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Haine d’État

Marc Falcy
7 min readNov 13, 2017

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Traduction du catalan au français de l’article « Odi d’Estat » de J.M. Solé i Sabaté, publié sur elnacional.cat

Les vexatoires paroles homophobes de la police espagnole se référent à Oriol Junqueras, vice-président de la Generalitat, lorsqu’il était conduit dans une prison de Madrid, capitale des prisons, pour un coup d’État constitutionnel par les partis politiques PP (parti populaire), PSOE (parti socialiste ouvrier espagnol) et Ciudadanos, sont le résultat d’une haine alimentée par le pouvoir de l’État.

L’Espagne, comme État, n’aime en rien la Catalogne. Son hostilité l’amène à la haine. Elle n’accepte pas sa culture, son identité, sa langue, son pluralisme, sa vision du monde, sa forte europhilie, son histoire millénaire. Il suffit de se rappeler les plus variées déclarations de nombre de ceux qui ont détenu le pouvoir de l’Espagne contemporaine. De Sagastra à Dato, Primo de Rivera, Prieto, Negrín, Franco, Aznar, Gonzalez, Guerra, Rajoy où les actuels pouvoir judiciaire et classe politique. De gauche ou de droite. Tous hostiles au droit propre du peuple catalan.

C’est un refoulement émotionnel qui s’impose aux autres. Il n’est pas d’origine culturelle, ni philosophique, ni politique. Il est économique. Le nationalisme espagnol de droite ou de gauche pense de la même manière lorsque tel est l’objectif. Il ne veux d’aucune manière renoncer à l’apport de ressources, des richesses de Catalogne vers l’Espagne. Le dernier chiffre reconnu par des économistes indépendants est de 16 milliards d’euros. Sans compter les déficits séculiers, chargeant les infrastructures les plus variées, à résider à Madrid les points les plus fondamentaux et définitifs de l’État. Un État centraliste et centralisateur.

En Espagne, le pouvoir financier, l’oligarchie politique, les secteurs judiciaires, administratifs et bureaucratiques de l’État, le haut clergé, le monde culturel et universitaire boivent d’un nationalisme espagnol agressif envers les autres. C’est l’affirmation « Castilla conformó España », que disait Ortega y Gasset. Pour cette raison en son espagnolisme peuvent se retrouver le noyaux majoritaire du progressisme, la gauche, la droite, l’extrême droite et ses alliés idéologiques nécessaires. Le racisme, l’homophobie et le machisme.

Ils éduquent et forment dans ces valeurs, raison pour laquelle la chose est largement majoritaire. Sans une réflexion de l’égalité et le respect envers les autres, le nationalisme espagnol continuera d’être excluant. Autoritaire.

La Catalogne au fil du 19e siècle, à partir d’un relatif triomphe économique du libéralisme, en rien politique, va tenter de moderniser l’Espagne, pour tenter de se situer au même niveau que le reste des pays européens. Jamais elle n’a pu réussir. La réponse du pouvoir omnimode des secteurs détenteurs de l’État ont rendu la chose impossible. Les grands propriétaires terriens, les banques, l’armée et l’église se sont entendus pour maintenir le statu quo, la domination économique, idéologique, politique et culturelle. Une société qui défendait bec et ongles ses privilèges par dessus une société plus moderne, juste et équilibrée.

L’État espagnol et la monarchie caduque et corrompue, en perdant les dernières colonies, ont pris conscience de l’épée de Damoclès. Aux demandes démocratiques d’autonomie d’une Catalogne qui optait résolument pour une voie industrielle et européenne, ils ont répondu avec l’armée, ils ont laissé en lettres d’imprimerie dans la presse militaire et civile que « la Catalogne ne serait pas une seconde Cuba ».

À ce moment s’achevèrent les bonnes relations avec les lettrés et écrivains espagnols. L’admiration et le labeur envers leurs collègues catalans laissa petit à petit la place à une notoire méfiance. Méfiance vers tout ce qui est catalan. C’est à dire le protectionnisme, l’industrie, le mouvement ouvrier, une capitale européenne, la langue et la culture. Avoir des partis à soi qui dénonçaient les fraudes électorales, des conservateurs et des libéraux, ou publiaient la complicité manifeste du PSOE, qui permettait que le choix se porte sur quelque dirigent ouvrier que seul légitimait le système corrompu, sans traiter le mal à la racine. C’était la douce cerise d’un gâteau empoisonné.

Les mêmes insultes, calomnies, horreurs, déclarations homophobes, menaces et mensonges actuels sur la Catalogne ont déjà commencé à s’écrire au début du 20e siècle. Il n’y a que le calendrier qui change. Le fond est identique. Les rudes argumentations identiques. Triste, très triste, si vous avez des doutes en cette affirmation, consultez l’hémérothèque des journaux de l’époque.

L’année 1906, à cause d’une attaque d’une garnison de l’armée à Barcelone contre la revue satirique « el Cu-Cut » (le coucou), ainsi que le journal « la Veu de Catalunya », la loi des juridictions est approuvée. C’est là le début du chemin aux dramatiques conséquences, une direction qui, quelques années plus tard serait la graine de sang pour des milliers de morts au moment de la guerre civile. Il faut savoir que jamais il n’a été récupéré le niveau de liberté de presse et d’opinion dont on a pu jouir en 1905–1906.

La loi de juridiction fut une grave et mauvaise décision. Elle a mis dans les mains d’une armée agressive et archaïque, amer du désastre colonial, le pouvoir d’être juge et parti de l’avenir de l’Espagne.

C’est ce qui permet d’expliquer le poids déterminant de l’armée et de la garde civile. Tout était pour maintenir les privilèges, pour préserver le contrôle de la structure du pouvoir de l’État étant à son service. Ici les catalans dérangeaient de manière permanente. Que ce soit « la Lliga », la « CNT », « ERC » ou les partis ouvriers à partir des années 30. Ils faisaient partie d’une entité plurielle et diverse qui voulait moderniser, à partir d’une société rebelle, une Espagne sourde.

Ainsi le franquisme victorieux, où le nationalisme d’extrême droite triomphant dans la guerre, ayant plus cruellement comme alliés fascisme et nazisme.

La dictature de Franco est le triomphe de la brutalité et de la médiocrité, tout ce qui est sain de la société fut anéanti. La plus grande perdante fut la Catalogne, qui possédait déjà l’âme et le bastion de la République. La Catalogne resta sans rien. Ni institutions, ni dirigeants, divisés intérieurement et avec la perte irréversible de tous ceux qui avaient misé sur une société meilleure. La langue et la culture poursuivie dans une offensante tentative de génocide culturel.

La haine de la Catalogne ne se cachait pas. Les exemples sont infinis. La transition démocratique adouci les soupçons mais ne les fait pas disparaître. Quand une autre fois le pays luttait pour reconstruire son identité, apparaissait sans vergogne le nationalisme espagnol.

En premier se fut le PSOE avec la LOAPA et les GAL. Après arrivèrent le PP d’Aznar avec la FAES et l’idéalisme espagnol le plus exalté. D’un autre côté, la Catalogne faisant pendant des années de l’équilibrisme politique et économique avec Pujol, puis du trapèze endiablé pendant la brève période Maragall.

Montilla leur permis de retirer leur masque. Il ne leur fallait plus s’inquiéter. Ils avaient un président plat, inexistant. Ils avaient en plus l’utilisation favorable de la Constitution espagnole rédigée pour défendre leurs propres intérêts. Seulement les leurs.

Alors l’espagnolisme se manifesta sans vergogne en s’efforçant pour freiner le catalanisme nationaliste étant devenu indépendantisme. Le détonateur a été un Rajoy, qui s’entourant de la bannière rouge et or, reniait “l’Estatut” voté en référendum par les catalans. Qui plus est, pour rajouter à la stupidité, référendum approuvé par le parlement espagnol. Le tribunal constitutionnel, arbitrairement, a fait son inquisition.

Le nationalisme espagnol s’affrontait à l’indépendantisme et le PSOE s’y ajoutait. C’est à ce moment que resurgirent les insultes, les calomnies, les mensonges. Tout était valide. Les catalans, par contre, s’affrontant à la situation provoquèrent une désorientation de l’espagnolisme. Limogeage et amendes. Menaces et campagne par terre, mer et air pour créer hostilité et… haine de l’État.

Le jour clé, sans retour possible, est le 1er octobre 2017, quand la Garde Civil et la police espagnole agressent et frappent des votants, confiant dans la force de volonté démocratique d’exercer sa volonté. Ici tombe le château de cartes de la démocratie espagnole. L’État ment, les agressés se transforment en agresseurs, les victimes en coupables. Les dirigeants de l’indépendantisme sont traités de fous, d’irresponsables, mettant la machine médiatique à son service pour le but de la destruction totale.

Ça faisait longtemps qu’ils avaient mis les personnes s’ajustant le mieux à leurs objectifs à la justice. Le résultat est connu, prison et persécution. Annulation de fait de la Generalitat, l’espagnolisme dans les rue se mélange avec l’extrême droite et la nostalgie du franquisme. Il y a même des symboles nazis. Une nouvelle fois, tout est permis. Ils ont encore un ennemi à vaincre.

C’est un scandale que la faible condamnation de la violence naissante dans l’espagnolisme. Violence qui malgré tout n’attire pas dans la provocation le catalanisme indépendantiste. Ils ne se sentent pas à l’aise devant l’opinion publique internationale, en ayant arrêté la moitié du gouvernement et en conservant privés de liberté les leaders de Omnium et de l’ANC.

Le retentissement international de l’exil en Belgique de la moitié du gouvernement, avec le président Puigdemont en tête de file est pour eux rageant. Le pouvoir autoritaire impose en douce le refoulement de la catalanité égalitaire avec une détermination agressive, tentant de dissimuler la rage interne qui les domine. Mais ici, les partis PP, PSOE et Ciudadanos ne peuvent tromper personne. Une nouvelle fois ils laissent échapper un profond ressentiment, une nouvelle fois, pour la haine.

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