.

Ainsi s’achève cette série sur notre reconversion professionnelle en 5 épisodes. Si cela vous a plus, n’hésitez pas à nous le dire en commentaire:) Et si vous souhaitez échanger, débattre, témoigner, nous raconter votre histoire, nous restons joignables à l’adresse suivante : lilietjulieswitch@gmail.com

Merci de nous avoir suivies et peut-être à bientôt !

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Lili&Julie

Aurelie, architecte en plein switch; Julie, ex-journaliste devenue dircom en startup. Elles partagent l'amour des mots et un goût immodéré pour les histoires.