Vers une Cyberguerre au coeur de la Démocratie ?

Nicolas Chagny
4 min readNov 29, 2018

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J’intervenais ce mercredi 28 novembre à la Bibliothèque Polonaise de Paris, dans le cadre de l’exposition « 100 Ans entre Guerre et Paix », organisée dans le cadre de DRAW. Aux côtés d’Odile Ambry, présidente d’honneur de l’Internet Society France et co-fondatrice de l’initiative E-Bastille, et de Thomas Huchon, réalisateur et journaliste pour Spicee.

Vous avez dit Consensus ?

L’Internet Society est une ONG internationale présente dans plus de 100 pays.

Notre objectif premier : protéger les utilisateurs d’Internet.

La présence internationale et la puissance de l’Internet Society réside dans son réseau de chapitres locaux, indépendants, dont l’Internet Society France fait parti.

Parmi nos missions, nous incitons les pouvoirs publics et internationaux à pousser et promouvoir le modèle multi parties prenantes. La complexité d’Internet, mais aussi ses origines ont nécessité une nouvelle forme d’organisation. Une organisation qui s’est créée avec Internet, et qui s’auto-gère, dans un équilibre particulier entre États, Société civile et Acteurs privés.

Pour exemple, la task force d’ingénieurs, l’IETF, dont l’Internet Society héberge les activités. Cela ferait pâlir tous les parlements des démocraties du monde : les normes Internet, les RFC, sont conçues sous la haute loi du « consensus approximatif ». Il y a consensus quand le président du groupe de travail estime que le consensus est atteint.

Cela paraît soit fou soit utopique, mais cela relie aujourd’hui plus de 4 milliards d’internautes dans le monde.

100 Ans entre Guerre et Paix

Dans cette exposition, Sophie Lanoë et Corinne Pulicani (Nextday!) ont justement réussi à faire le liant ou le grand écart, entre guerre et paix, entre outils historiques et nouveaux outils numériques.

Laura et Sabyl révèlent leur correspondance, tantôt sur papier, sur iPad, ou sur mobile, mêlant mail, sms, et notifications.

Les malicieux montages photographiques des soeurs Chevalme pourraient nous faire croire à une vraie fake news.

Et Dani nous montre comment le numérique fait parti du quotidien du soldat d’aujourd’hui, comme une arme stratégique, ou comme un outil magique qui fait le lien avec les êtres aimés, jusque sur les champs de guerre les plus archaïques.

Cyberguerre, es-tu là ?

Puisque l’on parle de guerre, risque-t-on une Cyberguerre… ? C’est la question posée par Corinne Pulicani.

C’est le bon moment puisque l’on fête cette année les 30 ans de Morris. Morris c’est le nom du premier ver informatique. Il avait paralysé 6000 ordinateurs, soit 10% du parc connecté à Internet en 1988.

Si Cyberguerre il y a, les formes en seront sans aucun doute multiples. Mais nous y sommes déjà… La France reconnaît depuis quelques années le Cyber comme une arme de guerre et l’a totalement intégrée aux doctrines du Ministère de la Défense. Nous avons deja 3000 cybercombattants en France et 1000 de plus seront recrutés avant 2025 selon la Ministre des Armées. Loin de 7000 aux US, qui vont tripler dans les années qui viennent.

Cyberguerre, entre qui ?

William Audureau, journaliste au Monde, rappelait récemment que certaines plateformes numériques s’apparentaient presque à la définition d’Etat.

Prenez Facebook : une juridiction à part entière via ses conditions générales d’utilisation, une présence dans de multiples territoires et une population massive de 2 milliards d’utilisateurs… dont la moitié sont accrocs quotidiennement au réseau.

Les futures Cyberguerres auront-elles donc lieu entre États, entre États et Plateformes, entre Utilisateurs et Plateformes ou entre Utilisateurs.

Une question pas si anodine que cela quand l’Appel de Paris du 12 novembre pour la confiance et la sécurité dans le cyberespace, est signé autant par des Etats, par des ONG que par des grandes entreprises privées.

Signé, entre autre par l’Internet Society au niveau mondial, cet Appel lancé par le Président de la République Emmanuel Macron, lors du Forum mondial sur la Gouvernance de l’Internet, qui se tenait à Paris début novembre se veut fédérateur. Il combine l’action des Etats et des acteurs non-Etatiques, contre les cybermalveillances. L’Appel de Paris entend nouer une collaboration entre tous ses signataires pour, notamment, empêcher les activités cybermalveillantes et pointe également du doigt la prévention des interférences entre Etats dans les processus électifs.

C’est aussi un point de l’Appel de Paris : c’est de confiance dont il s’agit.

Le seul moyen d’éviter une futur Cyberguerre, quel que soit l’assaillant ou la victime, sera d’instaurer cette confiance nécessaire entre Etats, Utilisateurs et Sociétés du Numérique.

Cette confiance passera, inévitablement, par l’hygiène numérique et l’éducation, deux piliers de l’Appel de Paris que nous entendons porter au sein de l’Internet Society France.

Et c’est d’autant plus important que l’on s’est souvent focalisé sur le risque qui pèse sur les infrastructures critiques (électricité, sécurité…) mais aujourd’hui, la Cyberguerre va plus loin et met en risque la Démocratie.

Exposition « 100 Ans entre Guerre et Paix », à la Bibliothèque Polonaise de Paris, 6 quai d’Orléans, Paris 4ème. Jusqu’au 2 décembre 2018.

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Nicolas Chagny

President de l’Internet Society France @Isoc_france— DGA Data & Digital + Data Protection Officer du groupe de communication Makheia @Makheia