Du sentier au chantier — 3 mois pour construire une maison sur roue

Louis Graffeuil
6 min readSep 17, 2020

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INTRO

Vous connaissez “Avez-vous déjà-vu ?”, des vidéos où Alain Chabat imagine des situations bien improbables et plutôt galères ? (sinon je vous conseille celle-ci)

Quand je regarde ces derniers mois, j’ai l’impression d’avoir été protagoniste d’un nouvel épisode : “Avez-vous déjà vu 2 amis qui se lance un défi impossible ?” Ce défi : construire une maison sur roue autonome pour en faire un hébergement écologique en pleine forêt du nom de Bucoli.

Avec mon pote Marc, on se doutait pas que construire une maison, c’est plus ou moins apprendre 10 corps de métier : architecte, charpentier, menuisier, couvreur, électricien, plombier, chauffagiste, cuisiniste, décorateur, et je dois en passer…

À l’idée de se lancer dans cette aventure, j’étais parfois hyper-enthousiaste, et parfois plus que dubitatif. Et puis un matin, Marc est venu me dire que la remorque qui sert de fondation à l’habitat venait d’être acheté. 6000 € tout de même. A cet instant, plus de marche arrière possible.

La remorque : plus possible de changer d’avis

LE DÉBUT DE L’AVENTURE

Le souhait dès l’origine était de proposer à tous un hébergement pensé pour vivre une expérience de reconnexion à l’essentiel. Un lieu minimaliste et baigné de nature. Le tout sans transiger sur une nécessaire éco-conception, ni sur le confort. C’était ambitieux.

Tellement ambitieux que tout se précipite. On créa la société le 7 mars 2020 et les fournisseurs locaux nous annonce des délais de plusieurs mois. Si l’on veut finir la construction avant la fin de l’été, il faut aller vite, il faut même commander là, tout de suite, alors que nous n’y connaissons absolument rien… On nous parle de ”solives, tasseaux, liteaux, contreplaqué, osb” et on se retrouve complètement perdu, dans la nécessité d’agir avec notre idée et notre remorque sur les bras.

On décide de ne pas lâcher, et quelques nuits blanches plus tard à éplucher YouTube et à esquisser les premiers plans, c’est le moment de tenter le coup de poker : la moitié des économies qu’on avait prévues pour le projet part en fumée (environ 15 000€), on fait des choix majeurs sur l’apparence du bois, les quantités nécessaires, le design… alors qu’on est lancé depuis moins d’une semaine.

Le premier plan fait en quelques heures !

On a à peine pu se remettre de nos émotions que le pays s’arrête avec l’annonce du confinement. On a tout juste le temps de sauter dans un train direction la Corrèze pour être sur le lieu du chantier et pouvoir commencer dès les premières livraisons dans l’incertitude totale qu’elles arrivent à temps.

LA NATURE AU CENTRE

En attendant nos livraisons, on est enfin content de prendre le temps de se poser pour concevoir plus en profondeur la Tiny House avec pour objectifs qu’elle soit 100% naturelle (ossature, isolation, plastic-free) et 100% autonome (solaire, eau de pluie, phyto-épuration).

Mi-avril, les premières livraisons arrivent, et c’est l’effervescence la plus complète ! 🎉 Difficile de croire que l’on puisse ressentir une intense joie pour une remorque et du bois, mais c’était un immense soulagement de tout recevoir, et on n’en revenait pas de voir se matérialiser sous nos yeux nos dernières semaines de boulots.

On était comme deux gosses au pied du sapin de Noël en train de s’imaginer la Tiny House sur la remorque, de toucher le bois, et de savourer sans modération notre premier succès. On allait pouvoir commencer le chantier (quasi) dans les temps, et pouvoir donner corps à notre vision : éco-construire une Tiny House pour la placer au cœur de la nature.

C’est enfin parti pour le chantier !

LE CHANTIER

Le chantier démarre sous les meilleures auspices. C’est une récompense quotidienne de voir l’habitat prendre forme sous nos yeux : le sol, les murs, l’isolation, le lambris intérieur, l’électricité, la plomberie… Le challenge tient néanmoins ses promesses, et on ne compte plus trop les galères, les changements de plans, les demandes d’aides à nos proches et les moments de stress intense.

Un des gros coup de panique arrive un beau matin avec la livraison du bardage, c’est-à-dire les planches de bois qui couvre l’extérieur de la Tiny House. C’est un moment super important pour nous parce que c’est la “partie visible de l’iceberg”, celle qui va déterminer presque entièrement l’apparence extérieure de l’habitat.

C’est aussi une étape cruciale du chantier car elle est couteuse (1 200€), très longue (2 semaines), et demande beaucoup de précision dans la commande puisque le bois doit venir du même lot pour que le rendu final soit homogène.

Notre bardage

Et en un mot, c’est la catastrophe. Trois quarts des planches sont en si mauvais état qu’elles sont tout bonnement inutilisables… On est à presque un mois de la fin du chantier, c’est donc absolument impossible d’attendre plusieurs semaines pour être relivré et il faut à tout prix que l’on trouve une solution…

Alors on sort complètement de ce qui était prévu, on se met en mode guerrier et on passe nos journées à sauver ce qui peut l’être en redécoupant à la main chacune des planches pour en expulser les défauts. À force de patience, on arrive à barder environ la moitié de la Tiny, mais on a que nos yeux pour pleurer pour l’autre moitié.

La chance qu’on a eu dans notre malheur, la lumière au bout du bout du tunnel, c’est d’avoir fait le choix d’un fournisseur local. Quelqu’un à l’écoute, proche de chez nous, avec qui on peut discuter et trouver des solutions.

Un jour où l’on échange sur notre blocage, il nous parle de l’aboutage. Je n’avais jamais entendu ce mot de ma vie, mais il allait nous sortir d’une sacré galère. En bref, cela consiste réutiliser les “chutes de bois” (c’est-à-dire les reste de précédentes découpes du même lot), à les presser et les recoller, jusqu’à obtenir une nouvelle planche visuellement homogène. Ce n’est pas forcément l’idéal car des micro-traces de l’opération subsistent, mais franchement, on était plus à ça près.

C’était reparti comme en 40, notre fournisseur aboute à tour de bras, nous relivre les planches au fur et à mesure, et on arrive à ressortir la tête de l’eau pour finir certes très en retard, mais si fier du résultat 👇

Le rendu final après le bardage

LES FINITIONS

Une fois la structure construite et les galères derrière nous, on ressent un grand soulagement et on peut laisser parler notre imagination. On met en place tous les derniers détails qu’on avait imaginés et qui permettent de faire du séjour dans la Tiny House une expérience unique à vivre… :

  • On assemble tout le nécessaire de l’espace terrasse, avec une table massive, des chaises basses conforts & un coin d’un brasero parfait pour faire un feu de camps. Le but : que chacun puisse prendre un bain de nature et se ressourcer en plein air.
  • On peaufine l’intérieur de la Tiny House où l’univers est celui de la déconnexion : des livres pour prendre du temps pour soi, des jeux pour partager des moments de vie à 2, un système sonore adapté à l’habitat pour chiller calmement.
  • On trouve notre terrain : une forêt de 90 hectares au cœur de la Bourgogne à 2h15 de Paris. Le tout desservi par une voie romaine millénaire s’il vous plaît !
L’intérieur de l’habitat

Et aujourd’hui, je prends le temps pour témoigner si jamais cette aventure de reconversion un peu hors des clous peut en amuser et surtout en inspirer certains.

Vous voulez continuer de suivre notre aventure ? Ou bien même y prendre part en étant l’un des premiers à tester la Bucoco (c’est le petit surnom de la Tiny House) ? C’est sur www.buco.li que cela se passe !

Bucoliquement,

Louis

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