Le monde est petit quand on le regarde d’en-haut

litchi-rain
4 min readMar 22, 2018

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Cette histoire est semi-vraie, semi-fausse. Une anecdote fictive. Ou une fiction d’anecdote, devrais-je dire ?

Hmm… \(●__●)/

Le ciel était rose.

Papa et moi avions décidé de nous rendre à la montagne à huit heures du matin.

« Fais attention, il y a plein de crottes de chien », m’a averti mon père.

Des crottes, j’en voyais une vingtaine tous éparpillés parmi les petits cailloux. Moi qui avais l’habitude de regarder le ciel plutôt que la terre, j’ai dû river mes yeux vers le bas durant toute l’ascension. C’est qu’en plus, il fallait faire gaffe aux nombreux buissons et aux débris de bouteille et canettes que les gens avaient jeté. Cette montagne n’avait rien d’attirant ; au contraire, elle était la représentation du chaos. Mais ce n’est qu’en montant tout en haut qu’on pourrait au moins l’apprécier par sa hauteur.

Papa marchait vite ; il était à plusieurs mètres d’avance sur moi, et il ne s’est même pas retourné une seule fois pour se rassurer que je le suivais. Il n’aime pas attendre, mon père.

J’ai décidé de compter toutes les canettes que je croisais. Deux, cinq, sept, dix ! Une vraie poubelle. Au lieu de les ramasser, j’ai maudit tous ces gens qui ne respectaient pas l’environnement.

Le vent soufflait modérément, faisant danser mes cheveux courts. Heureusement, on était en été, et le souffle qui caressait mon visage était tiède. Je me sentais bien.

Le sport, ce n’est pas mon truc. Je récoltais des notes passables en foot, en basket, et en gym. Par-contre, l’escalade me faisait sentir vivante. Ça imposait un effort sur les muscles de mes jambes, mais aussi de mon cerveau ; aller en haut, c’est dur. Mais c’est du progrès. Ce sentiment me procure une énergie pétillante.

Mon père aimait aussi l’escalade. C’est lui qui m’a fait découvrir cette activité depuis mes quatre ans. Tous les week-ends, on partait pour de nouvelles contrées. À chaque fois, on montait et on descendait. Ma mère, elle, préférait être en dehors de ça ; elle disait ne pas vouloir se fatiguer pour rien. Les sports de ce type, elle préférait les regarder à la télé, comme Pékin Express. Voir les candidats monter mille marches au Laos, ça impliquait la sensation sans la fatigue. Et au final, on les voyait arriver à destination avec des visages coulants de sueur, et les corps affalés sur le sol.

Mais en ce qui nous concernait, à moi et à Papa, ce n’était pas une épreuve de compétition. On y allait doucement (moi, du moins). Mon rythme était lent, mais je ne m’inquiétais pas. Je savais que j’allais y arriver, comme toutes les fois auxquelles je suis parvenue au sommet.

En même temps, je pouvais profiter du jour qui se levait. On aurait dit que tout tournait autour de moi ; les oiseaux, le soleil, le vent…Je me sentais sereine à l’idée d’effleurer la nature. C’est comme si elle me portait vers le haut, sans que j’aie à faire véritablement d’efforts.

Ça y est, mon père est sur le point de marcher tout en haut.

« Pas trop fatiguée ? » m’a-t-il lancé.

« Ça va, » ai-je répondu, mes yeux rivés sur le sol.

C’était devenu mon rituel de ne pas lever les yeux avant d’arriver au sommet. Pas seulement parce qu’il y avait des crottes de chien et autres détritus ; mais je ne voulais pas me gâcher la vraie surprise. Le cadeau final. Il fallait que je me le réserve pour la ligne d’arrivée.

Une minute plus tard, j’y étais déjà. Alors j’ai lentement levé les yeux. Puis, comme d’habitude, j’ai fait comme si j’avais porté un bandeau sur les yeux durant toute l’escalade.

La vue me prenait de haut. J’étais comblée.

Depuis trois ans que je fais ce sport, j’aurais peut-être dû m’y habituer. Mais ce n’était jamais le cas. Aujourd’hui, c’est une nouvelle vue sur une nouvelle montagne.

« C’est trop beau ! », ai-je dit à moi-même.

Je me sentais plus grande que ces immeubles gris, plus grande que cet hôtel à cinquante étages, et même aussi majestueuse que la mer devant moi. C’est bizarre de constater que le monde est si petit, vu comme ça. Les quelques voitures qui partent au travail sont si minuscules. Les passants de la rue ne sont que des points.

Cette constatation ne cesse de m’éblouir.

Mon père et moi avons discuté des bâtiments. Je lui ai fait remarquer que notre ville arborait surtout les couleurs rouges, blanches et vertes. Et marron et jaune. Bleu aussi, si on compte la mer. Un mélange de couleurs chaudes. Et avec le soleil qui pointe gracieusement son bout de nez, ça ne pouvait être que plus chaleureux.

« Regarde, tu as vu ? » s’est soudain exclamé Papa en pointant du doigt sur un buisson.

Sur ce dernier y était posée une grosse mouette. Elle avait le regard fixé sur l’horizon.

« Tu crois qu’il est en train de regarder la ville comme nous ? » ai-je demandé.

« Oui », a répondu mon père. « Il est bien silencieux ».

La mouette a entendu nos voix ; elle nous a dévisagés pendant un court instant, avant de déployer ses ailes et de prendre son envol vers la mer.

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