Pourquoi les émotions devraient faire partie de ta boîte à outils de recruteur

Mélanie Goubet
23 min readJun 2, 2022

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Hey ! Bienvenue ici 😃 Tu fais du recrutement pour le côté humain, toi?

La politesse.

Ah. Tu trouves ça humain d’appeler quelqu’un qui se projetait déjà à fond sur le poste que tu lui proposais pour briser ses espoirs naissants et lui dire que ça ne se fera finalement pas?

Ou parfois d‘oublier de faire un retour à un candidat parce qu’il n’est qu’un parmi tant d’autres?

De faire de la quantité avant la qualité?

Ou encore d’écarter des personnes en quelques secondes sur simple scan (parfois même automatisé) de leurs CVs, sans même leur avoir donné l’occasion de se présenter, et toi d’avoir le temps d’en apprendre un peu plus sur leur histoire?

Soyons honnêtes, le côté humain ne représente pas le gros du métier, loin de là. Statistiquement, dans notre quotidien , on créé plus de déception que de satisfaction. On distribue plus de non que de oui.

Désolée si j’ai heurté ta sensibilité et que je t’ai provoqué une émotion. C’était volontaire.

Même si bienveillance et empathie sont souhaitables, en tant que recruteurs, il nous faut garder une certaine distance au quotidien. Certains d’entre nous s’efforcent ou sont naturellement en posture d’empathie, de conseil candidat voire coaching (et c’est tout à notre honneur 😎) Mais même malgré ça… Le recrutement, c’est forcément créer de la déception, de la frustration.

Moi aussi, j’ai longtemps pensé faire du recrutement et aimer ça pour le côté humain, social.

Et un jour, j’ai reçu ça :

Coeur sur cette personne qui se reconnaîtra, au passage.

Sur le moment, je pense que je n’avais pas compris son message. J’avais encore l’aspect bisounours du métier en tête justement. J’avais mes espoirs de changer des vies, apporter des bonnes nouvelles à tout va, distribuer de la joie, des paillettes et de la bienveillance à foison…

Oim essayant de distribuer du love

Puis, au fil des mois, de différentes expériences et émotions que j’ai vécu, j’ai (déchanté) compris que c’était effectivement parfois une tare d’être trop sensible dans ce métier. Que mes émotions pouvaient me desservir parfois. Mais encore plus souvent me servir!

🚨 Spoiler Alert donc: comme en témoigne cette personne, cet article est écrit par une hypersensible. Alors vive la niaiserie, la bienveillance, les remises en question et tout ce qui est “trop chou”.

Cucu la praline / fleur bleue / trop sensible / bisounours… Voilà comment on peut me qualifier.

Même si je suis peut être idéaliste, j’aime à penser qu’on se trompe tous sur la place des émotions en entreprise, et plus particulièrement dans notre métier de recruteur. Et j’aimerais te donner des pistes de réflexion en ce sens.

Ce que j’aimerais que tu retiennes de cet article, c’est surtout que les émotions devraient faire partie de ta boîte à outils de recruteur. Tu n’as pas à les placer totalement sous silence, ou les catégoriser comme négatives/inappropriées.

Bien entendu, je ne négligerai pas les dangers que représentent les émotions.

Partant du principe qu’environ une dizaine d’émotions nous traversent chaque jour, et qu’on fait un métier dans lequel on est beaucoup en contact avec d’autres êtres humains, on peut difficilement passer à côté dans notre quoidien. Et ça va être plus qu’intéressant de décrypter le rôle des émotions dans notre vie de tous les jours.

PS: 6 émotions se cachent dans cet article! Trouve-les et gagne wallou 🥳

Bonne lecture.

Les émotions ne sont pas les bienvenues dans notre vie professionnelle

Remettons les pendules à l’heure, voulez-vous?

Pour la suite de la lecture, je te propose qu’on repose les bases #LaBase #LaBaseViraleVPN et qu’on soit tous en phase sur ce que sont les émotions. Rapide tour d’horizon sur ce que sont les émotions, donc.

Alors, oui, je ne choisirai que des images mignonnes.

Avant de passer au côté terre-à-terre, scientifique et neurobiologie, — quel étrange dialecte — , la littéraire en moi n’a pas pu s’empêcher d’aller chercher l’étymologie du mot émotion. Voilà ce que ça donne:

Mettre en mouvement… Magnifique 😍 C’est vivant, quoi. C’est pas statique et monotone.

Bon, j’avais promis du terre à terre. Voici donc une définition terre à terre. (De rien)

L’émotion est une expérience psychophysiologique complexe et intense (avec un début brutal et une durée relativement brève) de l’état d’esprit d’un individu animal liée à un objet repérable lorsqu’il réagit aux influences biochimiques (internes) et environnementales (externes). Chez les humains , l’émotion inclut fondamentalement « un comportement physiologique , des comportements expressifs et une conscience. L’émotion est associée à l’ humeur , au tempérament, à la personnalité, à disposition et à la motivation.

La qualité est pas ouf, désolée.

On recense 6 émotions principales, que tu retrouves au centre de cette roue des émotions.

J’ai nommé Joie, Tristesse, Dégoût, Colère, Peur et Surprise.

Il y en a de nombreuses autres qui sont parfois des mix, des nuances partant de chaque émotion principale. Fascinant hein 😍

Même si elles sont naturelles et qu’on en ressent absolument TOUS, notre éducation, culture, ou encore la société peuvent nous empêcher de ressentir ou d’écouter nos émotions. Celles-ci sont parfois considérées comme non conformes ou connotées de faiblesse.

EMOTION SPOTTED: La tristesse.

Sois professionnel stp

Il y a 30 ans, exprimer ses émotions en entreprise aurait été impensable. Il était par contre possible d’exprimer, dans une certaine mesure, des sentiments positifs comme la joie ou l’enthousiasme.

Les émotions négatives doivent elles être laissées à l’écart: difficile dans un cadre de travail, où chacun a ses opinions, sa façon de voir les choses, mais aussi son ressenti. Qu’est ce qu’on s’en fiche que Monique ait perdu son chat et qu’elle soit chagrinée? C’est gênant. Il faut qu’elle gère ça en privé.

On ne prend pas au sérieux les émotions. On a tendance à considérer qu‘elles n’ont rien à faire dans le monde de l’entreprise. C’est tabou. On préfère les étouffer.

Si bien que, je ne sais pas toi, mais il m’arrive de traverser des périodes vraiment pas cools. Et quand les collègues arrivent « ça va, tu vas bien? Tu as passé un bon week-end? » Je mets mon (double) masque et je ne réponds quasiment jamais autrement que par l’affirmative, « ça va 🤥 ». Je pense que je suis loin d’être la seule à faire ça, pas vrai?

Puisqu’une image vaut mieux que 1000 mots:

C’est quel genre de recherche sérieux?

On veut à tout prix cacher nos émotions au travail. Des articles sur le sujet sur CoMmEnT gErEr sEs EmOtIoNs aU TrAvAiL 🤡, il y en a à foison. Je trouve ça triste.

Même plus généralement, on nous apprend à porter un masque en société et ne pas montrer ce qu’on ressent. Aussi loin que je me souvienne, j’ai tout fait pour rentrer dans le moule. Et aujourd’hui j’en paye les frais. Je n’arrive pas encore à être 100% moi-même en société.

Vu qu’on forme des copies conformes
Qui ne pensent qu’à leur petit confort
Vu qu’on forme des copies conformes
Qui ne pensent qu’à leur petit confort
Je ne vois plus que des clones, ça a commencé à l’école
À qui tu donnes de l’épaule pour t’en sortir?
Ici, tout le monde joue des rôles en rêvant du million d’euros
(Nique les clones)

Petit entracte musical sympa. Jtm nenek.

Les émotions ne sont pas les bienvenues au travail aussi parce que c’est difficile de leur donner une place : pour exprimer ses émotions, encore faut-il être capable de les identifier. Moins on est conscient de ses émotions, plus ce sont elles qui nous gouvernent. 🥴 Si tu m’as bien suivie, on est dans un bon gros cercle vicieux, ou dans inception, là.

Gare aux émotions

Entendons-nous bien, il ne faut pas tomber dans un discours trop radical. Les émotions ne doivent pas non plus être notre seul guide. Comme dirait Mark Manson:

« Tu sais qui compte exclusivement sur ses émotions ? Les gosses de trois ans. Et les chiens. Tu sais ce que font les bambins et les clébards ? Caca par terre. »

Photo by Picsea on Unsplash. Y’avait pas le trio chien/bébé/caca, et heureusement.

Pour lui, les émotions, c’est surfait. Il faut être conscient que si les émotions font partie de l’équation de notre vie, elles n’en sont pas non plus l’entière équation.

Les émotions sont également passagères: ce qui nous rend heureux aujourd’hui peut ne plus nous faire aucun effet demain. Tout simplement parce qu’on a toujours besoin de plus, d’autre chose.

Un autre danger principal des émotions réside dans ce qu’on appelle les biais émotionnels. Un biais émotionnel, c’est une réaction émotionnelle à une situation ou à une information qui peut perturber la prise de décision.

Une personne sera ainsi encline à croire une chose qui procure un sentiment agréable, ou à rejeter des réalités désagréables. Et ce, même s’il existe des preuves rationnelles du contraire.

Photo by Marija Zaric on Unsplash

C’est d’ailleurs ce qui explique que les « fake news » sont relayées en moyenne 6x plus qu’une vraie nouvelle. Ce sont souvent des titres qui suscitent des émotions fortes: colère, indignation, surprise, dégoût… Elles deviennent plus facilement virales que les vraies nouvelles qui, elles, suscitent des émotions plus neutres.

Les émotions sont également le meilleur levier de nos fameux biais cognitifs en entretien. Quelques exemples qui vont sûrement te parler (il y en a de nombreux autres)

  • Le biais de confirmation ou « effet de halo »: On a eu une bonne impression d’un candidat. On va rechercher des informations confirmant nos idées préconçues, nos hypothèses. Cela peut nous amener à interpréter certaines informations dans son sens, par exemple en minimisant une lacune du candidat.
  • Le biais de projection : Il ressemble un peu au biais de confirmation, on va avoir tendance à être attiré par ceux qui partagent nos valeurs, nos pensées, nos états psychologiques.
  • L’effet d’ancrage mental : On ne se détache pas de l’émotion ressentie lors de la première impression, qu’elle soit positive ou négative.

Enfin, contrairement à ce qu’on pourrait penser naturellement, ce sont les émotions positives qui sont les plus dangereuses. Surtout dans nos métiers de recruteurs. Ces émotions positives cachent parfois une projection de soi-même ou des personnes, choses que l’on aime bien. Attention donc aux élans d’enthousiasme et aux coups de cœur pour un candidat !

Photo by MIKHAIL VASILYEV on Unsplash / Aka ma principale faiblesse en termes de biais: la passion commune des chats. Parlez-moi de chat et je ne réponds plus de rien.

Et pourtant…

Si l’on revient un peu sur la définition première des émotions, tu vas voir qu’elles ont une réelle utilité, que ce soit pour nous protéger, nous envoyer des signaux, kiffer notre life, nous créer des souvenirs ou nous aider à prendre une décision.

Pourquoi les émotions sont essentielles

Le travail des scientifiques nous aide aujourd’hui à comprendre que les émotions ne sont ni bonnes ni mauvaises: elles sont.

L’émotion, c’est notre cerveau qui nous dit : « réagis » avec un signal qui dure quelques secondes. Rejeter l’émotion, ce serait donc continuer à avancer sur une route sans tenir compte de la signalisation, courir tous les dangers, jusqu’à risquer l’accident.

On n’aurait pas qu’un seul cerveau. Mais 3. On a des neurones dans notre ventre, notre tête et notre coeur.

Photo by Hello I'm Nik on Unsplash

Je vais encore citer notre très cher Mark Manson (MAAARC) qui nous dit qu’on nous a appris à réprimer nos émotions — particulièrement les émotions négatives — et que ce n’est pas une bonne chose. Être dans le déni de celles-ci, c’est aussi s’interdire d’entrer dans le mécanisme de résolution de problèmes. Tourner en rond, et non pas e movere, être en mouvement, quoi 😃

Je t’aime, Mark.

Les émotions restent des suggestions neuro biologiques, pas des commandements. On ne doit pas toujours s’y fier, donc. Il faut plutôt prendre l’habitude de les écouter et questionner.

Depuis la nuit des temps, les émotions fondent notre capacité d’adaptation au monde qui nous entoure, nous presse, nous perturbe ou nous réjouit. L’évolution les a ancrées profondément dans les méandres de notre cerveau, car elles ont permis à l’Homme d’améliorer ses capacités de survie. Et ce n’est pas Charles Darwin qui nous dira le contraire, avec ses travaux avant-gardistes sur le sujet dont son ouvrage L’expression des émotions chez l’homme et l’animal.

Les émotions colorent notre vie

Sans elles, la vie serait un film en noir et blanc. Pas un cauchemar, mais plutôt un long fleuve infiniment tranquille, lisse et terriblement dangereux. Les émotions donnent de la couleur à nos vies.

Parlons souvenirs. Si je te demande de te replonger dans un souvenir d’enfance, qu’il soit positif ou négatif, les souvenirs qu’il te reste sont tous marqués par une émotion.

Le premier qui me vient spontanément: en CE1, la première fois que j’ai reçu un mot de la part d’un CE2 « Tu veux te marier avec moi? Coche oui ou non » Spoiler alert: je n’ai pas ressenti de la joie. J’ai monstrueusement flippé, j’ai eu des nausées et je suis allé me cacher dans les toilettes pour ne plus voir la personne en question. J’ai même demandé à mes parents de déménager. Encore désolée, Allan.

Photo by Giselle Lazcano on Unsplash

EMOTION SPOTTED: La peur.

Tout ça pour dire que les souvenirs neutres émotionnellement s’enracinent moins profondément dans la mémoire et participent moins à l’élaboration de la personnalité. Les émotions sont aussi essentielles dans la construction de nos souvenirs et de notre identité.

Fun fact (ou pas): si on me demandait en mariage aujourd’hui, j’aurais probablement la même réaction. La peur et la fuite. Ça fait bel et bien partie de moi, de mon identité.

Enfin, les émotions sont nécessaires pour créer de vrais liens. Personnellement, j’ai un gros faible pour la vulnérabilité. Je la trouve belle. Les relations les plus fortes que j’ai avec des personnes sont celles ou on se dévoile entièrement, on a le courage de s’exposer dans toute sa vulnérabilité, nous montrer sous notre vrai jour et faire tomber le masque.🎭

Emotions et prise de décision

Choisir un plat au restaurant, accepter ou non une invitation à dîner, arbitrer entre le train et l’avion pour partir en vacances, choisir un appartement, voter… Dans de nombreuses situations de la vie courante, utiliser ses émotions pour prendre une décision semble évident. Qui peut affirmer que, dans chacune de ces circonstances, il se livre à une analyse purement rationnelle des différentes options proposées et fait son choix en connaissance de cause ? Même pas Mac Lesggy je pense.

Photo by Jon Tyson on Unsplash

Pour le neurologue Antonio Damasio, raison et émotion ne s’opposent pas. Il considère que les processus émotionnels influencent significativement la prise de décision par le biais de marqueurs somatiques, qui sont formés des traces biologiques de nos expériences émotionnelles passées.
Autrement dit : lorsqu’on prend des décisions, on a un système qui amène les émotions dans un autre système. Si on déconnecte ces 2 systèmes, on ne peut pas prendre de décisions rationnelles.

Si on réfléchit business, les émotions aident à la prise de décision, que ce soit pour le professionnel (aka le recruteur) ou le client (aka le candidat). Mais ça, on va pouvoir le découvrir en détail un peu plus bas.

Plus généralement, aujourd’hui, tu l’as sûrement remarqué, les marques misent sur l’émotion pour capter leurs cibles. C’est vrai dans la publicité (on a tous une pub qui nous a marqué parce qu’elle nous a fait ressentir quelque chose: nostalgie, rire, surprise, envie…) On parle de marketing émotionnel : tisser un lien émotionnel avec un client ou prospect.

La première qui m’est spontanément revenue.

De même, pas de bon storytelling sans émotions. Si un message ne nous fait pas ressentir quelque chose, il est peu probable que nous agirons en conséquence. Nous pouvons considérer les émotions comme des lignes directrices pour chaque décision, sans lesquelles il n’y aurait pas d’action de consommation.

Les émotions ont leur place dans le monde du travail

Pour mieux comprendre le secret des équipes efficaces, Google a lancé en 2012 le « projet Aristote ».

“Ok Google, prouve-nous que les émotions sont importantes dans le monde du travail”

Cette étude a porté sur 180 équipes de Google dont l’efficacité fut évaluée par divers intervenants internes. Si les paramètres portant sur les membres de l’équipe (données démographiques et personnalités) n’ont pas mis à jour de facteurs discriminants, c’est le regard systémique et dynamique (fonctionnement de l’équipe, climat psychologique) qui a permis d’identifier ce qui fait la différence. Les conclusions de l’étude montrent que le premier facteur associé à la performance d’une équipe est le suivant:

Suspense…

La sécurité psychologique.

C’est la sécurité psychologique qui fait qu’une équipe fonctionne au mieux. Qu’entend-on sous ce terme? L’ouverture à parler de ses émotions, admettre les erreurs, partager des moments de gêne ou problèmes personnels. On fête les victoires, on s’épaule, on s’entraide… Bref, on est dans un environnement serein où on peut dire les choses.

Source : [Projet Aristote : les cinq clés des équipes gagnantes selon Google | Viuz](https://viuz.com/2016/03/04/projet-aristote-les-cinq-cles-des-equipes-gagnantes-selon-google/)

Et puisqu’une image vaut mieux que 1000 mots, encore une fois, je te laisse méditer là-dessus un peu…

Poste d’Ingénieur Commercial

Ou encore

Poste de manager de BU

EMOTION SPOTTED: La surprise.

Tu l’as? La fameuse intelligence émotionnelle… Elle est donc recherchée !

Qu’est-ce que ça veut dire?

Les entreprises seraient-elles finalement preneuses et ouvertes à reconnaître que les émotions ont leur place et sont même un atout professionnellement? On dirait.

La capacité à faire preuve d’empathie, déchiffrer ses émotions et les émotions de ses collègues/clients/fournisseurs/prospects/prestataires/managers/ chiens/ chats je m’égare. S’adapter à son interlocuteur et au changement… Autant de qualités recherchées.

On y arrive. Les émotions dans notre métier de recruteur.

Et concrètement, où les émotions peuvent me servir dans le recrutement alors?

D’abord, il faut savoir que les émotions dans le recrutement, ça divise. J’ai sondé sur LinkedIn des recruteurs pour savoir si selon eux les émotions sont une force ou une faiblesse. Et force est de constater que c’est assez partagé.

Pour ceux qui sont plus chiffres que pourcentages, ça donne : 92 / 36 / 31 / 10.

Dans les réactions, il y a ceux qui ont directement les signaux d’alarme : émotion = biais. Biais = recrutement au feeling. Effectivement, il y a un risque. Surtout si on a pas l’habitude d’accueillir et questionner ses émotions, en fait 😉

Mais plus globalement, j’ai été plutôt contente de voir que de nombreux recruteurs trouvent quand même qu’il s’agit d’une force et d’une vraie qualité.

Ce qui est beaucoup revenu, c’est le côté “nous sommes tous humains”, créer de l’émotion positive dans son process/ dans sa relation avec le candidat.

D’ailleurs, le débat n’est absolument pas fermé, il est plus ouvert que jamais, j’ai hâte d’avoir vos ressentis et avis en commentaire de cet article.

Mais revenons en à nos émotions dans le recrutement.

La place des émotions dans le recrutement

Un peu de re contextualisation. Où en est-on des tendances recrutement?
Exit le modèle de recrutement basé sur la productivité et les compétences techniques hérité de l’ère industrielle, où les employés devaient effectuer des tâches répétitives bien précises.

Je fais volontairement une énorme ellipse: aujourd’hui, on est davantage centré sur une personne pour tout ce qu’elle représente(ra), autant ses compétences techniques mais aussi son état d’esprit, ses qualités relationnelles, ses soft skills et capacités d’adaptation, le fit à l’entreprise et à la culture…

Être recruteur, ce n’est pas seulement utiliser des recherches booléennes, trier des CVs, contacter des candidats et parler avec des managers. C’est aussi entretenir des relations avec toutes les parties, sur le long terme. Peut-on avoir du long terme viable sans émotion?

Maintenant que c’est dit, plongeons-nous dans le process de recrutement avec quelques exemples pour comprendre où les émotions surviennent et sont utiles.

Gracieusement piquée à LEDR.
  • Le brief avec le manager/client: Parfois, on peut bondir devant certains critères. Bouillir intérieurement, être surpris. Et là, l’émotion qui prend le dessus doit nous guider pour challenger notre interlocuteur sur ses critères et exigences parfois infondées ou illusoires. De même, si tu ressors d’un brief pas serein pour ta recherche, il a forcément manqué quelque chose. Pour terminer sur une note positive, il y a bien sûr aussi ces personnes avec qui on est contents de travailler 😃
  • La rédaction d’annonce: C’est un moment charnière où on rassemble toute notre empathie pour faire le persona de notre candidat. Qui est-il? Que veut-il? Que ne veut-il pas? Comment le toucher?
  • Le sourcing: Ahhh, ces journées de sourcing. Je passe par plein d’émotions. Quand je trouve de nouvelles pistes à explorer et tout plein de super profils… Ou au contraire quand je n’ai plus aucune idée de comment trouver d’autres candidats. Quand je traverse le désert du candidat. Beaucoup d’adrénaline et d’émotions qui doivent te servir de moteur pour rebondir et toujours faire mieux. La curiosité aussi, qui est à la fois une qualité et émotion qui te permet d’être en veille et en recherche permanente de nouveautés.
  • L’approche: Pas d’approche sans au moins un peu d’émotion. C’est quand même là que tu passes en mode séduction. Ce n’est pas pour rien qu’on parle de personnalisation. Les personnes ont envie de savoir qu’elles comptent, et qu’elles sont uniques. Et c’est là que l’émotion va faire la différence entre plusieurs recruteurs. Tout comme certaines publicités nous marquent, certains recruteurs et certaines plumes vont marquer les candidats et attirer leur attention.
  • La pré qualification: À partir du moment où on entend la voix d’une personne, quelque chose se passe. On arrive à s’imaginer si la personne est plutôt enjouée de nous avoir en ligne, neutre, stressée, ou encore (ça arrive) un peu soulée. Au delà du discours, on découvre un début de personnalité.
  • Les entretiens: Alors là, tu es en droit de me dire « non mais quelle place peut avoir l’émotion dans un entretien structuré? » C’est vrai. Le principe est d’avoir une évaluation objective et commune de tous les candidats. Donc c’est un peu le moment du process ou on doit avoir le moins recours à nos émotions pour éviter les biais. Justement. On doit être attentif à ce qu’il se passe. Ce qu’on ressent, le questionner pour rester sur les critères techniques et rationnels, pas sur l’affect. On doit aussi être attentif aux émotions du candidat.
  • La proposition: Côté émotions, c’est un peu quitte ou double, là. Soit c’est la teuf, soit c’est un peu la déprime. Parfois l’attente aussi est compliquée et on retrouve de l’appréhension.
  • Le vivier: je considère qu’il n’y a pas un minimum de vivier sans émotion. Une certaine relation s’est nouée avec les candidats que tu gardes en vivier, ceux avec qui tu reste en contact même après plusieurs années. Tu as mis de la qualité dans tes échanges, sans penser immédiatement à closer un deal, mais plutôt sur le long terme.

Tous ces florilèges d’émotions (dont la liste n’est pas exhaustive) ne sont-ils pas la manifestation de notre passion et dévouement? Plus largement, les émotions vont aussi avoir un impact significatif sur notre motivation.

En recrutement, on connaît tous des moments un peu down. Mais on s’accroche! Et on s’améliore de jour en jour.

Un compte sympa à suivre sur Twitter qui partage les émotions par lesquelles on passe dans notre quotidien. C’est cadeau.

Paroles de recruteurs

Merci aux recruteurs qui m’ont fait part de leur témoignage! C’est super d’avoir des exemples concrets. Je te les partage.

Témoignage #1: Les émotions à utiliser avec prudence et parcimonie

« J’essaye au maximum de rester neutre dans chacun de mes process. Je suis aussi bienveillante et à l’écoute que possible mais il faut être honnête, la situation actuelle est très particulière et je ne compte plus le nombre de candidats en détresse avec qui j’ai pu échanger. Mon petit cœur de beurre se tord plusieurs fois par jour alors j’essaye de comprendre et d’accompagner au mieux ces candidats lorsque le poste que nous avons à leur proposer n’est pas le bon pour eux, mais je ne peux pas écouter mes émotions, cela ne rendrait service à personne. Alors savoir les gérer et dealer avec oui, mais piano piano, au risque de prendre de mauvaises décisions. »

Est-ce que j’ai un biais de projection en lisant ce témoignage d’une recruteuse au coeur tout mou comme moi? Oui. Oops! Mais plus sérieusement, elle souligne un point important: on peut être un chou à la crème de recruteuse et rester maîtresse de ses émotions et décisions.

Témoignage #2 : Quand tu te bats pour un candidat

Encore gracieusement volée à LEDR.

« Si tu mets pas d’émotion dans le recrutement, imaginons, demain, tu as un hiring manager qui te dit « non, on ne le recrute pas », bah tu t’arrêtes là. Si t’as de l’émotion par contre, ton candidat, tu vas te battre, tu vas tout faire pour challenger le manager et faire en sorte qu’il reste dans la course, tu vas être pris de passion et tout donner. En tous cas, moi, je le vois comme ça. »

Ou quand les émotions deviennent un moteur et nous donnent des ailes.

Témoignage #3 : Gérer ses émotions en tant que recruteur

« Partons déjà du postulat que nous sommes… HUMAINS et même dans le milieu pro nous conservons une spontanéité émotionnelle. Avoir de l’émotion est donc une réaction quasi inévitable par contre le sujet c’est Arrivons nous à la maîtriser ! Pour justement conserver un discernement dans l’analyse du contexte recrutement.
Un recruteur n’est pas une machine automate dépourvus d’émotion et de sentiment. En revanche, il nous faut prendre de la distance et prendre de la hauteur pour rester objectif dans l’analyse du profil etc. Il m’est arrivée de réaliser un entretien avec une jeune candidate dont les compétences n’étaient pas solides au regard du poste vacant. Cependant cette jeune candidate m’a renvoyé quelque chose de très personnelle et j’ai dû serrer les dents tout au long de l’entretien pour ne pas me laisser envahir par l’émotion. Il a bien été dur de prendre une décision objective. Je me suis donc rapprochée de la base à savoir : le cahier des charges, les compétences ou compétences transférables et l’analyse perspective du profil au sein de l’organisation. »

Encore une fois, ce témoignage nous montre que si on peut être sensible et pris d’émotions, lorsqu’on revient sur nos critères et notre rationnalité, on arrive à prendre la bonne décision.

Et côté candidats?

Les émotions jouent un rôle côté candidat; elles influencent la décision d’un candidat de répondre à un message, de réagir à notre offre d’emploi, d’avoir envie de continuer le process ou d’accepter notre proposition.

Plus largement, l’émotion n’est-elle pas la pierre angulaire de l’expérience candidat finalement? On en a parlé plus haut, mais cette capacité que doivent avoir les recruteurs à se mettre à la place des candidats pour une expérience la meilleure possible est un must have.

Au cours d’un entretien, il faut être à l’écoute des signaux que renvoie un candidat stressé par exemple, de son langage corporel, pour savoir si on va avoir besoin de le rassurer.

Bon, après je me calme sur les mentions LEDR. On va croire que je fayote.

Toujours garder en mémoire que le candidat s’implique et s’engage émotionnellement dans notre process de recrutement, il se projette. Et on a affaire à un humain (oui, oui)!

Les émotions et l’empathie sont donc de mise pour nous remettre sur un niveau d’égalité. Il y a déjà un tel fossé entre recruteurs et candidats, on ne doit pas hésiter à donner aussi de notre vraie personne pour être sur un pied d’égalité. On ne peut pas rester hermétique et de marbre.

Bonus: témoignage d’une recruteuse hypersensible

Tu n’y échapperas pas. (Sauf si tu scroll 5 fois, je suis sympa, je te donne un échappatoire) Avant de te laisser, j’ai aussi mon petit témoignage que je tenais à t’apporter.

Photo by Liudmyla Denysiuk on Unsplash

Comme je l’ai dit, je suis arrivée dans le recrutement pour le côté humain, social, contact… Et sûrement avec beaucoup d’illusions, donc.

Il faut savoir que l’hypersensibilité (qui est devenu un tel buzz word, -the maux/mot des influenceuses-, du coup je n’ose plus trop l’utiliser) c’est à la fois une bénédiction et un enfer. Au quotidien, je pense tout le temps. J’analyse chaque parole, chaque mot. Je ressasse beaucoup. Je sur interprète aussi, parfois. Et surtout, je me remets continuellement en question.

Mais, et ce qui est intéressant dans le recrutement, c’est que j’ai une empathie surdéveloppée, et que je ressens tout puissance 1000. Toutes mes émotions, je les vis à fond. Mais souviens-toi, j’ai aussi un masque (bon peut être plus trop maintenant que tu me lis). Mais en général, j’arrive à ne pas le montrer. Je souffre intérieurement on va dire.

Alors forcément, ma nature hypersensible fait qu’avec les candidats, je m’implique émotionnellement que je le veuille ou non. Je ressens tout, et c’est pas facile. Le stress, sa peur, sa déception parfois. Mais ça m’aide!

Mes émotions sont à mon sens les signaux d’alertes issus de mes propres valeurs.

Photo by Amy Reed on Unsplash

Avec bientôt 3 ans d’expérience dans le recrutement, j’ai déjà pas mal d’anecdotes, positives comme négatives. En voici des un peu moins cools mais qui ont le mérite d’être devenues des leçons.

  • J’ai été contrainte décarter une candidate pour de très mauvaises raisons alors qu’on lui avait déjà donné un oui. Je ne voulais pas le faire. Et le fait que ça me rende littéralement malade de le faire, c’était un signal de mon corps pour me dire « ce que tu fais, c’est pas bien. » Même si je le savais, ça a tellement ancré cette mauvaise expérience, que je me suis jurée que jamais plus on ne m’y reprendrai. Peu importe ce que je risque.

EMOTION SPOTTED : une bonne grosse colère mêlée à un profond dégoût.

  • Quand j’étais sourceuse IT, j’ai une fois reçu une insulte d’un développeur. C’était en 2018, et un mail d’environ 10 lignes dont je me souviens de chaque mot. C’est aussi ça, l’hypersensibilité. Heureusement, ce genre d’inconvenances c’est plutôt rare par rapport au reste de mon expérience. Mais finalement, ça m’a permis de me remettre en question tout en me mettant à sa place; j’ai essayé de comprendre ce qui l’avait amené à m’envoyer ce mail.
  • J’ai aussi en moi une constante dualité : contenter à la fois les hiring managers et les candidats. C’est souvent schizophrénique et compliqué, je voudrais être 100% transparente avec chaque candidat alors que, de l’autre côté, on me demande de « tempérer ». Je vais te donner un exemple parlant: les Poulidor. Ces deuxièmes candidats préférés, qu’on doit souvent faire patienter « au cas où » 🤡 ,une fois qu’on a fait la proposition à l’élu, le premier candidat. En attendant d’avoir son retour. Je déteste faire ça. Je sais que ça fait partie du métier, mais je n’aime pas ça.

EMOTION SPOTTED: le dégoût.

Bref.
  • Pour terminer sur une note plus positive, je peux citer ces petits plaisirs du quotidien que sont recevoir des nouvelles de candidats avec qui j’avais pu nouer une relation de confiance, et ce même s’ils n’ont pas intégré le poste pour lequel nous avions échangé.

Je pense que nos émotions sont fondamentalement liées à notre personnalité, nos valeurs et notre humanité la plus profonde. La qualité de l’expérience qu’on propose au candidat va dépendre aussi de tout ça.

Les émotions nous servent aussi à ne plus reproduire les mêmes erreurs et à se battre pour ce qu’on croit, ce qu’on ressent être bien. Quitte à déplaire. Et c’est là que l’une de mes meilleures amies, aka la communication non violente intervient.

La communication non violente, c’est, entre autre, faire comprendre ce qu’on ressent, sans incriminer qui que ce soit. Préférer le « je » pour exprimer son ressenti personnel au « tu » accusateur. Elle est très importante quand vient le moment de gérer ses émotions. Je t’invite à lire cet article sur le sujet si ça t’intéresse : [https://etre-optimiste.fr/les-regles-d-or-de-la-communication-non-violente/](%22)

Quant à cet article, je le terminerai en disant qu’il n’y a rien de plus puissant au monde que les émotions humaines. L’amour et la peur sont nos principales motivations dans la vie. Elles nous font sortir de notre zone de confort par amour (déménager dans une autre partie du monde par exemple) ou, par peur, rester dans cette zone de confort (rester dans un seul emploi ou une seule ville). Les émotions nous guident et sont un ingrédient nécessaire à la quasi-totalité des décisions que nous prenons dans notre vie.

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Quoi qu’il arrive, vous ne pourrez pas faire sans, donc. Les émotions font, que vous vous en rendiez compte ou non, déjà partie de votre boîte à outils de recruteur. A échelle variable selon les individus. Mais il faut les accueillir, les apprivoiser et essayer de les comprendre. Elles peuvent être une vraie force, et sont aussi une des preuves tangibles qu’on est passionnés par notre métier.

J’ai juste envie de vous amener à vous poser et identifier ces moments où vos émotions vous ont aidé dans votre métier. Où vous en avez tiré des leçons. Et le must, ce serait que vous vous autorisiez à recruter avec émotion. Ou du moins saupoudrer votre process de recrutement avec quelques émotions par-ci, par-là 🥰 Mais ça, c’est mon côté idéaliste qui refait surface.

Sur ce, je vous laisse ici avec cette jolie citation et un bon son des 80’s en vous remerciant de m’avoir lue. N’oubliez surtout pas d’ouvrir vos chakras à la page émotion!

Nous appellerons émotion une chute brusque de la conscience dans le magique. Jean-Paul Sartre / Esquisse d’une théorie des émotions

I am hiiiiigh on emotion

EMOTION SPOTTED: la joie de t’avoir partagé tout ça :)

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