Jurassic train [FR]

Nicolas Demange
4 min readSep 19, 2018

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(English version available here)

C’est l’histoire de gens normaux et d’un dinosaure dans un train pour Paris. (Illustration originale de Gabriel Cecchi)

Bonjour, Je m’appelle Nicolas Demange et je suis UX Designer chez ENGIE Digital. Je vais vous raconter une histoire qui m’est arrivée justement sur mon trajet vers mon lieu de travail un matin.

J’habite à Chaville, proche banlieue verdoyante de Paris, et chaque matin je dépose mes deux merveilleuses petites filles à l’école avant de prendre le train pour mon lieu de travail au centre de la capitale française.

Ce matin-là, je suis assis dans ce train et, en bon designer, j’observe les gens qui m’entourent. Et au premier regard, je me rends compte d’une chose assez flagrante : les parisiens ont l’air triste et la tête baissée à regarder leurs pieds ou ceux de leurs voisins. Comme si les deux sens du mot gravité se rencontraient le matin dans les trains d’Île de France. Bon d’accord, il est tôt et tout le monde n’est pas tout à fait réveillé mais dehors il fait beau, il fait bon. De quoi donner un minimum le sourire. Mais non. En tout cas, pas dans mon train, pas ce matin-là.

Les deux sens du mot gravité se rencontrent le matin dans les trains d’Île de France.

Puis de cette constatation, il me vient une idée : pourquoi n’inventerions-nous pas des chaussures avec des blagues inscrites dessus ou des stickers au sol provoquant l’hilarité dans les wagons ? Comme il est très difficile de rigoler avec la tête vers le bas, cela permettrait astucieusement de la leur faire relever tout en leur rendant le sourire. Et puis, cela illustre parfaitement une conviction personnelle que l’humour donne de la hauteur.

L’humour donne de la hauteur.

Ravi voire excité par mon idée aussi inutile qu’humaniste, je dégaine mon smartphone pour vérifier si un produit analogue existe déjà. Pendant que j’attends que Google veuille bien me donner les résultats de ma recherche “blague sur des chaussures”, je relève la tête et, de manière inattendue, je croise le regard de la femme assise en face de moi.

Celle-là même qui, quelques secondes auparavant, faisait partie de la faune triste à tête courbée, se tient à présent droite et me sourit. Tout à coup, juste derrière elle, un homme, dont je n’avais vu que la tonsure jusqu’ici, relève lui aussi la tête et regarde le soleil par la fenêtre avec un air apaisé. Il est imité immédiatement par une femme blonde aux yeux verts, puis par un jeune à la tête enserrée dans son casque audio sans fil. Incroyable ! J’avais tout faux. Nous autres parisiens ne sommes pas des bêtes sombres et tordues. Non, nous avons bien tous en commun cette volonté de contact et de partage avec les gens et le monde qui nous entoure tels des suricates à l’affût dans la savane !

L’esprit rassuré sur l’humanité des passagers, je jette un œil sur les résultats de ma recherche. Et là je tombe nez-à-nez avec un dinosaure… En effet, le navigateur de Google affiche un petit dinosaure lorsque vous avez perdu votre connexion. Et c’est là que tout devient clair : je comprends instantanément ce qui a vraiment fait relever la tête de tout le monde. Nous avions bien tous quelque chose en commun : nous n’avions juste plus de réseau.

Mon train paisible s’était transformé pour quelques minutes en un grand-huit émotionnel, passant de sombres idées noires et fatalistes à des épiphanies magnifiques sur la nature humaine.

Cette histoire vraie, qui vous est peut-être aussi arrivée, m’a appris ou rappeler plusieurs choses sur l’infobésité et l’hyperconnexion qui nous coupe trop souvent des gens et des choses qui nous entoure. Combien de belles choses, de belles personnes ratons-nous sans le savoir les yeux rivés sur nos petits écrans ?

Concevons plutôt des choses utiles et discrètes qui rendent du temps aux utilisateurs en leur facilitant la vie.

En tant que UX Designers, nous avons un rôle tout particulier à jouer ici en instaurant un cadre éthique, en nous y tenant et en le partageant. Plutôt que de renouveler d’ingéniosité pour inciter les utilisateurs à rester un maximum de temps sur nos apps, essayons plutôt de designer des choses utiles et discrètes qui leur rendent du temps en leur facilitant la vie.

L’économie de l’attention existe. C’est à nous d’orienter cette attention dans le bon sens pour passer doucement de l’hyperconnexion vers une reconnexion salvatrice.

Chez ENGIE, nous mettons en place notamment deux actions en ce sens. Tout d’abord, l’équipe Design d’ENGIE Digital est en train de formaliser son propre cadre éthique sous la forme d’une checklist de bonnes questions à se poser dans tous nos projets. Plus d’informations à venir à ce sujet très bientôt ! D’autre part, le programme Employee Experience met à disposition de chacune des Business Units du groupe, un atelier clef en main appelé “Harmony Day”. Ce jour déconnecté permet à une équipe de prendre du recul sur ses façons de communiquer, sur la pro-éminence des mails et sur l’inefficacité de certains meetings. Grâce au Design Thinking, ces équipes trouvent ensemble des idées innovantes qu’ils peuvent mettre en application dès le lendemain.

Le designer, de par sa place stratégique dans la conception des produits de demain, a un grand pouvoir. Et à grand pouvoir, grandes responsabilités.

PS : si certains lecteurs veulent se lancer dans le marché des Chaussures à Blagues, faites-moi signe ! 😉

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Nicolas Demange

French UX Designer, changing the world one screen at a time!