Art & Surf

Mayumi Tsubokura
9 min readSep 1, 2015

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Mayumi en train de peindre à Pipeline, North Shore, Oahu, Hawaï. 2004, © Maurice Rebeix.

Le parcours étonnant de Mayumi Tsubokura, peintre japonais des vagues, du surf, des surfeurs, des îles.

Enfance et adolescence au Japon

Avec sa mère, Testuko Tsubokura.

Mayumi est né à Tokyo en 1952.

Initié dès son plus jeune âge à la peinture, ainsi qu’à tous les arts martiaux japonais : Kendo, Iaïdo, Judo, Karaté… Mayumi est éduqué dans l’esprit du guerrier Samouraï, le bushido. Cette voie traditionnelle et disciplinée est choisie par son père Genzo Murakami, écrivain, romancier, et metteur en scène de théâtre classique japonais « kabuki ». Admiré par Mishima, célébré pour ses romans historiques, Genzo Murakami est une figure de la littérature japonaise populaire d’après-guerre.

Genzo Murakami, vers 1955

Ceinture noire de Judo, 1ère Dan de Kendo, c’est surtout le karaté qui convient le plus au caractère intrépide de Mayumi, il combat pour le dojo le plus réputé du Japon, celui de Masutatsu Oyama, le fondateur du karaté Kyokushinkaï, où il passe sa deuxième Dan.

Durant son adolescence, la culture occidentale qui conquiert le Japon lui ouvre de nouveaux horizons, il côtoie en travaillant dans des clubs de Tokyo Frank Sinatra, James Brown ou Tina Turner. Originaire du quartier Roppongi-Akasaka, en plein cœur de l’hanamachi, le quartier des bars, et des maisons de geishas, il vit ses années de lycéen dans un Tokyo psychédélique en pleine mutation.

Shimoda, Japon © Tsunefumi Satoh

Mais ce qui va changer le destin de Mayumi est le surf, qu’il découvre à l’âge de 17 ans, sur les plages de la côte Est du Japon. Empruntant la planche d’un local, un ami pêcheur, il devient accro au sport. Deux ans plus tard, il part à Hawaï pour affronter les vagues les plus réputées au monde.

La découverte du surf à Hawaï

Bien que ses performances athlétiques soient au point, grâce aux rigoureux entraînements issus des arts martiaux, et ses bases de surf qu’il a apprises au Japon, il se retrouve là-bas désarmé par la puissance colossale des vagues.
Le surf, pratique antagoniste parfaite du karaté, combat non violent, non agressif, contre l’océan, contre soi-même, combat ingagnable, opère un profond bouleversement en lui.

Lors de ce voyage, il se lie d’amitié avec Rabbit Kekaï, Eddie Aikau, Gerry Lopez, Darrick Doerner et d’autres légendes du surf hawaïen, des surfeurs-chasseurs de grandes vagues. Une nouvelle famille qu’il ne quittera plus.

Comme reforgé par les vagues, il quitte cette île en homme nouveau, changé par cette force, cette énergie océanique qui relativise l’humaine comme il ne l’avait jamais senti dans sa pratique du karaté.

Photo de mariage, Tokyo, 1972

La vie d’artiste à Paris, à Tahiti, et à Biarritz

Étude de cheval, 1973

De retour au Japon, ayant choisi professionnellement la voie artistique, il entre en école d’art.
À l’âge de 21 ans, il quitte le Japon définitivement et déménage à Paris pour entrer à l’École des beaux-arts. Il devient designer chez un célèbre joaillier place Vendôme. Rapidement adopté par le tout-Paris, il fait de la France son nouveau pays. Il découvre l’Europe, au gré des opportunités professionnelles et des amitiés, et fonde une famille.

Il voyage au début des années 1980 à Tahiti. Ayant déjà visité Hawaï, les tahitiens qui n’avaient pas fait le déplacement sur l’archipel américain lui demandent de décrire les vagues hawaïennes. Il commence alors à les peindre. Un déclic se produit.

Les futurs champions de surf tahitiens Arsène Harehoe et le tout jeune Vétéa David, spectateurs de ces premières incursions dans l’univers du “Surf Art” l’encouragent dans cette voie.

La peinture

Backdoor

Avec le surf, sa peinture, qu’il pratiquait depuis son enfance, prend une nouvelle dimension. Retrouvant l’essence des inspirations japonaises de sa famille : son père collectionnait Hokusai, Hiroshige, Okyo… et la technicité européenne apprise aux beaux-arts, il va explorer un univers inédit, où l’extase la plus totale côtoie le danger le plus extrême, et parfois, la mort.
Dans ses représentations de vagues, il traduit une certaine humilité vis-à-vis des éléments, la fascination qu’exercent sur lui ces créations de la nature, aussi redoutables que belles.
Les vagues, comme il se plaît à le rappeler, sont bien plus que de l’eau salée, elles sont aux origines de la vie et en sont un symbole.

Pipeline in the night

Éphémères, elles laissent parfois une empreinte indélébile : la puissance, la clarté, l’obscurité, la vitesse, le chaud ou le froid, le vent : chaque vague est une rencontre.
Uniques, mais reconnaissables, la forme typique des vagues de certains « spots » sont pour les surfeurs des traits aussi familiers que ceux des visages humains.

En peignant ainsi ce sujet avec des yeux de surfeur, Mayumi cherche à faire de véritables « portraits » de vagues. Que cela soit pour une vague de récif cristalline et tropicale, un « beach break » ensablé ou un mastodonte de l’Atlantique balayé par le vent, Mayumi peint d’après ses souvenirs, d’après ses rêves ou les histoires de surfeurs. C’est une quête de la vague idéale, mais aussi de la plage et du lagon parfaits, indissociables de la pratique du surf.

Surf Artist des champions

Plus que des clichés de paysages de rêve, son art vise à traduire authentiquement son amour pour cette culture, pour ce mode de vie.
Et cet univers le lui rendra bien, d’autant plus que la peinture n’est pas la seule pratique qui lie Mayumi aux surfeurs.

Rochelle Ballard, Layne Beachley, et Mayumi, Anglet, 2000

Admirateurs des tableaux qu’il expose sur les sites des étapes du championnat du monde de surf WCT, les surfeurs professionnels viennent en masse à sa rencontre. Loué pour sa gentillesse et son ouverture d’esprit, fin gourmet, et cuisinier émérite, il organise des soirées mémorables où ses sushis et sashimis rassemblent les surfeurs professionnels et des personnalités variées en marge des compétitions dans le Sud Ouest de la France dans les années 1990.

Kelly Slater et Mayumi, Biarritz, 1994
Avec Laird Hamilton, Saint-Germain-en-Laye, 1995

Mais c’est encore plus singulièrement que Mayumi se démarque dans le monde du surf. Appliquant une technique héritée des arts martiaux japonais aux surfeurs professionnels, il est reconnu par ces derniers comme étant un maître de shiatsu, de massages japonais. Cette pratique, qu’il a éprouvée lors de sa carrière de karatéka, procurant dans les dojos les soins d’urgence pendant les entraînements ou les combats, est très appréciée des surfeurs qui connaissent bien les blessures et le besoin de bien récupérer après des efforts intenses.
De Kelly Slater à Laird Hamilton, en passant par Layne Beachley, ou Rell Sunn les plus grands surfeurs sont passés entre ses mains pour expérimenter son approche des soins physiques. De tout ceci, de profonds liens d’amitié naîtront, concrétisés par l’initiation du projet du film « Riding Giants ».

Riding Giants

Le quotidien des surfeurs qu’il continue de côtoyer, que cela soit à Tahiti, Hawaï, ou dans le Sud-Ouest de la France fait encore grandir son sentiment de respect à l’égard de l’océan et du surf.

La mort des surfeurs Eddie Aikau, et plus tard celle de Mark Foo dans le Pacifique marquent profondément Mayumi aussi bien dans sa vie d’homme que dans sa vie d’artiste. Au centre de sa perception du surf, l’engagement physique et mental total du surfeur impressionne l’ex combattant de karaté.

Le développement du surf professionnel, la compétition à travers le prisme médiatique, masquent aux yeux du grand public l’humanité qui se cache derrière cette pratique. Cet état de fait lui donne envie de faire comprendre à son entourage non familiarisé avec le monde du surf, que le surf est bien plus qu’un simple sport. Il ressent un besoin de raconter le « pourquoi » de cette pratique de manière plus aboutie.

Aloha Mayumi. Merci pour tes mes qui soignent, et pour ton enseignement. 1995. Peahi. Laird Hamilton

L’amitié entre Mayumi et les plus grands surfeurs ne passe pas inaperçue aux yeux de ses amis parisiens. Sous l’impulsion de son ami producteur Franck Marty, Mayumi va appeler en 2000 ses vieux amis du North Shore, notamment Darrick Doerner, et lancer le projet d’un film documentaire ambitieux sur le surf de vagues géantes. L’objectif est de marquer l’histoire du surf avec une œuvre qui colle à l’épopée de la conquête des grandes vagues du Pacifique.

Couverture du DVD “Riding Giants”

Après 4 ans de genèse, Riding Giants, produit avec les moyens de Canal + et Sony, sort au cinéma en 2004, année où il ouvrira le festival du film indépendant américain de Sundance.
Succès commercial et critique, ce film, selon les mots du célèbre critique américain Roger Eberts, va « à contre-courant du cliché hollywoodien du surfeur californien », et montre « l’obsession des surfeurs pour l’océan et le surf, à la recherche de cet équilibre précaire entre l’harmonie de la glisse et l’indomptable force océanique ».
Il est depuis devenu une référence incontournable, un classique et un film culte pour des millions d’hommes et de femmes passionnés par cet univers. Mayumi est crédité dans les remerciements, en première position.

Aujourd’hui

Mayumi continue de peindre, rendant ainsi sans cesse hommage à l’océan, à la majesté de la vague de récif, au lagon du Pacifique, aux lumières des îles. En filigrane, sans pour autant les représenter directement dans ses peintures, ce sont bien les surfeurs qui sont au cœur de l’œuvre de Mayumi… Source d’inspiration inépuisable, renouvelée par les voyages, influencé par ces personnages extraordinaires, mais aussi par sa vie parisienne — il peindra certaines de ses plus belles inspirations polynésiennes pendant de froids hivers parisiens, à Montmartre, sur le toit de Paris — Mayumi ne cesse depuis 30 ans d’exposer et de partager cet art qui rend hommage à une véritable communion de l’homme et de la nature.

Ayant à de nombreuses reprises participé à des évènements caritatifs avec Surfrider Foundation depuis le début des années 1990, Mayumi est engagé dans la sensibilisation aux questions de protection de l’environnement, et en particulier des océans.

Parmi ses admirateurs, amis, et collectionneurs de toiles, les plus grandes légendes du surf à Hawaï, Gerry Lopez, Laird Hamilton, Rabbit Kekai, Darrick Doerner, les surfeurs professionnels Kelly Slater, Gary Elkerton, Cory et Shea Lopez, Rob Machado, Rochelle Ballard, Jamie O’Brien, Jérémy Florès… Mais aussi des amateurs d’art éclairés, ou des célébrités, de Francis Ford Coppola à Carla Bruni, en passant par Sylvie Vartan, Mstislav Rostropovich, les Rita Mitsouko ou Bruce Willis…

Expositions et projets :

1986–1991 : Participation à la production des films Uhaïna, les « Nuits de la Glisse » : Tahitian Dream 1 & 2, Maui Local, La Vie en Rose, Surfing France, Hawaiian Juice…

1994–2004 : Expositions sur les côtes basques et landaises en marge des compétitions du championnat du monde de surf ASP, au Biarritz Surf Festival, expositions aux casinos de Biarritz et Hossegor

Mayumi, Rob Machado

1999 : Exposition au Musée de la Mer de Biarritz

Avec Derek Ho

1999–2004 : Lance le projet du film Riding Giants avec Frank Marty, Darrick Doerner et Laird Hamilton

2001 : Exposition à l’Assemblée Territoriale de la Polynésie Française, Papeete, Tahiti

Avec Andy Irons

2010 : Exposition à la Géode de Paris, pour le lancement du film OMNIMAX 3D — Kelly Slater Ultimate Wave Tahiti

2011 : Exposition à Haleiwa, Oahu, Hawaii, Wyland Gallery

Avec Lisa Andersen, 2015

1999–Aujourd’hui : Expositions en association avec la Délégation de la Polynésie Française, dans les locaux parisiens du Boulevard Saint-Germain et avec Surfrider Foundation à Biarritz.

Informations:

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mail: info@mayumi.fr

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Prints: Society6

Interviews en français : Mango surf, Surf-Report

Portfolio: Cargo

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Dossier de Presse

Tom Carroll, Mayumi, Kelly Slater, 2009

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Mayumi Tsubokura

Japanese artist living in Biarritz, France.