Biographie tirée de l’ouvrage
“ Le cimetière du Borgel de Tunis Patrimoine en péril ”
Il est considéré comme l’un des rabbins les plus illustres et les plus vénérés de la tradition populaire juive de Tunisie ; il est né à Tunis au milieu du XVIIIe siècle (1743 ou 1760) et mort probablement en 1837.
Haï Taïeb fut enterré dans un premier temps dans l’ancien cimetière de Tunis (avenue Roustan devenue avenue Habib Thameur), mais en 1956, année de l’indépendance de la Tunisie, les dépouilles des rabbins, dont la sienne, furent transférées au nouveau cimetière du Borgel.
Son épitaphe fut alors rectifiée ; celle qui avait été rédigée sur sa tombe dans l’ancien cimetière fut recueillie par Raphaël Arditti, un rabbin d’origine bulgare, qui fut le premier à effectuer la traduction de nombreuses épitaphes de tombes de l’ancien cimetière juif de Tunis*. Ainsi pouvons-nous lire sur la tombe de Haï Taïeb :
« Notre maître et rabbin
Couronnement de la splendeur, Diadème de notre chef
Le grand Rabbi et divin mystique Versé dans la kabbale pratique
Le révéré Rabbi Haï Taïeb Lo Met Année 1836 »
(signature Gozlan)
Pourquoi l’expression Lo Met qui se traduit par « Il n’est pas mort » ? Selon les dires du Rabbin Meir Mazouz, lorsque Haï Taïeb se fut éteint en 1836, un artisan grava sur sa pierre tombale la date de son décès, sans utiliser les euphémismes habituels : « Il a été rappelé à D… » ou « Nous a quittés ». Dans un songe, la nuit venue, il raconta que Haï Taïeb se manifesta à lui, furieux et courroucé en lui disant : « Je m’appelle Haï (vivant) ; je ne peux mourir, corrige mon épitaphe ». Impressionné, l’artisan corrigea l’épitaphe, en y ajoutant la négation « lo », ce qui donna : « Rabbi Itshak Haï Taïeb Lo Met ».
Les générations suivantes surent reconnaître sa stature dans le domaine de la Torah. Très érudit, on lui attribuait des dons de voyance et la capacité de lecture de la pensée chez les autres, une réputation de sainteté, des connaissances cabalistiques, la passion des sciences mystiques (Kabbale), une facilité et du charme dans la parole. Il était particulièrement sollicité pour les cérémonies funèbres et religieuses.
Selon la légende, fils unique, vivant avec sa mère, il étudiait tout seul le Talmud et la Kabbale. Il rédigeait des notes sur des bouts de papier et feuilles éparpillées. Sa mère, voulant mettre de l’ordre dans sa chambre, les brûla. Il en fut très affecté et se mit à boire de la boukha (eau vive tunisienne).
Son livre, Helev Hetiv (« La sève du blé »), comprend des hiddouchim (études inédites) sur la Michna, mais il ne fut pas rédigé de son vivant : le rabbin Yossef Elguez avait recueilli à la mort de Haï Taïeb, tous les restes de ses écrits laissés par lui dans sa chambre ; des corrections y furent apportées et le manuscrit recopié fut remis à ses héritiers.
Soixante ans après la mort de celui- ci, le livre revu par le rabbin Moché Chitrong fut finalement imprimé à Tunis en 1896, à l’imprimerie Sion Uzan, sous le titre Helev Hitim c’est-à-dire : la « sève des blés ».
Il existe de nombreux récits et légendes populaires sur sa personnalité haute en couleur : don de prophétie, aide aux femmes stériles, soutien des pauvres mais ayant une condition personnelle humble. Il provoquait, disait-on, la pluie en période de sécheresse ; il fut vénéré par sa communauté au fil des années. Le 19 Kislev* a lieu la Hilloula (commémoration annuelle) du Rabbin Haï Taïeb dans les synagogues portant son nom tant en Israël qu’en Diaspora.
L’expression Lo Met, rattachée à son nom, l’a consacré sur le long terme dans la culture référentielle judéo-tunisienne ; sa tombe se situe en bonne place dans le carré des rabbins au cimetière du Borgel, justement dénommé « La maison des vivants », Beith ha Haïm.
* Raphael Arditti, « Les épitaphes rabbiniques de l’ancien cimetière de Tunis », dans Revue tunisienne, 1931, 1932.
** Kislev : 3e mois de l’année du calendrier hébraïque, qui, selon les années tombe au mois de novembre ou à celui de décembre.