Simons, le Amazon du Québec?

Michael Carpentier
3 min readJan 12, 2018

--

L’article « Simons à la croisée des chemins » nous apprend que le détaillant, après avoir ouvert son 15e magasin à grande surface suite à des investissements de +200M$, cherche des partenaires pour financer la mise sur pied d’un centre de distribution, estimée à 125M$.

La construction de ce centre vise à améliorer la capacité de distribution de l’entreprise pour soutenir la croissance des ventes en ligne. On comprend du reste de l’article que le détaillant fait face à des vents contraires et que les décisions à venir sont cruciales. De l’aveu même de M. Simons, les temps sont durs et les capacités financières de l’entreprise ne sont pas suffisantes pour soutenir cet investissement stratégique seul.

Peter Simons étant très préoccupé par l’équité fiscale et la compétition jugée déloyale des géants du Web, on mentionne évidemment la pression subie par Amazon et ses semblables pour justifier le besoin -et même l’urgence- d’agir.

Et si la solution était justement d’emprunter une partie du playbook d’Amazon?

Amazon est une plateforme avant d’être un détaillant

On cite souvent Amazon comme le grand méchant loup responsable de la déroute généralisée du commerce de détail, mais on oublie qu’Amazon, en fait, n’est pas un très bon détaillant.

Hérésie? Voyons voir.

Si on ne considérait que les revenus, dépenses et profits liés au commerce de détail, Amazon serait un géant aux pieds d’argile, peut-être même déjà disparu.

Pour l’année 2016 (la dernière pour laquelle toutes les données sont actuellement disponibles), Amazon a généré des revenus de 136 milliards $. Ses profits de 2,4 milliards $ correspondent donc à une marge nette de 1,76% seulement. C’est très, très faible.

Évidemment, 2,4 milliards de profit, ça reste bien. Mais d’où viennent-ils?

Les ventes au détail en Amérique du Nord génèrent un profit de 2,4 milliards, mais opèrent avec une marge de seulement 3%.

Les ventes internationales? Pertes de 1,3 milliard, marge de -2,9%.

AWS (Amazon Web Service), les services en ligne offerts aux entreprises, rapportent quant à eux 12,2 milliards $, avec une marge de… 25,4%!

En creusant encore davantage, on constate aussi que sur les 136 milliards de revenus d’Amazon, 23 milliards proviennent de commissions, services d’entreposage et logistique offerts à D’AUTRES DÉTAILLANTS qui utilisent ses services (aussi appelé Amazon Fulfillment Services). On peut déduire que cette part des revenus est aussi à forte marge, ne demandant pas d’achats de matière première ou d’inventaire à revendre.

Autrement dit, Amazon est un « détaillant » qui génère la plus grande part de ses profits en louant ses capacités logistiques et technologiques aux autres.

Et Simons dans tout ça?

Je n’ai aucune idée de la stratégie de Simons quant au financement de son centre de distribution, mais je sais que de nombreuses petites, moyennes et même grandes entreprises du Québec bénéficieraient du support d’un « grand frère » capable de fournir, contre paiement, une capacité logistique à la demande pour soutenir leur croissance. Comme Simons, ces entreprises sont à la croisée des chemins.

De plus, Simons jouit d’un rare capital de sympathie et de confiance, utile pour faire tomber les barrières des autres détaillants qui pourraient craindre que celui-ci ne les observe que pour ensuite les remplacer.

Il me semble donc qu’il pourrait y avoir une belle convergence d’intérêts entre Simons et les nombreuses entreprises qui auraient avantage à utiliser ses installations pour grandir, tout en cofinançant la mise sur pied d’un centre de distribution de « classe mondiale » capable de faire concurrence aux meilleurs. Le plus beau dans tout ça, c’est que Simons pourrait ainsi réduire son besoin de financement à long terme auprès d’investisseurs externes ET créer des relations avec de nombreuses marques complémentaires à son offre.

Simons en tant que plateforme logistique pour le commerce électronique au Québec? Je serais surpris que cette possibilité n’ait pas été au moins envisagée. Et curieux de savoir qui d’autre, s’ils ne prennent pas cette place, pourrait le faire.

Lectures complémentaires et références

Amazon cloud revenue soars 42 percent, topping analyst estimates

Amazon Revenues and Profits Analysis — 2017 Update

Amazon revenue soars as cloud, retail businesses dominate

It looks like Amazon would be losing a lot of money if not for AWS

--

--

Michael Carpentier

J’ai vendu mon agence de marketing numérique pour devenir détaillant et créer une marque. Journal de mes apprentissages, glorieux et/ou humiliants.