Le féminisme s’est perdu

Marianne Ferrand
4 min readNov 12, 2016

Pour le dictionnaire Larousse, une femme est un être humain du sexe féminin. Le sexe, c’est la nature, la chance qui fait naître la moitié de la population mondiale sans bout de peau entre les cuisses. Derrière, il y a un truc plus complexe, “le genre”. Un diagnostic historique qui a mené la société à nous donner des ordres, nous exclure, ou nous réserver des places, sous prétexte que nous constituions une différence.

L’identité de genre, nous fonde en tant que groupe. En définissant une norme plutôt que des repères, elle a mené à la constitution d’une caste. La distinction opérée à l’origine par une originalité biologique, est ainsi devenue au fil du temps un prétexte pour nous coller des généralités sur la tête. Nous serions une caste de fragiles, de victimes par nature, ou pire, de sorcières. La culture a célébré les insoumises, condamné les inconstantes. Et dans la vraie vie, on prie pour que les putes demeurent, les mères de familles aussi, et que les maîtresses sucent toujours avec de la candeur dans l’oeil.

Bref, la société, nous a déterminé des rôles à jouer, grâce à ce concept fumeux. Et elle nous a surtout inséminé une certitude : nous aurions un combat commun à mener, et serions capable d’une solidarité à toute épreuve. Pourtant, en acceptant et perpétuant cette caractérisation en terme de caste nous avons signé notre perte.

Aucune unité de fait n’existe au coeur de ce groupe auquel « notre genre » donne existence et conscience.

Nous les femmes, nous le charme

Cet esprit de clan est également l’ouvrage des féministes. Des femmes qui ont agit pour que leur groupe aient les mêmes droits que le groupe des hommes. Des victoires essentielles ont été rendues possible grâce à cet argument. Mais au 21ème siècle, devons-nous continuer à considérer que la distinction induit la différence ? En perpétuant les combats au nom d’une caste, nous jouons le jeu de ceux qui souhaitent nous voir réduites à une diversité.

Ce paradigme dans lequel les femmes occidentales s’enferment mène à l’asservissement de nos identités. En choisissant toujours de nous définir et de mener des batailles au nom du groupe, nous sommes devenues une cible marketing. Et nous perdons chaque jour un peu plus de liberté dans la définition de notre identité.

Je suis une femme = je suis libre d’acheter un sac à main hors de prix, de manger du quinoa et de l’avocat, de boire des Cosmopolitains jusqu’à la fin de ma vie, d’essayer toutes les applis de rencontre du marché, de jeter tous les hommes de mon quartier, de porter une jupe, un jogging, et de lancer mon soutien-gorge au plafond le samedi soir.

La femme libérée est devenue une consommatrice et cela satisfait les annonceurs, les magazines féminins, les blogueurs réhabilité en porte-manteaux, les applications digitales telles qu’Instagram ou Snapchat et les hommes. En unifiant nos désirs, nous sommes devenues saisissables, duplicable à l’infini. Nos combats féministes subissent cette globalisation identitaire qui décrédibilise nos mots. L’idéal de la femme est matraquée, manipulée, et surtout conceptualisée à outrance. En privilégiant un “nous” qui n’a ni forme ni sens, au détriment du “je” qui nous fonde en tant qu’acteur, nous nous sommes perdues. Et au lieu de retourner le stigmate nous l’avons renforcé.

Dire “Je”

Les combats du 21ème siècle mériteraient de ne plus être le fait de groupes genrés. En valorisant les individualités, la multiplicité des différences, plutôt que l’unité d’un clan, nous arriverions sans doute à gagner, enfin, notre combat en faveur de l’équité. Hier, les femmes menaient des batailles au nom de “l’égalité des sexes”. Cette idée nous a mené à la situation actuelle : toujours peu de place et de pouvoir. En disant “je” et en agissant en personne libre et capable nous pourrions accéder au régime d’équité. Celui qui valorise notre distinction, sans en faire une différence.

Les groupes ne doivent pas disparaître, les combats non plus. Il y a des batailles que j’ai envie d’engager et je suis convaincue que je les gagnerais parce qu’il y aura des hommes dans mon armée. En associant, confrontant et défendant des façons de penser, des morales, des envies, des idées plutôt que des sexes, nous serions en capacité de faire évoluer nos positions. Le pouvoir sera dans la main d’une femme, lorsque les femmes auront cessé de s’inquiéter uniquement de leurs affaires. Et surtout, lorsque les hommes, dans notre sillage, arrêterons, eux aussi, de se penser en terme de caste. La domination que nous subissons toujours vient de cet effet de groupement. En ré-individualisant notre pensée, en dé-genrant les combats, nous arriverons enfin à valoriser les caractères.

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