Je suis épanoui et mon esprit s’éclate

Louison Dumont
4 min readMar 21, 2016

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On n’en voit pas souvent des articles comme ça. Donc en voilà un.

On me voit plus souvent d’ailleurs, ici. J’ai chopé un rhume, j’ai la maladie du “je ferme ma gueule quand je ne sais pas” (c’est plutôt relaxant, pour moi en premier), et récemment, j’ai beaucoup questionné, donc je savais pas beaucoup.

Par contre, ce que je sais, là, maintenant, c’est que je m’éclate un peu plus tous les jours. C’est une drôle de sensation, j’imagine que c’est un peu similaire au mec qui sort de prison : il est libre, mais dans sa tête il ne connait plus que la prison, donc il a un peu de mal à se laisser aller, il voit des barreaux quand il marche, il voit des barreaux quand il dort.

Et bien, mes barreaux, ils commencent à disparaître de mon champs de vision. Déjà, je suis beaucoup plus créatif, je le sens. Je marche dans la rue et j’imagine les arbres se transformer en toboggans géants, poussant vers l’espace, s’enfonçant, grossissant, l’écorce explosant, faisant pousser tout plein d’autres arbres, les maisons se transformant en champignons.
Besoin de musique ? Le ciel devient ma boite de nuit. Une trompette par ci, une guitare par là.

Pour beaucoup de gens, ça parait idiot, mais moi c’est ça qui me fait plaisir, voir les maisons se transformer en champignons.
Pour la première fois depuis un moment, depuis mon enfance je pense, j’ai cette insouciance qui ressurgit. Je m’en branle. Total.
Après les barrières, après les mensonges et les chantages, je me sens voler. Contrairement à la propagande, aucun rayon laser ne m’a touché et aucune tempête ne m’a noyé. Ça n’a pas toujours été facile, et c’est toujours pas facile, mais paradoxalement, c’est pas ce que je fais qui est difficile, c’est apprendre à vivre en dehors des barreaux qui l’est, c’est apprendre à voler, c’est dire à mon cerveau “tu vois tes membres atrophiés là ? T’en avais pas besoin jusqu’à ici, mais là il faut voler, donc oh grande plasticité universelle abracadabra”. Le reste, c’est de la rigolade. J’ai plus stressé dans ma vie en bégayant pour demander une baguette de pain qu’en parlant devant 300 investisseurs.

Petit, je me reconnaissais dans l’insécurité des super héros : pas dans Spiderman, pas dans Superman, mais dans Peter Parker, dans Clark Kent.

Et puis… un jour, ça marche. Un jour, tu commences à voler. Tu volais depuis le début, parce que forcément, tu te la joues Spiderman, tu te balances de l’immeuble, et forcément que tu trouves le moyen de balancer tes toiles avant de toucher le sol, mais c’est maladroit, alors tu te prends des fenêtres et des chateaux d’eau.

Un jour tu te réveilles, et c’est comme se réveiller après des jours sans sobriété, tout parait nouveau, le soleil splendide te brule agréablement les yeux. Et le lendemain, tu te réveilles encore, mais cette fois c’est comme si tu te réveillais de tout depuis le début, y compris la veille. Tu te réveilles un peu plus tous les jours. Tu comprends un peu plus tous les jours, qui tu es, comment tu dois intéragir avec les autres, tu comprends le manuel de ta tête.

Mais le truc le plus excitant, et la raison de cet article, c’est que la dernière page du manuel, je ne la trouve pas. J’ai beau la chercher, c’est comme un infinite scrolling, impossible de l’atteindre. Y’a même une page, la 4930e à peu près, qui dit “cherche pas, le manuel n’a pas de fin, et la notion même de quantité ne s’y applique pas”. D’un coup t’arrêtes de voir des carrés dans les cercles, et tu acceptes la sagesse du cercle. Tu acceptes l’ignorance, tu acceptes l’infini et l’au delà, le trou noir et la matière, et, putain, plus tu relâches, plus les pages se créent rapidement, plus les pages gagnent en dimension, il n’y a plus que du texte dessus, non, la page t’aspire, la page sent, la page hurle, la page aime, tout est magique.

Et ouah, c’est juste génial. Personne m’avait dit qu’on aurait du dessert ! et on a même carrément une machine à fabriquer des desserts !

Après des années à lutter contre le vent, à trouver du plaisir dans le combat, je trouve désormais du plaisir dans le vent en lui même, taquin, giflant ma joue ou chatouillant mon épiderme.

Je me sens connecté à moi même, je me sens moi et tout à la fois. Et putain, c’est cool. Ma vie a été un mélange de mecs qui me disaient “tu crains t’es chiant” et “t’es génial c’est ouf”. J’ai jamais cru aucun des deux, et pour la première fois, je le sens, je trouve mon esprit génial, parce qu’il transforme les maisons en champignons, et j’adore les champignons.

Unlisted

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