Que pensent (vraiment) les jeunes du système scolaire actuel ?
Imaginez Jean-Michel Blanquer, l’actuel Ministre de l’Éducation Nationale, commander un focus group géant auprès des Millennials*, pour comprendre leur avis sur l’école d’aujourd’hui, et imaginer avec eux celle du futur. Un processus fastidieux mais nécessaire pour faire évoluer la société. Chez Jam, nous avons tenté de prendre le pouls de cette génération.
Il y a quelques mois, nous avions interrogé nos utilisateurs pour savoir ce qu’ils pensaient de la campagne présidentielle. Leur retour quant aux priorités du nouveau gouvernement a presque été unanime : pour les Millennials, l’éducation est un sujet de fond, à aborder avec sérieux.
En effet, la formation des jeunes générations conditionne (en partie) la réussite, individuelle ou collective. L’éducation est par ailleurs nécessaire au bon fonctionnement global de la société : pour créer une cohésion entre les individus, un système de valeurs commun et favoriser l’empathie et l’ouverture d’esprit.
Alors chez Jam, nous avons décidé de prendre le problème à bras le corps, de demander à nos utilisateurs comment ils envisagent l’éducation d’aujourd’hui, ses évolutions possibles, et surtout, des suggestions concrètes !
En quelques jours, plus de 3000 personnes ont répondu à nos questions, et nous avons essayé de vous résumer ici les insights principaux que nous avons tirés de cette expérience.
A travers plusieurs questions, nous leur avons ainsi demandé de nous expliquer ce qu’ils pensaient de l’école telle qu’elle est actuellement, de ses évolutions possibles dans les deux prochaines décennies, et des cours qu’ils souhaitaient ajouter à la liste.
Constat sur l’école actuelle
Que pensent les Millennials du système éducatif actuel ?
A travers plusieurs questions, nous avons essayé de déterminer leur opinion sur le sujet, et en comprendre les lacunes dans leur formation à la vie d’adulte. Si la génération Millennial a des opinions bien tranchées, les avis divergent et il n’existe pas de réel consensus entre les individus qui la composent (et c’est tant mieux !)
Nous avons essayé de regrouper les grandes tendances qui se dessinent à travers les réponses ci-dessous.
L’école comme moteur de reproduction sociale malgré une politique d’égalité des chances affichée
Pierre Bourdieu, en 1970, théorisait déjà la reproduction sociale, en développant l’idée qu’à enseignement égal et évaluation indifférenciée, l’école favorisait les classes sociales supérieures. Le capital culturel de la classe dominante permettrait aux enfants qui en sont issus de bénéficier d’un avantage “compétitif” sur les classes défavorisées car il serait en tous points similaire à celui de l’éducation.
Le système d’enseignement, tel qu’il est perçu par certains utilisateurs de Jam, exercerait par là même une violence symbolique sur les classes moins favorisées, et tuerait de fait l’égalité des chances, pourtant leitmotiv du système éducatif français.
Avant les gens qui faisaient des études venaient de bonnes familles faisant partie de la bourgeoisie, maintenant tout le monde y a le droit, peu importe le milieu dont on est issu, ce qui est une bonne chose. Sauf que maintenant les seuls qui ont un véritable niveau scolaire sont issus des familles qui peuvent payer soit les écoles privées de très bon niveau, soit des profs particuliers. — Un utilisateur de Jam
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Les plus aisés qui peuvent se permettre d’aller dans de grandes écoles type Sciences Po prépas, etc. qui exigent une préparation en amont avec des profs particuliers notamment — Une utilisatrice de Jam
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Malheureusement au rythme où l’on va on se dirige vers une école à deux vitesses.. celle de la bourgeoisie vs celle du reste du monde. — Un utilisateur de Jam
L’école offrant des connaissances théoriques, mais ne préparant pas au quotidien d’adulte
A la question “l’école t’a-t-elle suffisamment armé.e pour ta vie d’adulte ?”, nous avons été étonnés de voir que près d’une personne sur deux estime que l’école ne prépare pas à la vie professionnelle ou à la vie d’adulte !
Pour rentrer dans le détail de ce résultat, nous avons croisé les résultats de cette question avec les verbatims d’autres questions. Voici un florilège des réponses qui pourraient bien résumer l’opinion des Millennials sur le sujet.
Accompagner [tous les jeunes] dès la seconde vers leur projet pro s’ils en ont, leur proposer des ateliers pour leur faire découvrir les possibilités d’études après le BAC quel que soient leur niveau et leurs envies — Un utilisateur Jam
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Si le système évolue intelligemment, on pourrait se spécialiser plus rapidement dans notre domaine. On éviterait de passer par des matières qui ne nous seront d’aucune utilité. J’espère que les formations professionnelles seront mieux considérées — Un utilisateur Jam
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J’espère [que l’école] sera plus juste et que l’on saura mieux orienter professionnellement les jeunes — Un utilisateur Jam
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Se spécialiser dans le domaine que tu aimes ou que tu souhaites faire plus tard c’est plus intéressant que d’apprendre les généralités du lycée (sans négliger les bases) — Un utilisateur Jam
En bref, les utilisateurs de Jam offrent un regard assez critique sur l’école aujourd’hui, et ont une certaine appréhension quant à ses évolutions. Sur une note un peu plus positive, les Millennials estiment pour beaucoup que l’école les a aidés à construire des relations sociales durables. Et, bien qu’ils remettent en cause le système actuel, ils le font toujours dans le but de l’améliorer, comme nous le rappelle très justement un utilisateur citant Victor Hugo :
Je crois quand même que l’école est et sera toujours sanctuaire autant que la chapelle comme dirait l’autre — Une utilisatrice de Jam
Nous avons essayé de nous faire le porte-voix des Millennials dans la partie qui suit, en leur demandant concrètement comment ils voyaient le futur de l’école !
L’école du futur
Qu’est-ce que l’école du futur, selon les jeunes du présent ?
Pour connaître leur réponse, nous leur avons posé deux questions ouvertes : les 3 sujets de cours qui manquent au système d’enseignement aujourd’hui, et un travail d’imagination sur ce que sera l’école dans 20 ans.
Comme pour le reste de l’étude, pas d’avis unanime sur la question, mais plusieurs facteurs clés que nous listerons ci-dessous.
L’évolution des sujets de cours
Une question presque anodine sur l’évolution des sujets de cours a donné lieu à des réponses précises et sans ambages : l’actuelle offre de cours ne correspond pas tout à fait aux ambitions et aux passions des élèves. Tous regrettent que certains sujets ne soient pas abordés à l’école, alors qu’ils sont pourtant au cœur du quotidien des français !
Des cours qui poussent à la réflexion et à la cohésion sociale
Dans les résultats, la part belle est faite à une volonté de cohésion sociale plus forte, à travers différents cours qui permettront un meilleur vivre-ensemble, notion qui transparaît dans 26.3% des suggestions.
La place importante de la religion
Pas de remise en cause de la loi de 1905, mais plutôt un constat : pour apprendre à vivre ensemble, il faut se connaître les uns les autres et se départir de ses préjugés à propos des religions (ou des non-religions).
Quelques verbatims des suggestions :
- Respecter les religions
- L’histoire des religions
- Les religions en beaucoup plus approfondi
- Etc.
Certains groupes scolaires privés proposent d’ores et déjà des cours d’Histoire & Culture des Religions, qui permettent de mieux appréhender les croyances et coutumes de chacune des religions, mais aussi de débattre sur la foi et l’athéisme. En résulte souvent un plus grand respect mutuel.
Le féminisme
Le sous-titre “féminisme” n’est peut-être pas le plus adapté, mais il ressort des réponses une forte envie que l’école soit un acteur de la marche vers l’égalité femmes-hommes. Plusieurs utilisateurs ont ainsi souhaité la création de cours de sensibilisation au droit des femmes, à ce qu’est le féminisme, aux femmes dans l’histoire, etc.
L’environnement
Un autre grand sujet de société qui nécessite, selon les Millennials d’étoffer l’offre de cours : l’environnement. Le développement durable, l’écologie, le respect de la nature sont ainsi des sujets qui reviennent.
Tolérance
Plusieurs utilisateurs ont suggéré des cours qui inspireraient le respect d’autrui, avec des mots comme tolérance, civisme, comportement dans la vie, vivre ensemble, éthique, citoyenneté, ouverture sur le monde.
Si l’école d’aujourd’hui enseigne des savoirs, elle n’en reste pas moins lacunaire quand il s’agit de d’apprendre des savoir-vivre et savoir-être, d’après nos utilisateurs.
Réflexion
Les jeunes répondants nous ont fait part de leur frustration quant au manque d’esprit critique de leur génération, ou en tous cas de l’absence d’apprentissage de cet esprit critique à l’école. Des mots comme apprentissage de la pensée, apprendre à apprendre, développement de l’esprit critique sont ainsi ressortis dans les verbatims utilisateur.
Des cours qui préparent mieux à la vie d’adulte
Comme mentionné dans la section précédente, près de la moitié des répondants ont indiqué que les cours ne préparaient pas assez à la vie d’adulte. Plusieurs idées de cours résolvant ce problème ressortent ainsi dans 33.2% des réponses, comme par exemple :
- Gestion du budget, administratif, vie pratique (démarches, papiers, impôts)
- Bien-être physique et mental : conscience du corps, “soin de l’esprit”, “connaissance de soi”, sexualité ou encore “cours de bonheur”
- Famille : comment s’occuper d’un enfant (bon, cet exemple reste anecdotique, mais n’en reste pas moins fort de sens)
- Arts oratoires et théâtre
Au delà de ces cours plutôt théoriques, les utilisateurs ont estimé que l’école n’offrait pas assez de connaissances pratiques. Voici quelques exemples de propositions :
- Cours de cuisine en filière générale
- Cours de développement et d’utilisation d’internet
- Premiers secours
- Langue des signes
- Bricolage & jardinage
En bref, nos Millennials sont beaucoup à s’être retrouvés catapultés dans le monde des adultes, avec peu de connaissances pratiques pour gérer leur quotidien !
Des cours qui préparent mieux au monde du travail
15.2% de répondants ont mentionné divers sujets concrets liés au monde du travail. Par exemple : trouver un job, faire des dossiers, rédiger un CV, préparer des entretiens d’embauche, des cours d’entrepreneuriat ou une formation au travail d’équipe.
En résumé, pour une majorité des jeunes, l’école devrait enseigner, en plus de savoirs théoriques, des connaissances pratiques sur divers sujets. D’autre part, elle devrait mettre plus en avant les notions qui aideront à réduire la fracture sociale, et préparer plus consciencieusement les élèves à la vie d’adulte et au monde du travail.
A quoi ressemblera l’école dans 20 ans ?
Maintenant que nous avons sondé l’opinion des Millennials au sujet de l’école actuelle, que nous nous sommes enquéris de leurs suggestions de cours, nous leur avons aussi demandé d’imaginer l’école dans 20 ans.
Vous vous en doutez sûrement, les réponses sont là aussi disparates, avec des regards cyniques, dystopiques, idéalistes ou pessimistes…mais quelques tendances se dégagent une fois de plus.
Scénario catastrophe : les dysfonctionnements actuels exacerbés
Commençons par les plus pessimistes ! 17.34% des répondants nous ont fait part de leur désespoir face à ce que sera l’école dans le futur, nous mentionnant les dysfonctionnements évoqués plus tôt, en les imaginant encore plus marqués.
Un premier utilisateur nous écrit par exemple que l’école, plutôt que d’aider à accomplir ses rêves, bridera les élèves et leur fera perdre du temps :
Il existe des tas de choses qui évoluent depuis des millénaires, mais si on remarque bien, l’école n’a pas changé depuis qu’elle a été mise en place : on met des élèves dans une classe, assis, et ils doivent lever la main et se tenir bien sagement. On les note sur ce qu’ils ont appris et non sur ce qu’ils ont compris. De plus, un élève qui n’est pas spécialement doué à l’école car il n’aime pas ça, sera réprimandé et jugé différemment. Il ne pourra se permettre d’être lui même qu’après avoir fini ses études, qui lui auront surement gâché une bonne partie de sa vie et sa confiance en lui au passage. — Un utilisateur de Jam
D’autres utilisateurs voient l’école comme un instrument de manipulation, qui ne poussera pas à la réflexion car contraire aux intérêts des “dirigeants”.
Elle n’aura pas évolué, les dirigeants veulent formater les nouvelles générations, c’est plus simple pour leur faire accepter les nouvelles règles, les lois plus absurdes les unes que les autres. — Un utilisateur de Jam
—
Dans 20 ans l’école ressemblera à un lieu de propagande pour endoctriner les jeunesses. Elle sera un lieu de souffrance et non plus de savoir.
— Une utilisatrice de Jam
D’après certains autres utilisateurs, l’école se hâte lentement vers un système plus capitaliste, dans lequel la rentabilité l’emporterait sur l’intérêt collectif…
L’état va privatiser les écoles et y instaurer des classement selon les écoles. — Un utilisateur de Jam
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Les riches pourront avoir accès à de meilleures études que les moins riches qui eux, devront aller dans des écoles moins cotées car moins chères, voire gratuites et ayant un enseignement moins développé. Ainsi nos capacités seront seulement considérées par les écoles fréquentées plutôt que par nos réelles aptitudes. — Un utilisateur de Jam
Espérons que les professeurs, hussards noirs de la république, ne transformeront pas ces visions pessimistes en une réalité cauchemardesque.
L’école du futur sera connectée
Fort heureusement, les répondants ont été nombreux (32.61% pour être exacts) à imaginer un avenir plus prometteur, à commencer par une vision futuriste de l’école : cours en ligne, professeurs hologrammes, ateliers interactifs et école algorithmique !
Peut-être que tout va être informatisé, plus de cahiers et stylos, plus de manuels. J’imagine aussi des sortes d’ateliers interactifs pour tous les cours. Un plus large choix de matières. […] Des professeurs hologrammes, qui font cours en vrai à une classe et qui sont projetés dans plusieurs autres salles en même temps (cf Mélenchon) avec possibilité d’interaction pour poser des questions.
— Un utilisateur de Jam
Mais gare aux extrêmes, comme nous le rappelle une répondante :
Les enfants sauront-ils seulement ce qu’est un stylo ? — Un utilisateur de Jam
L’école du futur sera personnalisée
Avec les avancées technologiques actuelles, 17.68% des répondants imaginent que l’école sera plus algorithmique : elle permettra à chacun de suivre un parcours personnalisé, en fonction de ses points forts, ambitions et desiderata.
Une école qui saura mieux accompagner les élèves dans leur orientation et qui fera en sorte de prioriser les aptitudes personnelles de chacun. — Un utilisateur de Jam
Mais une école personnalisée, ce n’est pas forcément une école dénuée de lien avec les autres élèves, ou les professeurs.
Des profs remplacés par des robots, ça jamais — Un utilisateur de Jam
L’école sera…démocratique et inclusive
Selon 10.8% répondants, l’école d’aujourd’hui est très normée et les méthodes d’apprentissage proposées ne sont pas adaptées à tous les jeunes. Certains détestent ainsi l’école, sont largués car les professeurs ne s’adaptent pas à leur rythme, s’ennuient parce que l’on nivelle par le bas, ou exigent simplement plus de pratique et moins de théorie.
L’école du futur, quant à elle, sera plus démocratique, plus inclusive, et respectera le développement de chacun :
Je pense que l’école aura bcp changé et que l’éducation sera plus basée sur une éducation responsable et qui respecte le développement personnel de chaque enfant dans sa singularité . Je l’espère du moins. — Un utilisateur de Jam
Les pédagogies dites “alternatives” sont un centre d’intérêt pour certains d’entre eux, et permettraient dans le futur un meilleur développement de l’enfant :
On voit bien que les nouvelles formes d’éducation comme avec la pédagogie Montessori ou Freinet et bien d’autres que les enfants développent beaucoup mieux […] et plus tôt leurs capacités intellectuelles et motrices ! — Une utilisatrice de Jam
Le système de notation est lui aussi remis en cause. Celui-ci serait dépassé, et la compétition permanente laisserait certains élèves sur le bas-côté :
Une abolition au moins partielle du système de notation qui selon moi crée un écart énorme entre les élèves car cela démoralise certains — Un utilisateur de Jam
—
Peut être un aspect plus ludique à l’enseignement et moins compétitif car le modèle actuel a ses limites et peine à motiver — Un utilisateur de Jam
Conclusion
En résumé, la vision de l’école par les Millennials oppose à la fois un regard bienveillant et une certaine désillusion, de bonnes pratiques et des points d’amélioration, des visions pessimistes et des évolutions prometteuses. L’école est multiple, et possède autant de facettes qu’il n’y a d’élèves qui la fréquentent ou l’ont fréquentée.
Malgré des réponses assez disparates, les Millennials semblent avoir trouvé un consensus sur un point : l’école est imparfaite. Malgré des années d’évolution, le combat pour une éducation plus juste, plus inclusive et plus adaptée à chaque citoyen doit continuer !
Nous sommes convaincus que l’État a fort à gagner à écouter les recommandations de la jeune génération. Cette génération, plus directe et honnête, plus impliquée, plus indignée aussi, souhaite avoir un vrai impact sur la société.
En conséquence, ces insights, nous avons décidé de les envoyer au Ministre de l’Éducation Nationale !
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*Millennials : Millennials, digital natives ou bien encore génération Y : autant d’appellations pour ceux qui sont nés entre les années 1980 et 2000 et qui représentent la génération homogène la plus importante depuis les baby-boomers. Selon l’INSEE, ces 15–35 ans sont près de 16 millions en France, soit un quart de la population française. S’ils représentent aujourd’hui 1/3 des actifs, ils constitueront la moitié de la population active d’ici 2020.
NDLR : pour plus de lisibilité, certaines coquilles ont été corrigées dans les verbatims des utilisateurs
