Présidentielle : A gauche, la multiplication des candidats ne fait pas perdre à tous les coups

La plus large union de la gauche au premier tour date de 1965. Mais alliance ne veut pas dire victoire. Plongée en graphiques dans l’histoire des candidatures de gauche dans la course à l’Elysée.

Marine Cardot
6 min readDec 16, 2021

Le message de rassemblement d’Arnaud Montebourg sur la boîte vocale de Jean-Luc Mélenchon est-il toujours en attente de lecture ? La socialiste Anne Hidalgo appelle à une grande primaire de la gauche. L’écologiste Yannick Jadot, dit non, puis peut-être, puis re non. Jean-Luc Mélenchon l’insoumis n’écoute toujours pas ses messages vocaux (et personne ne semble s’en soucier). Fabien Roussel veut un rassemblement… autour du PCF. A moins que tous ne se rangent derrière Christiane Taubira, qui “envisage” une candidature à la présidentielle.

Mais une alliance qui irait du PS au PCF en passant par les écologistes et les insoumis : est ce que ça s’est déjà vu ? D’ailleurs, depuis quand fait-on des alliances à gauche ? Le nombre de candidats est-il vraiment un obstacle à l’accès au second tour ? C’est l’occasion pour nous de revenir sur l’histoire des candidatures et des alliances à gauche avant le premier tour depuis… plus de 55 ans et la première élection présidentielle au suffrage universel direct en 1965.

Le tableau ci-dessous est un grand résumé, élection après élection, des candidatures de gauche et des alliances nouées. Vous pouvez suivre la stratégie d’union d’un parti au fil du temps, et vous y référer tout au long de l’article.

Depuis 1965, plus de 20 partis de gauche se sont présentés à (au moins) une élection présidentielle. Les partis d’extrême gauche et de centre gauche sont les plus nombreux, mais ils représentent un faible nombre d’électeurs, exception faite du Parti communiste français et de la France insoumise.

A partir de 1969, la gauche présente systématiquement au moins quatre candidats. Le record du nombre de candidatures revient à l’élection présidentielle de 2002, qui voit la gauche échouer aux portes du second tour pour la deuxième fois depuis le début de la 5ème République.

source : Wikipédia

En 1969 et 2017, la gauche n’accède pas non plus au second tour, malgré un nombre de candidats plus restreint qu’en 2002. Néanmoins, le choc de 2002 semble avoir laissé des traces. Depuis, il y a toujours eu au moins une alliance à gauche à chaque élection.

Pour trois présidentielles sur dix, il n’y a eu aucune alliance à gauche : en 1969, 1981 et 2002. L’élection de 1981 voit François Mitterrand devenir président, cela montre qu’une alliance n’est pas nécessaire pour accéder au second tour et remporter la victoire.

Jusqu’en 2017 (inclus), dix alliances ont été conclues entre partis de gauche. Nous ne prenons pas en compte les données (non définitives) de 2022. François Mitterrand est le seul à avoir rassemblé cinqpartis (dont un parti du centre) autour de sa candidature, ce qui fait de lui le premier et dernier candidat d’une aussi large union.

source : Wikipédia

Les alliances sont donc relativement nombreuses sous la 5ème République. Du fait du mode de scrutin majoritaire à deux tours, seuls les deux candidats qui rassemblent le plus de voix ont une chance de remporter l’élection. Mais tous les partis ne sont pas adeptes des alliances.

Les partis d’extrême gauche ont tendance à présenter leur propre candidat, quand ceux du centre gauche se rallient plus souvent (tableau 1). Selon les années, il peut y avoir jusqu’à quatre candidats d’extrême gauche (en 1988, 2002 et 2007).

Lutte ouvrière fait ici figure d’exemple type, le parti présente systématiquement une candidate depuis la présidentielle de 1974. Arlette Laguiller détient d’ailleurs le record du nombre de candidatures tous partis confondus : elle s’est lancé six fois dans la course à l’Elysée.

Le Nouveau parti anticapitaliste emmené par Philippe Poutou (et son ancêtre la Ligue communiste révolutionnaire représenté par Olivier Besancenot) présentent aussi régulièrement leur propre candidat.

Si Lutte Ouvrière et le NPA ne se rallient jamais, ce n’est pas le cas du PCF. Le parti est présent depuis la toute première élection présidentielle au suffrage universel direct de la 5ème République en 1965. Il s’est allié deux fois à la gauche dite classique autour de François Mitterrand en 1965 et en 1974. Après avoir présenté ses propres candidats de 1981 à 2007, il rejoint le Front de gauche en 2012, puis la France insoumise en 2017 derrière Jean-Luc Mélenchon. On voit donc un déplacement dans le temps du centre vers la gauche dans les choix d’alliance du Parti communiste français. Aucune alliance n’avait été nouée entre partis de ce bord politique auparavant.

Certaines alliances sont aussi plus courantes que d’autres. Le centre gauche se rallie facilement au Parti socialiste. Les radicaux de gauche sont ses partenaires privilégiés avec six alliances. Le Mouvement républicain et citoyen, anciennement appelé Mouvement des citoyens, se joint au PS à trois reprises. Mais au final ils ne représentent que peu d’électeurs.

Les alliances importantes sont donc celles conclues entre les grands partis. Les verts ne s’étaient jamais alliés à un autre parti jusqu’à la présidentielle de 2017. Mais ça n’a pas été très profitable puisque le candidat Benoît Hamon rejoint par Yannick Jadot a fini par recueillir 6% des voix.

En revanche, l’alliance entre le PCF et la France insoumise est passée très proche de la qualification au second tour en 2017. Jean-Luc Mélenchon a obtenu 19,5% des suffrages, il aurait fallu dépasser 21,3% pour battre Marine Le Pen et arriver au second tour.

Evidemment, le contexte politique, mais aussi social et sociétal, différent à chaque élection, ne nous permet pas d’établir de relation de causalité entre alliances et résultats électoraux. Il permet en revanche de se plonger dans l’histoire des alliances des partis de gauche, et c’est déjà pas mal.

Indications méthodologiques

  • Nous avons choisi de classer le PCF et la France Insoumise comme des partis d’extrême gauche afin de montrer leur différence idéologique avec la gauche “traditionnelle” représentée aujourd’hui par le PS. Nous sommes conscients que le qualificatif de “gauche radicale” aurait aussi pu être adapté au PCF et à la FI, et qu’il existe des différences entre ces deux partis et le reste des partis d’extrême gauche.
  • Nous avons inclus le parti radical car il faisait parti d’une alliance derrière un candidat de gauche (François Mitterrand)
  • Nous avons choisi de représenter les candidats à l’élection présidentielle de 2022 en pointillés dans le tableau, mais de ne pas les inclure dans les données et graphiques suivants.
  • Nous avons retenu comme faisant parti d’une alliance, un parti qui aurait tout aussi bien pu présenter un candidat. La logique est la suivante : dans une démarche d’alliance les partis renoncent à présenter chacun leur propre candidat. Nous avons exclu les simples soutiens.
  • En l’absence de base de données existante, nous avons récolté les datas nécessaires à la main.

Par Marine Cardot

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