Ecrire un brief “graal” à son agence de production audiovisuelle 🚀

Check list des points à aborder et compréhension de leurs enjeux

Marie-Capucine Reyt
11 min readApr 1, 2020

“Je vous envoie le brief” est une phrase qu’on lit et qu’on entend à peu près toutes les semaines en agence. Après un call engageant avec un annonceur et un échange sur nos visions respectives, sur le besoin et la nécessité de communiquer à l’instant t, on attend patiemment le mail “graal” qui va sonner en quelque sorte le début d’une aventure commune potentielle.

Découvrir le doc rédigé est grisant. On a toujours quelque chose à apprendre : une notion complexe à clarifier à l’image, une référence qu’on n’attendait pas, un enjeu économique ou marketing à comprendre…
Quand on “prend un brief”, on s’engage à défendre les intérêts d’un client, on accepte de mettre nos compétences à son service et on décide d’avancer un moment ensemble pour réaliser le film publicitaire le plus cohérent et le plus beau possible.

Et pourtant je dirais que dans 70% des cas, on est déçus par ce que l’on reçoit. Quelques lignes copiées-collées dans le corps d’un mail qui ne nous permettent pas d’avoir une vision d’ensemble pour définir un budget, des références qui n’ont rien à voir avec ce qui a été dit par téléphone quelques heures ou jours plus tôt, ou bien un document PDF de 30 pages avec un design à en faire pâlir Steve Jobs, mais qui finalement n’amène pas grand chose au propos : on se retrouve quand même à établir une liste de questions un peu bêtes et méchantes, les mêmes finalement qu’on avait évoquées au téléphone.

Chers annonceurs, chers grands comptes, chères startups, chères associations, je me permets de définir ce brief graal que j’évoquais plus haut. Celui qu’on attend, celui qui répond aux questions fondamentales que l’on se pose, celui qui nous permet d’avancer ensemble en toute sérénité.
Pas de panique, j’essayerai de ne pas vous perdre en route !

#CLIENT : “On commence par le commencement” 🙈
Présentez-vous, parlez-nous de votre entité, donnez-nous quelques éléments clés de votre histoire. Evoquez vos domaines de compétence, votre vision, vos ambitions. Communiquez-nous votre site internet, votre app, un article de presse dont vous êtes fiers, on vous lira avec le plus grand soin.

#PRODUIT : Quel est le produit/service ? 🤷‍♀️
Que doit mettre en avant le film ?
Est-ce une application, un objet innovant, un nouveau service, une nouvelle gamme ? Comment le produit a-t-il été conçu ?
En partant de quel constat ?
Et surtout, qu’est-ce qui le rend spécial à vos yeux ?
Y’a-t-il un discours précis à traduire à l’image ?

#CONTEXTE/DEADLINE : Pourquoi communiquer maintenant ? 📆
Quel est l’enjeu ? Une opportunité de diffusion TV ? Un salon international ?
Le CES de Las Vegas ? Un rachat qui change la donne et demande du contenu ? Vous avez développé un nouveau concept et vous souhaitez le pousser sur les réseaux sociaux pour Noël ?

Comptez qu’il faut environ 1 mois pour préparer un tournage (conception/création/écriture, pré-production) et 1 mois et demi environ pour le livrer suite au tournage (montages, étalonnage, motion design/graphisme, mix son/musique etc). Par expérience, et malgré notre capacité à produire vite, les délais de validation internes contraignent généralement les A/R annonceurs/agence. On recommande donc toujours de se baser sur nos estimations !

#TARGET : À qui s’adresse-t-on ? 🎯
Est-ce qu’on est sur une cible BtoC (Business to Consumer) ou BtoB (Business to Business) ? Est-ce que je communique donc auprès de consommateurs ou de professionnels ? Quel âge ont-ils ? Le film doit-il s’adresser à plusieurs tranches d’âge ? Qui sont celles et ceux que vous souhaitez toucher ?
Parlez-nous d’eux.

#FORMAT/DIFFUSION : Où sera diffusé le film ? 📺
Diffuser en TV:
Votre budget déterminera certainement la durée du spot : une bumper ad de 6s, un format plus long de 12s, 25 ou 30s…C’est toujours mieux de savoir si le film passera en TV car il y a des normes image et son à respecter qui varient en fonction des chaines et qu’on peut anticiper en amont.

Il faut également passer par des organismes spécialisés avant de pouvoir diffuser le contenu, comme l’ARPP (L’Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité) qui comme son nom l’indique, s’assure que les spots diffusés respectent un certain nombre de valeurs. Ils définissent leur mission avec ces mots : “Œuvrer en faveur d’une publicité loyale, véridique, saine et respectueuse. En examinant le contenu de messages publicitaires, quel qu’en soit le moyen de diffusion, tout en conciliant la liberté d’expression des professionnels et le respect des consommateurs.” Ça se concrétise par exemple dans les spots food avec un message sanitaire présent tout au long du film. #mangerbouger

Diffuser sur les réseaux sociaux :
Facebook et Instagram ont aussi leurs propres codes (que vous retrouverez en cliquant sur les liens). On privilégiera ainsi un format carré pour Facebook et pour les posts Instagram, et un vertical pour les stories.

Plusieurs stratégies sont possibles, la plus répandue étant de fournir pour chaque film “long” des montages alternatifs respectant les normes de l’un et de l’autre. Là encore il est nécessaire de savoir en amont du projet si on va publier sur les réseaux sociaux. Surtout quand il s’agit d’Instragram car le format vertical est particulièrement compliqué à sortir si le cadre du film long n’a pas été pensé et préparé en amont. C’est ainsi qu’on laissera beaucoup plus d’air sur les côtés de notre personnage si on sait qu’on viendra cropper ensuite.

Le format vertical est très contraignant pour les professionnels de l’audiovisuel et relativement frustrant, il faut l’avouer, car on voit notre travail à l’image réduit à son stricte minimum. Seulement Instagram étant un média incontournable, on adapte nos process pour optimiser notre contenu et préserver son impact !

Diffuser sur le site web, les events etc
Tout dépend du propos du film mais on recommande de ne pas produire trop long. Les annonceurs demandent de moins en moins de films de plus d’1 minute alors que nous étions très souvent sollicités il y a quelques années pour des films de 1m30 à 2 minutes, voire plus.
Les mentalités ont donc évolué dans le bon sens car il faut MIEUX communiquer et pas plus longtemps. Notre travail consiste aussi à écrire et optimiser vos messages pour rentrer dans un format acceptable et attractif qui s’adaptera à tous vos supports. Oui, vraiment à tous !

Notez bien que monter une ou x versions d’un même film n’a pas le même coût et qu’on peut vite passer de 5 à 15 jours de montage si on n’a pas anticipé les exports nécessaires. De la même manière qu’il faut savoir en avance si l’image sera rognée en post-production pour Instagram, on doit donc également être capable d’énumérer les exports attendus : formats longs, formats courts, formats 16/9 ou 9/16, avec ou sans sous-titres, avec ou sans voix off FR, ENG, UK, US, etc… Vous l’aurez compris, ils peuvent être infinis et tout cela se prévoit en amont pour éviter de mauvaises surprises.

#TONALITÉ/RÉFÉRENCES : Où place-t-on les curseurs ? 📢
Quels sont les films qui vous ont marqué ? Vous êtes plutôt… pub Canal impactante avec une chute ? Pub Ikea ou Intermarché attendrissante et familiale ? Est-ce qu’on joue l’humour, l’émotion ?
Est-ce qu’on reste corporate car on s’adresse à des institutionnels ou est-ce qu’on coupe la poire en deux ? Livrez-nous vos références, qu’on puisse comprendre votre vision et être force de propositions en conséquence.

C’est aussi à ce moment là que vous nous dévoilez si vous souhaitez un film en “image réelle” (c’est à dire un film classique qu’on va tourner en équipe) ou si vous imaginez plutôt un film full Motion Design et/ou 3D (il s’agit alors d’un film sans tournage avec des éléments de graphisme originaux).
Vous pouvez aussi opter (et c’est souvent le cas) pour de l’image réelle optimisée par des éléments de Motion Design : lorsque l’on fait apparaître l’application dans le film par exemple.

#BUDGET : Le nerf de la guerre dans notre métier 💰
Je vais vous expliquer pourquoi. C’est le grand absent des briefs clients ! Tiens, tiens… Est-ce bien surprenant ?
C’est pourtant un point essentiel qu’on évoque toujours en toute transparence dès les premiers échanges. Certains ont la stratégie de pitcher leur meilleure idée, de la présenter au client et d’annoncer ensuite le budget nécessaire à sa réalisation. Ce n’est pas la nôtre. Il n’y a rien de plus frustrant qu’écrire un script ambitieux et le voir sombrer au fond d’un tiroir car il n’est absolument pas cohérent avec le budget prévu. C’est pourquoi j’annonce les grandes enveloppes budgétaires dès le premier call avant même d’envisager une rencontre, pour préparer les échanges suivants avec cette information clé.

Concentrons-nous par exemple sur le budget d’un film publicitaire classique en image réelle. Je précise qu’il existe d’autres formats moins onéreux que je pourrais budgéter (films full motion, films 3D, films en équipe réduite) et que nous faisons aussi de la photographie et du print, mais je ne peux malheureusement pas tout traiter ici. Je choisis donc de faire un focus sur ce qui représente 90% de nos demandes.

Après des années de production pour une cinquantaine de clients en France et à l’étranger, j’arrive au constat qu’en tant que maison de production audiovisuelle, il est rentable de vendre un film à 35K ou +.
Depuis 2015, nous produisons donc des films entre 35 et 200K, l’essentiel de nos productions étant plutôt situées dans la fourchette 50–100K, celle où nous commençons à gagner de l’argent et à être correctement rémunérés pour la quantité de travail que nous fournissons en phases de pré-production, production et post-production.

Pourquoi produire un film coûte-t-il si cher ? Parce qu’une maison de production ne peut pas faire n’importe quoi et surtout ne peut pas embaucher n’importe qui, n’importe comment. Réalisateur/rice, Assistant(e) Réalisateur, Directeur/rice de la Photographie, Assistant(e) Caméra, Chef(fe) Electricien/ne, Ingénieur(e) du Son, Régisseur/euse, etc sont autant de métiers du cinéma et de la publicité qui sont encadrés et régis par le SNTPCT (Syndicat National des Techniciens et Travailleurs de la Production Cinématographique et de Télévision). C’est un régime assez obscur pour la plupart des annonceurs mais qui explique en grande partie le coût incompressible d’un film.
Ci-dessous ma grille tarifaire basée sur les tarifs du SNTPCT.

Prenons l’exemple du Directeur de la Photographie, c’est à dire le “boss” de l’image, qui va définir l’image (la “photographie”) du film avec le Réalisateur et le Directeur Artistique.
Le salaire brut du Directeur de la Photographie en publicité est de 802,44 €. Il évolue (peu) chaque année en fonction de l’inflation. Pour avoir le coût total pour la Production de ce salaire, il faut le multiplier par 1.6. Ainsi, un Directeur de la Photographie coûte 802,44 x 1.6 soit 1283,904 € à la Production par jour de tournage. C’est en général à ce moment là qu’on entend un “Ah ouai !” ou un “Je vais changer de job, moi !”
Minute minute. Sur ces 800 € brut et des poussières, le DOP touchera environ 650 € nets. Toujours pas convaincu ? 9 fois sur 10 et compte tenu des budgets serrés de la plupart des clients, le DOP ne sera pas payé pour son travail de préparation et/ou de suivi (réunions, repérage(s), A/R en phase d’étalonnage : 2 jours minimum). Ce qui nous ramène à 650 € nets pour 3 jours de travail, soit 215 € jour.
Le DOP est donc un des freelances les moins chers du marché !
Et c’est à peu près le cas pour tous les intermittents du spectacle.

Vous comprenez maintenant pourquoi ils ont accès à un régime spécial qui leur permet de pallier d’une part à la grande précarité du milieu (les intermittents ne peuvent pas trouver du travail tous les jours du mois) et de l’autre à une rémunération rarement représentative du temps investi sur les projets. On pourrait pousser encore en parlant des rythmes souvent harassants des tournages, car toujours faute de budget, on se retrouve souvent à devoir tourner énormément de contenu sur une seule journée. Nous avons récemment battu tous nos records avec une journée de tournage de 18 heures. Et nous ne souhaitons pas que ça devienne une habitude, comme vous vous en doutez.
Un métier passion ? OUI ! Mais un métier difficile, oui également.

Ainsi, lorsque que l’on est suffisamment nombreux pour optimiser la journée de tournage car chaque poste a vraiment un sens, les coûts fixes sont importants et incompressibles. À titre informatif, voici selon moi la configuration minimale pour produire un film dans de bonnes conditions (je reviendrai sur les fonctions et enjeux de chacun dans un article ultérieur si je sens un intérêt de votre côté) : Réalisateur/rice, Assistant(e) Réalisateur, Directeur/rice de la Photographie, Assistant(e) Caméra, Chef(fe) Electricien/ne, Electricien/ne, Chef(fe) Déco, Accessoiriste, Styliste, Maquilleur/euse, Ingénieur(e) du son, Régisseur/euse, Monteur/euse, Etalonneur/euse, Graphiste/Motion Designer, Compositeur/rice, Directeur/rice Artistique et Producteur/rice.

J’ajoute ici que selon la diffusion prévue du film, le tarif des comédien/nes (présence en cachet intermittents + droits) ne sont pas les mêmes. Il est donc recommandé de laisser le Producteur passer par une agence artistique sérieuse qui sera à même de négocier et d’établir les contrats.
À noter également que chacun de nos documents est double checké par notre cabinet d’avocats spécialisé en droit des médias ce qui assure à nos clients une sérénité certaine quant à leur utilisation du film.

Vous l’aurez donc compris, ce sont donc tous ces beaux métiers de l’audiovisuel que nous faisons vivre en prenant vos briefs et en mettant nos compétences à votre service. C’est une aventure, je vous le disais, et c’est bien cette équipe qui va s’investir dans votre film de marque comme s’il s’agissait de la sienne.

En faisant confiance à une bonne maison de production, vous accueillez par conséquent des collaborateurs dévoués, passionnés et compétents, le temps d’une belle mission. Et cette mission, elle commence par un bon brief. 🤩

Ça vous a donné envie de nous briefer sur un sujet et de partir à l’aventure ?
Je vous réponds à brief@wesoundcompany.com
Envie de nous découvrir ? Vous pouvez regarder nos réalisations ici

Merci de m’avoir lue et j’espère à bientôt derrière l’écran de retour ! 🎬

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