Quand la complexité prend le pouvoir

Mathieu Nebra
3 min readMar 15, 2016

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Je ne lis pas assez. En tout cas c’est ce que je me dis en ce moment.

Quand j’ai entendu parler de ce livre qui venait de gagner un prix littéraire, j’ai décidé de l’acheter. Si les plus grands intellectuels du pays me disent qu’il est excellent, c’est qu’il doit être bon, non ?

Eh bien, j’ai détesté. Je l’ai vraiment détesté. Ca fait longtemps que je n’ai pas lu un livre aussi mauvais (ok, certains pourraient dire que ça fait longtemps que je n’ai pas lu un livre tout court).

J’avais le sentiment qu’il voulait que ce soit difficile pour moi de le suivre.

J’ai commencé à me demander pourquoi. Pourquoi est-ce que ce livre me paraît si mauvais ? Et surtout : pourquoi certaines personnes disent que c’est un bon livre ?

J’ai trouvé plusieurs raisons. Déjà, l’auteur était assez orgueilleux. Mais par-dessus tout, il aimait écrire des phrases longues et complexes.

Oui, c’était bien écrit. Je n’aurais pas pu écrire comme ça. Mais était-ce vraiment nécessaire ? Il a écrit pour le plaisir de faire de longues phrases et c’était difficile pour moi de le suivre. En fait, j’avais le sentiment qu’il voulait que ce soit difficile pour moi de le suivre.

Ma culture valorise la complexité

Je vis en France. Il y a cette règle non-dite ici qui fait que la complexité est valorisée.

Vous ne verrez jamais quelqu’un dire : “J’ai trouvé un moyen de simplifier mon travail et de le finir plus tôt !”

Bien sûr, personne ne m’a dit de faire des choses complexes. Mais j’ai compris le message tout seul :

  • On m’a dit que je devais faire des études scientifiques et que les meilleurs étaient capables de résoudre des équations complexes.
  • On m’a dit que mon rapport de stage devait faire au moins 70 pages. Ca m’a forcé à faire des phrases inutilement longues et compliquées parce que… je n’avais pas 70 pages de trucs à raconter.
  • On m’a dit que je ne devais pas finir mon travail plus tôt. Ce serait un signe que je ne suis pas sérieux. Au contraire, je devrais me plaindre que j’ai beaucoup de travail. Vous ne verrez jamais quelqu’un dire : “J’ai trouvé un moyen de simplifier mon travail et de le finir plus tôt !”.

Nos élites nous montrent le chemin. Elles créent de plus en plus de lois, sans jamais penser à en supprimer quelques-unes qui commencent à devenir obsolètes. Pourquoi ? Parce que ces personnes viennent des meilleures écoles où elles sont formées à résoudre des équations complexes. Ca leur paraît juste… normal.

Personne ne prendrait sérieusement quelqu’un qui dirait “je vais retirer des trucs inutiles”, alors ne parlons même pas de le valoriser.

Comment valoriser la simplicité… et l’efficience

J’ai récemment découvert Elevate (une sorte de serious game sur mobile) dans lequel un des jeux m’a surpris au départ :

Le jeu “Brevity” dans Elevate

Ce que demande ce jeu ? “Remove unnecessary words” : retirez les mots inutiles. C’est la première fois de ma vie qu’on me demande ça, je vous jure.

Cela m’a fait réfléchir : “Non, mais en fait, on peut enseigner la simplicité”. On doit juste être très explicite sur le fait qu’on attend de la simplicité. La simplicité n’est pas futile. Elle est importante. C’est la meilleure façon de s’assurer qu’on est compris lorsqu’on communique.

La prochaine fois que vous demandez un rapport de stage, s’il vous plaît, n’utilisez pas cette règle des “70 pages”. Ce n’est pas ce que vous voulez. Vous voulez que les gens développent des idées. Soyez précis et dites ce que vous attendez. Si ça tient dans 20 pages, faites de bons commentaires sur ce rapport. Mieux : faites-en un exemple.

Lentement, petit à petit, les esprits commenceront à changer.

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Mathieu Nebra
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Written by Mathieu Nebra

Entrepreneur, author and co-founder at OpenClassrooms

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