IA et campagnes électorales. ChatSecondTour : retour sur une expérimentation

Faut-il se saisir des IA génératives dans le débat public et l’action politique ? Pourquoi ? Comment ? A quelles conditions ?

Lundi 1er juillet. Je suis encore sous le choc des résultats du premier tour des législatives. Florian Gauthier, ex-directeur de LaReserve.tech, me fait part de son projet de développer une déclinaison de ChatGPT qui génèrerait des argumentaires « pour convaincre ses potes de voter pour le NFP et de faire barrage au Rassemblement national ».

A 18h32, il m’adresse un lien vers la V0 de ChatNFP. Il a récupéré un argumentaire sur une boucle WhatsApp et écrit une première batterie de prompts.

ChatNFP est destiné à des personnes qui bataillent avec des électeurs potentiels et qui ont besoin d’arguments pour répondre à leurs questions ou à leurs interpellations. Il me demande de le tester.

J’essaye alors d’imaginer les questions, objections ou interpellations auxquelles ChatNFP risque d’être exposé et auxquelles il devra répondre. « Le programme du Front populaire est ruineux ».« Le programme du NFP va faire fuir les riches ». « Le RN ne fera rien et sera décrédibilisé : ils montreront juste leur incompétence ». « C’est peut-être une bonne chose le RN ! On n’a jamais essayé ! »« Le SMIC à 1600 euros va tuer les TPE ». « La France est déjà championne d’Europe des prélèvements obligatoires et vous voulez encore augmenter les impôts ». « LFI est trop extrême ». « Je ne veux pas de Mélenchon Premier ministre ». « LFI déteste la police ». « Le RN soutient les classes populaires ». « Le RN n’est pas d’extrême-droite ». « Le RN a changé ». « On ne peut pas nier qu’il y a un problème avec l’immigration, ça n’a rien de raciste » « Le RN promet d’augmenter les salaires de 10% »…..

Selon les requêtes, les réponses de ChatNFP sont plus ou moins concluantes.

Les réponses de la V0 s’avèrent assez peu convaincantes à des questions comme « je ne vote pas pour Mélenchon », « je ne vote pas pour des antisémites », « tu ne peux pas dire qu’il faut taxer plus ».

Quand on lui objecte que « Mélenchon est antisémite », par exemple, ChatNFP s’obstine à minimiser les propos du leader des Insoumis.

Pour améliorer la pertinence des réponses, il va falloir enrichir la base d’argumentaires (je m’y attelle immédiatement), s’assurer que ChatNFP puisera bien ses réponses dans cette base (au lieu d’aller les chercher n’importe où) et compléter la batterie de prompts. Ce qui sera fait en quelques heures.

Mardi 2 juillet, avec une base documentaire enrichie et mise à jour périodiquement, des prompts qui s’affinent, les réponses de ChatNFP à quelques questions-tests s’améliorent. Elles s’allongent, aussi, passant de 5 à 10 lignes.

C’est notamment le cas des questions, objections et interpellations qui portent sur la personne de Jean-Luc Mélenchon.

Mercredi, alors que la campagne du second tour se réorchestre au tour du barrage au RN et du Front républicain, ChatNFP est rebaptisé ChatSecondTour. Au fil des itérations et des versions, l’accent se déplace de la promotion du programme du Nouveau Front Populaire mais vers la thématique du barrage.

Entre temps, le lien de la V0 est transmis à quelques amis qui jugent les réponses de ChatSecondTour pertinentes et même « bluffantes ».

A l’intention des personnes qui légitimement voudront savoir qui est à l’origine de ChatSecondTour, nous nous assurons qu’il apportera une réponse correcte.

Alors que la campagne du second tour fait rage, ChatSecondTour semble prêt pour un lancement public. Le jeudi 4 juillet au matin, Florian annonce sur LinkedIn l’ouverture de ChatSecondTour.

La page d’accueil affiche la couleur: ChatSecondTour ne prétend pas être neutre. ChatSecondTour s’inscrit explicitement dans une perspective de barrage au RN, tout en revendiquant sa filiation Nouveau Front Populaire.

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L’accueil est plutôt bon.

Dans les heures qui suivent, au fil des mises à jour de la base documentaire et de l’ajustement des prompts, nous nous assurons que ChatSecondTour prend bien en compte les débats, les controverses en cours, les préoccupations et les inquiétudes d’une partie des électeurs.

Quand ChatSecondTour semble halluciner ou faire du hors-piste, des corrections sont apportées dans la base documentaire ou via les prompts.

Le vendredi 5 juillet, le journal de France Inter à 18 heures mentionne ChatSecondTour à l’occasion d’un billet consacré à l’accélération de la campagne sur les réseaux sociaux.

Suivi par le Financial Times.

Et l’impact ?

Alors que l’expérimentation touche à sa fin, Florian s’interroge sur l’impact de ChatSecondTour.

A l’issue de cette campagne, nous ne résistons pas la tentation de demander à ChatSecondTour ce qu’il pense de cette expérimentation. Sa réponse, une fois de plus, nous surprend.