Cette nuit, j’ai regardé des gens danser et cela m’a perturbé. Fucking Covid

Mateusz
5 min readDec 25, 2020

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Depuis plusieurs mois maintenant, mon corps et ma tête réagissent au mode de vie que nous impose la crise sanitaire. Je me doute que les quelques lignes suivantes sont d’une extrême banalité mais j’aimerais partager ladite banalité avec d’autres personnes qui vivent peut-être la même chose que moi

Cette nuit, j’ai regardé un film. A un moment, il y avait une fête, avec plein de gens qui dansaient, tous étaient fort proches les uns des autres, ils se touchaient, riaient, chantaient, buvaient… Normal, une fête.

Ma tête, elle, m’a crié : “Hé, les distances…” C’était un film et le fait qu’ils ne respectent pas les gestes barrière m’a mis mal à l’aise. Puis, j’ai été perturbé par cette réaction. Depuis quand le fait de voir des gens qui font la fête me pose un problème ?

Photo by Antoine Julien on Unsplash

Cela fait 10 mois qu’on subit cette pandémie. Je pense que je fais partie de ceux qui ont de la chance : j’ai du travail, moins mais quand même ; j’ai des projets — trop — pour ne citer que l’un d’entre eux : je m’éclate sur Twitch ; je n’avais pas autant lu, écouté et regardé depuis longtemps ; je n’ai pas vraiment plus d’emmerdes qu’avant, un peu mais rien qui m’autorise à me plaindre ; ma fille me manque, mais ça j’ai l’habitude (enfin non…) ; mais j’ai mon fils, un colloc extra, une semaine sur deux, je le regarde grandir plus que jamais — en ça, 2020 aura été super — ; avec Internet, j’ai pu rester en contact avec beaucoup de gens, avec certains même plus qu’avant. Il y a pire comme manière de vivre la crise sanitaire. Il y en a de meilleures aussi je suis très loin du tsunami que certains subissent depuis bientôt un an.

Et pourtant. Et pourtant mon corps m’envoie des signaux. Toujours plus. Depuis quand ? Je ne sais pas vraiment. Un mois ? Deux mois ? Surtout la nuit. Tantôt un rêve où je m’imagine courir nu, sans masque, dans une rue Neuve, principale artère commerçante de Bruxelles, bondée, en hurlant : “J’en ai rien à foutre”. Tantôt un autre où je fantasme sur le fait de faire une chaste bise. Dans un autre rêve, j’évolue dans une Belgique dévastée par la pandémie, devant sortir me battre pour de la nourriture. A chaque fois, je me réveille. Perturbé.

En fait, ce n’est pas vrai. Cela fait plus de deux mois que mon corps me parle du Covid. Je pense que la première fois que j’ai été perturbé par une de mes réactions ce fut en juin dernier. Quelques semaines après le rush chez les coiffeurs au moment du déconfinement, j’y suis allé à mon tour. Alors que le fait de me faire laver les cheveux ne m’a assez normalement pas surpris, quand la coiffeuse m’a touché le bras, geste des plus banals, j’ai ressenti des émotions étranges. J’étais partagé entre une première incompréhensible, celle de l’ado timide qui tressaillit lorsqu’il effleure pour la première fois la main d’une fille qu’il croit aimer. Et une autre, quasi-opposée, de dégoût d’avoir été touché par cette jeune femme, parce qu’on ne peut pas se toucher. J’ai été troublé par les deux émotions, inappropriées à la situation, d’autant plus qu’elles étaient simultanées. Troublé et perturbé.

Cela fait donc plus de deux mois que mon corps me parle du Covid mais je ne m’en rends vraiment compte que maintenant. Parce que les signaux deviennent plus fréquents, voire même plus réguliers. La nuit quand je dors. La journée quand je sors. Et maintenant quand je regarde Netflix. En quelques mois, mon corps et ma tête se sont habitués à la quasi absence de contacts humains. Et ça me perturbe.

C’est pareil lorsque je sors de chez moi, mes émotions se bousculent. D’un côté, je suis heureux de croiser des regards, dernière partie du visage que l’on nous autorise à voir. De l’autre, je suis triste de ne plus voir les sourires. Pourtant, je suis presque en colère de voir le sourire de quelqu’un qui ne porte pas son masque. Cette irritation me perturbe. Je sais qu’on est dehors, que je ne reste pas avec cette personne, que s’il ne me postillonne pas au visage, je ne risque rien… et pourtant je suis en colère. Ou une partie de moi est en colère.

Puis je m’en veux d’avoir été en colère. Je termine les courses que je dois faire et je rentre vite chez moi. Soulagé. Rassuré. En sécurité. Mais perturbé. Doublement perturbé : de ce qui c’était passé juste avant et du fait de me recroqueviller chez moi, tel un ermite dans sa grotte. Ce qui ne me ressemble pas vraiment.

Perturbé je le suis aussi quand quelqu’un que je dois voir annule : je suis soulagé. Même si c’est une personne que j’ai vraiment envie de voir. Mes émotions se bousculent, se contredisent, se mentent, me mentent ; elles rient, elles pleurent, elles angoissent… heureusement, elles ne m’angoissent pas encore. Enfin je crois. En tout cas, je garde le sourire 😄

Au moment de m’exprimer via ces quelques lignes, comme je le ferai oralement si j’allais chez un thérapeute, je suis serein. Avant mon exutoire était dehors, quelque part entre ces soirées chez les potes, les bars et les fins de nuit où j’ai raconté et si souvent extirpé un grand nombre de mes angoisses passées. Maintenant, je le fais par écrit. Je suis serein car il me semble que ce soit sain que d’une manière ou d’une autre notre corps réagisse à une situation complexe. Et aussi parce que j’arrive plus ou moins à mettre des mots sur ces réactions. Qui sont liées à une situation bien précise. Je suppose — et j’espère — que cela n’est que temporaire…

Je dois avouer que j’ai beaucoup hésité à partager ce texte très tourné vers moi-même mais la curiosité me pousse à vous demander si vous aussi vous ressentez le même genre de perturbations que moi. En vrai, ça me rassurerait un peu haha.

EDIT : sur Facebook, les réponses ont à ce post ont été nombreuses et des plus intéressantes. Pour moi, elles font maintenant partie de billet.

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Mateusz

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