Le métier d’UX designer

Marie Glandus
7 min readJun 27, 2018

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Récemment, j’ai été interrogée dans le cadre d’une étude sur les designers UX. Dans cet article, je souhaitais partager avec vous ma vision du métier.

Pour vous, c’est quoi être UX Designer ?

Mot pour mot, c’est imaginer / concevoir (“design” en anglais) des choses qui vont améliorer et faciliter la vie des gens. Du plus vulgaire objet du quotidien (ex : une télécommande) au service le plus complexe (ex : un hôpital).

On dit qu’on conçoit POUR l’expérience (le vécu, le ressenti) de l’utilisateur qui interagit avec le produit ou le service. D’où l’acronyme UX (“User eXperience” en anglais), l’émotion étant l’expression même de l’expérience !

Pensez à votre dernière mauvaise expérience… Était-ce :

  • avec cette machine à café que vous n’avez pas su faire marcher ?
  • lors de cette réunion ennuyeuse ?
  • avec ce site web de réservation qui n’était pas clair ?
  • avec cette application mobile que vous avez fini par désinstaller ?
  • avec ce sèche-mains aux toilettes de la station essence ?
  • avec cette borne de paiement au parking ?
  • en attendant au bureau de poste ou au service des urgences ?

Toutes ces expériences d’interaction sont des “expériences utilisateurs” !

Et c’est exactement sur elles que nous travaillons, dans le but de les rendre optimales !

Alors, un UX designer attrape vite ce que j’appelle le syndrome du “détecteur de mauvaises UX / d’absurdités” : partout où il va, il voit tous les problèmes que cause un produit ou un service mal conçu !

Quelle est la valeur ajoutée d’un UX designer ?

Notre mission est :

  • de comprendre le vrai problème (souvent différent de celui qu’on nous donne au départ)
  • puis de trouver la bonne solution (souvent différente de celle envisagée), celle qui va correspondre aux besoins, désirs et capacités des personnes qui vont s’en servir.

En clair, on est là pour aider à faire les bons choix avant de fabriquer quoi que ce soit !

Dit comme ça, cela parait évident, simple, basique… presque une question de bon sens !

En réalité, concevoir pour l’expérience utilisateur est une activité complexe qui ne s’improvise pas.

En effet, les méthodes et outils UX proviennent de disciplines diverses :

Ergonomie, Psychologie, Ingénierie, Design, Sociologie, ou encore Ethnographie*…

(*étude sur le terrain de la culture et du mode de vie de peuples ou milieux sociaux.)

Un large spectre de connaissances et de compétences est nécessaire pour utiliser à bon escient les différentes techniques et leurs variantes en fonction du projet, mais aussi pour ne pas compromettre les données recueillies :

  • mener des entretiens sans les biaiser,
  • animer un brainstorming stimulant,
  • conduire des tests utilisateurs correctement,
  • utiliser les techniques d’observation appropriées,
  • organiser un atelier “design studio”,
  • formaliser des personas utiles…

… et la liste des méthodes est longue :

courbes d’évaluation UX, échelles d’utilisabilité, évaluation des émotions, inspection cognitive, complétion de phrases, gamification, journal de bord, focus group, sondes culturelles, maquettage, etc.

Malheureusement aujourd’hui, aucune formation en France ne propose d’aborder toutes ces disciplines qui couvrent le domaine de l’UX. Mais ça, c’est un autre sujet…

Une chose est sûre toutefois : “UX designer” n’est PAS le nouveau nom à la mode qu’on donne à un “Webdesigner” ou à un “Graphiste”.

Nous ne sommes PAS des sortes de “créatifs exécutants” qui interviennent en bout de chaîne pour rendre les sites web jolis et ergonomiques, d’un coup de baguette magique. Ni d’ailleurs pour faire joujou avec des post-its ou des Legos.

Ecoutez plutôt ce qu’en dit Don Norman (le créateur du terme “User Experience” dans les années 1990) :

Sur quoi se base le travail d’UX Designer ?

Il existe des variantes de procédé, mais le fil rouge reste le même : résoudre le bon problème en répétant (autant de fois que nécessaire) les phases d’observation, de génération d’idées, de prototypage et de test.

Les deux principaux modèles à connaître sont :

Dans le “double diamant”, la 1ère phase consiste à trouver le bon problème et la 2ème, la bonne solution.

À partir d’une idée ou d’un constat, on va d’abord élargir la réflexion et explorer les questions sous-jacentes (diverger) jusqu’à aboutir au problème réel qui ressort (converger).

Ensuite, on va imaginer une grande variété de solutions à ce problème (diverger), avant de se concentrer sur l’une d’entre elles (converger).

Quant au “cycle de conception centrée sur l’Humain, il s’inscrit directement dans le processus de divergence / convergence du double-diamant.

Il consiste à faire des observations sur la population cible visée, générer des idées, créer des prototypes et les tester avec des utilisateurs représentatifs. On répétera cette série d’activités (=itérer) jusqu’à être satisfait du résultat.

(Source : The Design of Everyday Things, Don Norman, chapitre “Design Thinking” page 217). A lire absolument ! :)

Pour mettre en place cette démarche, quelques critères sont indispensables, dont :

  • le côté itératif (on créé, on teste, on ajuste, on re-teste etc.),
  • des utilisateurs “acteurs” (on est dans de la co-imagination, co-conception, co-création),
  • une équipe de conception multidisciplinaire (ingénieurs, développeurs, marketeurs, designers, commerciaux etc.).

(Source : norme ISO 9241 210)

Que retenir de tout cela ?

Voilà l’idéal vers lequel il faudrait tendre, mais la réalité est tout autre.

En entreprise, les contraintes de temps et de budget nous empêchent souvent d’appliquer la théorie telle quelle…

Heureusement, des chercheurs comme Carine Lallemand s’efforcent de proposer des alternatives aux méthodes UX classiques.

Il s’agit des méthodes dites “guerilla” (ou “low-cost”), qui permettent de faire des compromis sans pour autant compromettre les données recueillies.

Autre difficulté : on va remettre en question l’idée qui nous est soumise au départ et chercher à comprendre la réalité (le quotidien) des utilisateurs afin trouver le “vrai problème” à résoudre. Et pas juste les “symptômes”.

Ceci n’est pas toujours du goût des managers, ingénieurs et autres entrepreneurs, qui espèrent de nous qu’on trouve rapidement LA solution à LEUR vision.

Mais apporter une solution brillante au mauvais problème est parfois pire que de ne pas apporter de solution du tout…

À l’inverse, partir du “bon” problème (des vrais besoins), mais concevoir une solution difficile à utiliser ou peu attractive peut également être source d’échec.

C’est pourquoi le Design Concil suggère ceci : “Imaginez la bonne chose et ensuite, concevez la bien”.

Ceci dit, ne cherchons pas non plus l’expérience utilisateur parfaite : l’idée est avant tout de permettre aux utilisateurs d’accomplir ce qu’ils veulent accomplir, et ce sans accrocs.

Comme le rappelle Don Norman, “L’utilisateur ne se soucie pas de la chose car ce n’est que l’outil (le moyen). Ce qui compte, c’est le résultat. C’est pour ça qu’on utilise quelque chose, pour le résultat.”

Enfin, gardons en tête l’importance de confronter notre vision de concepteur à celle des utilisateurs cibles (pas à celles des collègues, sauf bien sûr si le produit est conçu pour eux) le plus souvent et le plus tôt possible (dès les premières idées).

En effet, nos intentions, aussi bonnes soient-elles, ne vont pas forcément convenir aux utilisateurs.

You are not the user. J. Nielsen

Marie

[Bientôt la suite de l’article : Toutes les entreprises ont-elles besoin de design UX ? Le design UX, est-ce une stratégie ?]

Le mot “utilisateur” m’a toujours dérangé. Je n’aime pas appeler les gens des “utilisateurs”.

On a donc appelé cela “conception centrée sur l’humain”, mais même ainsi ça me gênait : je n’appelle pas les gens des “humains”.

Aujourd’hui, on parle plutôt de “ conception centrée sur la personne.”

People Centered Design. Don Norman, 2017

Sources et inspirations :

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Marie Glandus

Conceptrice d'expériences 🔸 Facilitatrice de Design Sprints