Alimenter la boucle de rétroaction : Une phase supplémentaire pour rendre votre rétrospective d’itération plus productive

Maxence Dalmais
Retrolution — fr
6 min readJan 13, 2020

Je travaille comme développeur dans des environnements dits agiles depuis une dizaine d’années et suis le fondateur de Retrolution, un outil d’aide aux facilitateurs de rétrospectives. J’ai l’expérience d’organisations qui appliquent Scrum mots par mots et d’organisations beaucoup moins structurées. J’en suis venu à la conclusion que la réunion la plus importante pour une équipe orientée produit est la réunion rétrospective. Je suis récemment devenu facilitateur de rétrospective et j’utilise dans mes rétrospective d’itération une phase supplémentaire par rapport au format classique en 5 phases. Je l’appelle ‘Feed the feedback loop’ ou en francais ‘Alimenter la boucle de rétroaction’. Voici ce que c’est, et pourquoi vous pouvez l’utiliser.

Recueillir des retours et itérer peut semble effrayant, mais souvenez-vous que vous êtes en sécurité ;-) — Photo by Charlotte Coneybeer on Unsplash

RetroQuoi ?

Si vous n’êtes pas familiers avec les réunions rétrospectives, je vais expliquer brievement le concept.

Une réunion rétrospective est une réunion collaborative dont le but final est d’améliorer les conditions de travail et le résultat du travail d’un groupe de personnes travaillant plus ou moins ensemble et orientées vers les mêmes objectifs.

Cette réunion peut avoir lieu sur une base régulière pour les équipes suivant un processus itératif, mais aussi après un événement important tel qu’une fin de projet, une itération plus longue comme une fin de trimestre, ou une échéance manquée.

Le but de la réunion est de tirer des leçons de la période passée (d’où le terme Rétro), et pour l’équipe de décider et de s’engager à une liste d’actions à effectuer dans la prochaine itération. Les actions sont décidées par l’équipe afin de réduire ou de résoudre un problème, un point douloureux ou d’encourager un comportement.

Pour être utiles, il est communément admis que les actions doivent être SMART, ce qui signifie Spécifiques, Mesurables, Atteignables, Réalistes et Temporellement définies. Pour être précis, la signification des acronymes change quelque peu avec le temps et le contexte. Pour les réunions classiques, j’aurais tendance à garder le mot original derrière le A, qui signifie Assignable. Pour les réunions rétrospectives, il pourrait être plus difficile d’assigner une action à une personne spécifique, car nous pourrions décider d’un changement collectif.

Les rétros sont métas

Les réunions de rétrospective, telles que présentées dans le livre Agile Retrospective: Making Good Teams Great d’Esther Derby et Diana Larsen suivent une structure en cinq phases. Les cinq phases sont :

  1. Préparer le terrain
  2. Rassembler des données
  3. Générer des idées
  4. Décider de ce qu’il faut faire
  5. Clore la rétrospective

Dans la dernière phase, “ Clore la rétrospective “, nous faisons souvent la rétrospective de la réunion rétrospective elle-même.

Une rétro de la rétro ? Plutot Méta comme concept ?!

L’idée est de recueillir les réactions des participants afin d’améliorer les rétrospectives suivantes. Cela sert à la fois un objectif pratique — car cela aidera l’animateur à mieux adapter les prochaines rétrospectives à l’équipe — et un objectif pédagogique — car cela montre aux participants que le format des rétrospectives peut être adapté à d’autres sujets et que tout peut être amélioré.

Les Rétrospectives d’Itérations concernent le fait d’itérer et l’Amélioration Continue

Une idée fausse et courante au sujet de la réunion rétrospective concerne son objectif principal. Le but de la rétrospective n’est pas de se concentrer sur le passé, mais d’apprendre du passé afin d’améliorer l’avenir.

Comme Aristote l’a écrit dans son livre “Éthique à Nicomaque” datant de 350 avant J.C :

Personne ne pense au passé, mais à ce qui est futur et peut être différent

Nous savons déjà que nos actions doivent être SMARTs et que tout peut être amélioré. De plus, les actions sont décidées sur la base d’un objectif.

En travaillant avec des itérations courtes, (entre 1 jour et 1 mois), il est clair que :

  • chaque itération ne doit pas apporter de changements spectaculaires
  • la courte période d’itération facilite l’apprentissage

De plus, lorsqu’on s’engage dans des activités rétrospectives, il doit être clair que le processus d’itération ne concerne pas seulement le produit, mais aussi le processus et les personnes.

Pour compléter ces concepts, il est bon de considérer certaines actions comme des expériences. Lors de la prochaine itération, l’équipe tentera de mettre en œuvre l’expérimentation. Parce qu’une expérimentation n’est rien de plus que ce qu’elle dit, une expérimentation, elle doit être évaluée. Ensuite, les résultats seront contrôlés, et l’expérimentation pourra être prolongée, adaptée ou arrêtée.

C’est exactement ce qu’est cet ajout à la structure traditionnelle en 5 phases : vérifier l’état et le résultat des actions précédentes afin d’avoir une décision d’équipe concernant un éventuel suivi.

J’appelle cette étape “Feed the feedback loop” ou “Alimenter la boucle de rétroaction”, car c’est vraiment de cela qu’il s’agit. Elle vous permet de commencer la discussion avec des choses qui ont été planifiées et mises en œuvre précédemment, et vous donne l’occasion de vérifier comment elles ont fonctionné dans la pratique et de les adapter.

Ne vous méprenez pas : cette idée n’est pas nouvelle et a été discutée par d’autres personnes sous des noms différents tels que Suivi rétrospectif, Évaluation des résultats des actions, ou décrite dans Rétrospectives axées sur l’action. Malgré ces articles, je pense qu’elle mérite plus de visibilité et d’être intégrée dans toutes les rétrospectives d’itérations.

Phase ou activités ?

Nous avons introduit le concept d’“Alimenter la boucle de rétroaction“ pour les rétrospectives d’itérations, mais nous ne l’avons pas encore vraiment decris.

Une des questions se pose est de savoir s’il s’agit d’une phase de la rétrospective ou d’une activité. Je dirais qu’il ne peut pas vraiment s’agir d’une activité parce que sa portée est en quelque sorte limitée et qu’elle ne se marie pas bien avec d’autres activités.

Cependant, il est assez difficile de théoriser une nouvelle phase dans le processus rétrospectif et il peut sembler effrayant d’échapper à la structure bien connue en 5 phases.

Certaines personnes aiment l’imaginer et l’intégrer dans la phase initiale de “préparation du terrain“. D’autres animateurs pensent qu’elle appartient à la quatrième phase “ Décider quoi faire “, puisque l’équipe décidera à la fin de la phase de décider quoi faire avec les expériences.

Enfin, considerent qu’il est inutile de faire un point sur le suivi des actions. Leurs arguments sont que les questions importantes émergeront d’elles-mêmes, ou plus précisément seront rappelées par les participants et que ce n’est pas le rôle de l’animateur de soulever des questions. Je ne peux qu’être en désaccord avec eux.

Le rôle du facilitateur est de s’assurer que l’équipe apprend le plus possible, qu’elle s’adapte au fil du temps, et aussi de faire le meilleur usage du temps alloué pour la rétrospective .

Le fait de disposer de 5 à 15 minutes (soit environ 10 %) consacrées à “alimenter la boucle de rétroaction“ vous permettra de parcourir rapidement les sujets importants et libérera généralement du temps pour d’autres sujets au cours des autres phases de la rétrospective.

Alimentez les boucles pour s’assurer qu’elles commencent et ne finissent jamais

Dans un deuxième article, j’expliquerai comment je prépare et anime cette nouvelle étape de la rétrospective, mais laissez-moi ici vous expliquer deux aspects essentiels.

Tout d’abord, vous voulez l’imaginer comme une phase rétrospective. Je le fais entre les phases “Préparer le terrain” et “Recueillir des données”. Le fait de la considérer comme une phase vous aidera à prendre le temps qu’elle mérite, et aussi à la considérer non pas comme une activité définie, mais comme une phase avec un but. En fonction de l’équipe et du contexte, vous adapterez le contenu et l’activité de la phase. Et comme il s’agit d’une phase, vous n’avez pas besoin de vous concentrer exclusivement sur les actions précédentes. Vous pouvez par exemple rajouter comme sujet des changements récents ou des événements qui se sont produits.

Secondement, vous voulez considérer chaque point discuté comme une mini-rétrospective : vous voulez que tout le monde soit au fait des points discutés, recueillir des données sur les résultats, génèrer des idées à leurs sujets et enfin décider de la suite éventuelle.

Bien sûr, de temps en temps, un point nécessiterait une discussion plus longue et il ne serait donc pas possible de se tenir au calendrier initial. C’est votre rôle de facilitateur de détecter et de décider si vous voulez vous en tenir à votre plan initial ou changer complètement votre rétro et vous concentrer sur cet élément. En fonction des activités que vous avez prévues pour les autres parties de la rétrospective, vous pouvez écrire l’élément sur un paperboard et l’ajouter aux éléments discutés plus tard dans la phase “ Générer un aperçu “.

Conclusion

En tant quie facilitateur de rétrospective, votre travail consiste à faire en sorte que la réunion rétrospective soit la plus utile possible pour les participants. En ajoutant à votre rétrospective la phase supplémentaire “alimenter la boucle de rétroaction“, vous aiderez l’équipe à garder une trace de ses expériences antérieures et à décider de ce qu’elle doit en faire. Vous élèverez le processus d’itération à un nouveau niveau. Comme toujours avec la rétrospective, prenez le temps d’y réfléchir et de l’adapter à ce que vous pensez être le mieux pour l’équipe, le contexte et vos connaissances.

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