Nuit Noire, de Mona Di Orio.

sophie normand
3 min readDec 8, 2014

Il y a longtemps que le fameux Nuit Noire de Mona di Orio m’intriguait, ayant lu de très bons avis sur auparfum.com, à la différence de ceux de Luca Turin, qui dans son guide, assassine toutes ses créations. Je trouve ça curieux, car en effet, sans avoir testé de manière approfondie tous les parfums de Mona di Orio, la plupart semblent empreints d’une vraie personnalité, à l’instar de ce Nuit Noire. Je crois que Jeanne d’au parfum le décrivait comme “tout droit sorti du laboratoire d’Aimé Guerlain” et c’est en effet la sensation que cette création donne: de la densité, de la complexité et de belles matières premières associées à quelque chose d’animal. Une aura d’antan en quelque sorte.

Cette animalité saute d’ailleurs au nez dès les premières minutes lorsqu’on vaporise le parfum. Cette impression un peu “violente” m’avait d’ailleurs plus marquée sur touche, car elle se fait plutôt furtive sur peau. Certes le parfum garde cette dimension animale tout au long de son évolution, mais les premières notes sont un peu “criardes”, acides, et peuvent surprendre, d’autant plus qu’elles laissent percevoir la présence de civette (ou un équivalent moderne) dans la composition. Le départ est pour le moins original, avec sa dose d’agrumes articulés autour de la fleur d’oranger. Mais c’est une fleur d’oranger sombre et animale, qui se dessine, et dont les couleurs peuvent rappeler le mythique Narcisse Noir dans sa vision de cette fleur, habituellement traitée plus innocemment. Une fleur d’oranger troublante, dont les sombres volutes sont relevées de l’indol du jasmin (cette molécule très animale naturellement présente dans la fleur).

La cardamome vient annoncer la dimension épicée du parfum, qui finit d’achever cette sensation un peu violente des notes de tête. Mais ce sentiment s’estompe plutôt vite finalement, tandis que la fleur d’oranger continue de s’imposer au coeur de l’évolution du parfum.

Cet élément central est d’ailleurs bien choisi puisque Nuit Noire, (outre un hommage à Serge Lutens) se veut aussi une ôde aux nuits tunisiennes. En effet, passées les notes de tête, la fleur d’oranger domine toujours mais s’accompagne d’autres fleurs blanches, (jasmin, on l’a vu, mais aussi tubéreuse). A ce stade, le parfum s’adoucit nettement, pour laisser place à une texture veloutée, toute en rondeur, féminine à souhait. Des épices viennent tout de même troubler cette sensation de douceur, notamment le clou de girofle, qui pourrait presque évoquer l’oeillet ici, contribuant à apporter ce charme un peu vintage au parfum. D’autres épices relèvent un peu le coeur, comme la cannelle, poussée par l’encens, qui apportent cette dimension orientale, d’autant plus qu’ils s’associent peu à peu à une facette boisée. Sur ma peau le cèdre est très affirmé au côté de la fleur d’oranger, mais on note également du santal dans la composition. Tout ce coeur dense donne quelque chose d’à la fois doux et chaud, toujours empreint de cette touche animale qui s’étire sur le fond. Malheureusement sur ma peau je ne distingue pas trop l’accord ambré promis dans les notes de fond, mais en revanche je sens nettement un fond très musqué et intensément charnel. Si la fêve tonka est présente, les notes cuirées ne s’affirment pas vraiment non plus, tandis que persiste longtemps, très longtemps, cette base musquée, animale, dans la veine des grands classiques du début du siècle. En effet Nuit Noire tient très bien, en plus d’un sillage enveloppant. Un beau parfum en somme, doté d’une belle évolution, d’un caractère certain, qui peut plaire ou déplaire mais pas laisser indifférent. A noter que si Mona Di Orio consacre ici un hommage à Serge Lutens, c’est avec Edmond Roudnitsa qu’elle a fait ses classes. Vous pouvez notamment découvrir la totalité de ses créations à la boutique Marie Antoinette, dans le Marais, place Sainte Catherine.

Originally published at mybluehour.blogspot.fr on December 8, 2014.

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sophie normand

Blogueuse, rédactrice et formatrice Parfums. Conseil personnalisé pour élaborer votre signature olfactive.