La balle d’argent

Michael Carpentier
4 min readFeb 13, 2017

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À chaque fois qu’une innovation ou une menace externe bouleverse une industrie, plusieurs entreprises résistent au changement.

Le commerce de détail est secoué par une tempête parfaite : l’éclatement du marché de masse en une multitude de niches. L’importance pour une nouvelle génération de consommateurs d’acheter des produits qui correspondent aussi à leurs valeurs, pas seulement à leurs besoins. Le changement de définition des termes “centre-ville”, “classe moyenne”, “proximité”. Le vieillissement d’une part importante de la clientèle, la précarité économique prolongée d’une autre. Un marché, même local, de plus en plus multiculturel. Et bien sûr, surtout, le Web, le maudit Web.

Parce qu’il est facile à voir, mais difficile à comprendre, on pointe souvent Internet en premier, en oubliant tout le reste, comme cause principale de la disparition d’institutions vénérables.

On pourrait dire que les nuages de cette tempête parfaite se sont amoncelés pendant des années, et que plusieurs ont attendu, attendu, beaucoup trop attendu pour gérer les changements apportés par la technologie… Ce qui ne serait pas faux. C’est pour cela qu’il ne faut pas pleurer ni paniquer chaque fois qu’une entreprise connue ferme ses portes, parfois par aveuglement volontaire ou incapacité de s’adapter.

Mais d’autres sont aux prises avec des réalités vraiment difficiles ou impossibles à changer en vitesse, malgré leur prévoyance : que fait-on avec un bail commercial signé pour 10 ans (la norme) quand, après 5 ans, un Lifestyle Center gigantesque ouvre ses portes quelques kilomètres plus loin? Que faire d’un réseau de franchisés quand un compétiteur vous bouscule en vendant exclusivement sur le Web? Comment passer du marketing de masse à plusieurs créneaux, et même à la personnalisation? Et, si vous réussissez cet exploit, comment satisfaire vos clients quand ils mettront les pieds en boutique, où les vendeurs n’ont pas encore le cerveau branché directement sur votre CRM?

Comme le problème semble souvent arriver avec la technologie, c’est de ce côté qu’on se met alors à chercher une recette avec l’énergie du désespoir : la fameuse “plateforme” qui répondra à tous les besoins d’aujourd’hui, MAIS qui sera évolutive, permettra de rattraper en quelques mois le retard d’une décennie ET qui fera tout ça sans trop de complexité, ET encore moins de frais. Pay, Plug and Play. Il n’y a pas de plateforme? Il doit bien exister une recette magique, alors, non?

Non.

On cherche la balle d’argent qui tuera le loup-garou d’un seul coup de fusil, au lieu d’accepter qu’il soit souvent préférable d’utiliser beaucoup de balles de plombs, du temps et de la sueur. Je vous souhaite d’avoir suffisamment de temps devant vous, mais le reste vous appartient.

Devriez-vous utiliser Facebook, comme vos compétiteurs? Essayer de les battre aussi sur Instagram, Twitter, Pinterest, Snapchat et tout le tralala? Utiliser Shopify, LightSpeed ou Magento? Faire des vidéos avec des gros plans au ralenti, comme tout le monde? Avoir l’air “authentique”, même si vos produits sont fabriqués dans des Sweat Shops en Asie depuis des décennies? Vendre en ligne en vous aliénant vos grands détaillants, ou accepter le risque qu’ils continuent tranquillement à développer leurs relations avec les consommateurs pour vous remplacer ensuite par d’autres fournisseurs moins chers?

Vu d’ici, je l’ignore. Ce qui marche pour Rituels, ce qui fonctionnait (ou pas) avec mes clients quand j’étais consultant ne fonctionnera probablement pas, aux mêmes dosages et avec les mêmes ingrédients, pour vous.

Il n’y a pas de recette unique, pas encore de “bonnes pratiques” établies, pas de plateforme qui fera tout à votre place, de gourou qui vous sauvera comme une princesse dans Mario Bros ou de “Plan numérique” qui vous permettra de continuer à appuyer sur “Snooze” jusqu’à ce que vos compétiteurs vendent même votre propre cadran. Ça n’existe pas.

Par contre, ces bouleversements arrivent avec une bénédiction : la technologie fait en sorte que la barrière à l’entrée pour démarrer et faire grandir une entreprise n’a jamais été plus basse, les outils n’ont jamais été si abordables et plus simples à utiliser, les erreurs n’ont jamais été si peu coûteuses et faciles à corriger tout en continuant d’avancer. Internet vous nuit? Essayez de vous en passer, pour voir!

Les petites entreprises ont maintenant accès à des outils plus puissants que les multinationales il y a 10 ans… et pour une fraction ridicule du prix, de la complexité et des efforts. Il y a donc amplement de balles de plombs disponibles pour abattre la compétition pendant qu’elle fouille au fond de ses poches pour trouver LA balle d’argent.

C’est de ces balles de plombs dont je souhaite parler ici, mais aussi du fait que, dans une industrie qui subit des changements rapides, il est plus important d’apprendre à tirer vite, sans arrêt et à corriger constamment ses erreurs que d’essayer de forger une merveilleuse, coûteuse et mythique balle d’argent.

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Michael Carpentier

J’ai vendu mon agence de marketing numérique pour devenir détaillant et créer une marque. Journal de mes apprentissages, glorieux et/ou humiliants.