#Bayrougate

François Bayrou est directement lié au financement illicite de son parti.

Nicolas Grégoire
7 min readJun 10, 2017
François Bayrou en pleine moralisation

Les médias n’ayant pas couvert les deux emplois fictifs que j’ai exercés pour François Bayrou, j’ai décidé de mener l’enquête. Deux mois plus tard, cette investigation commence à révéler un système de financement illicite. Système auquel on peut directement relier François Bayrou et Michel Mercier, ancien ministre de la Justice et ancien trésorier du MoDem.

La chasse est ouverte

“Bayrou s’est approché trop près du soleil. Il se croit tout proche du pouvoir exécutif, alors qu’il est au bord du précipice”

Les leçons du ministre de la Justice énervent ceux qui le connaissent. Et depuis la campagne présidentielle, sa nomination, la suppression annoncée de l’IRFM et l’imminence des législatives, ils le font savoir. “Ce qui me rend fou dans l’histoire, dit une source, ce n’est pas qu’on ait tous baigné dans un système. Tout le monde l’a fait, dans tous les partis. Donc quelque part, personne n’est plus propre qu’un autre. Ce que je ne supporte pas, c’est cette salope de Bayrou qui vient jouer les vierges effarouchées. S’il pouvait être viré du ministère de la Justice, ça me ferait jouir”.

De chuchotement en confidence désintéressée, grâce à ma mémoire et des numéros de portables fuités, j’ai pu former une liste d’une dizaine de noms. Quatre d’entre eux sont vérifiés. Deux sur preuves matérielles et témoignages. Deux sur témoignages et grâce aux réseaux sociaux.

Plusieurs sources extrêmement crédibles, dont une de très haut niveau, m’ont également confirmé l’existence d’un document que chaque candidat devait signer. Dans ce papier, décrit comme “un torche-cul d’engagement moral de conditions d’acceptation de l’investiture”, chaque candidat s’engagerait, si élu, à fournir un assistant au parti de Bayrou.

Fictifs avec un “s”

“Je veux bien qu’on dise que c’était une époque qui est révolue. Mais tout ce qu’ils ont fait sur les assistants parlementaires européens, l’époque n’était pas révolue, hein” — l’éminence

François M. travaillait à deux mètres de moi. Il est resté deux ans au parti. Et déclare n’avoir eu “aucun contact” avec ses parlementaires, Jean-Jacques Jégou pour l’Assemblée et Michel Mercier au Sénat. “Je les ai vus quand ils venaient au siège, quand il y avait un pot, me dit-il. Mais je n’ai pas travaillé une seule seconde pour eux. Ce qu’il faut comprendre, c’est qu’à l’époque on n’en parlait pas. Moi je savais, parce que tu m’avais dit que t’étais en contrat avec des parlementaires. Mais à l’époque, c’était pas un sujet. Les gens avec qui je travaillais, j’en avais rien à foutre qu’ils soient payés par le parti ou par un autre. Je venais de ma campagne, j’avais 26 ans, qu’un homme politique mette une partie des crédits à disposition du parti, ça ne me choquait même pas. Et on nous disait que c’était légal ! En aucun cas je n’ai eu le sentiment de faire quelque chose de malhonnête”.

Pour lui “les responsables dans l’histoire, ce ne sont pas ceux qui ont bénéficié d’un contrat et qui ne savaient même pas ce qu’ils faisaient. (…) J’avais très envie de travailler en politique, on m’a dit ‘écoute on t’embauche, tu seras payé par des parlementaires, tu bosseras au parti’. Moi j’étais aux anges ! J’étais à des années-lumière de savoir que ce que je faisais, c’était illégal. (…) Les gens qui, comme moi ou comme toi, ont pris un contrat d’assistant à l’époque et ont bossé au parti, je ne pense pas qu’on voulait mal faire. (…) Je crois que personne ne s’est dit ‘super, je vais niquer le fisc, je vais niquer l’État’. (…) Ce que je trouve dégueulasse, (…) c’est que Bayrou savait très bien ce qu’il faisait et qu’il a le culot aujourd’hui de venir torpiller Fillon”.

Il me confirme que François Bayrou était au courant. “Evidemment, voyons ! Une fois, il m’a demandé avec qui j’étais en contrat”. Et Marielle de Sarnez ? “C’est juste une évidence. D’abord c’était le bras droit de Bayrou. (…) Elle venait souvent, c’est impossible qu’elle ait ignoré ce système là. Juste impossible”.

J’appelle Michel Mercier. Il me dit “je n’ai jamais eu de Monsieur M. ! Jamais ! Vous faites une erreur. J’avais deux assistantes, je crois qu’elles avaient tout mon crédit. (…) Je n’ai jamais donné au parti quoi ce soit”. Je lui envoie le scan de la carte de François M. “Bonjour, c’est encore Nicolas Grégoire. Vous voyez cette image ? J’ai la preuve qu’il a travaillé tous les jours pendant deux ans au parti. Vous continuez à nier ?” Aucune réponse de Mercier à date de cet article.

La carte d’assistant du Sénat de François M.

Jean-Jacques Jégou, ancien député et membre de la commission des Finances, lui aussi ancien trésorier du MoDem, me déclare “ce genre de truc me semble très curieux. Je ne sais pas pourquoi ce monsieur viendrait, vingt ans après, dire des choses qui ne seraient pas exactes. Moi j’ai toujours embauché des collaborateurs qui travaillaient avec moi. En 95… C’est un peu comme si vous me demandiez ce que je faisais le 24 mars 1995 ! Comment voulez-vous que je vous dise ? Je n’ai plus d’archive depuis un certain temps”. Et il ajoute, d’un air satisfait, “je vous signale qu’il y a prescription”.

En m’aidant du témoignage de François M., je peux également révéler que deux autres collègues sont confirmés journalistiquement mais pas légalement. N’ayant, malgré de nombreuses tentatives, pas pu les contacter, je tairai leurs noms. La première, qui travaillait à côté de moi chez Démocratie moderne sur un contrat du Sénat, se décrit sur le réseau professionnel LinkedIn comme “journaliste” au parti sur un ancien profil. Sur un profil plus récent, elle rajoute la mention “assistante parlementaire”.

L’autre, qui à mon avis n’a aucune idée de l’illégalité de son activité, a travaillé pendant une durée indéterminée comme assistante d’Yves Pozzo di Borgo, maintenant sénateur. Son travail consistait à compiler et gérer des analyses électorales. Ce qu’elle décrit sur LinkedIn. Huguette Ducloux m’avait parlé de ce poste, lors de mon entretien d’embauche. Je fus jugé trop forte-tête pour l’occuper. Quand j’ai appelé Pozzo di Borgo, il m’a déclaré “j’ai plus de contact avec elle, je sais pas. Ecoute, moi je peux pas participer à tout ce que tu fais. (…) C’est pas très correct, ce que tu fais. (…) Tu es un justicier. Arrête de m’appeler, s’il te plaît, je préfère pas”. Dans un entretien téléphonique précédent, il m’avait indiqué ne pas vouloir alimenter un débat qui “pollue la vie politique française”. Pozzo di Borgo s’est illustré en 2015 en faisant une visite en Crimée et en achetant, souriant devant les caméras, un t-shirt disant en cyrillique “Obama, tu es un con”.

Ministère et petit papier

“Un ancien élu m’a appelé et il m’a dit ‘Mais quand même, ils se foutent de la gueule du monde, à un point !’ Je me demande si le RPR et le PS, c’était pas plus propre de ce point de vue là.” — l’éminence

Ces emplois fictifs ne se limitaient pas au parlement. Preuve dans un arrêté de novembre 1995 signé par François Bayrou, ministre de l’Education nationale. Cet arrêté nomme Philippe Cerez conseiller à son cabinet. Or selon deux sources concordantes, auxquelles s’ajoute mon témoignage, Cerez travaillait à plein temps au parti — au moins à partir de 1996 — en tant que cadre. Juste à côté d’Huguette Ducloux, sur le troisième plateau. Son travail aurait consisté à appliquer les directives de Marielle de Sarnez. Il quittera son poste contraint et forcé après la défaite des législatives, en 97. Et retournera au Sénat. Il en dirigera la communication. Philippe Cerez serait toujours administrateur honoraire du Sénat. Il n’a pas répondu à mes deux messages, au moins pour raison médicale.

Au centre des preuves, un bout de papier. Cette pseudo-lettre d’intention est activement recherchée par les enquêteurs, justice et presse. Selon l’éminence, source de niveau ministériel, “c’était institutionnalisé. Un copain m’a raconté ça, quand il était candidat aux européennes. Les deux premiers de la liste signaient un papier comme quoi ils donnaient au moins chacun un assistant européen pour le siège. Ça c’était du temps de Force démocrate, puis du MoDem. Ils l’ont fait dès le départ”. Ce papier aurait été vu “de ses yeux” par l’ancien directeur de campagne d’un élu MoDem, qui l’a tenu en main. Il fait également l’objet d’un passage dans le désormais célèbre livre de Corinne Lepage, “Les mains propres”.

— Tu peux me l’envoyer ?

— Pas avant le deuxième tour.

— Tiens, j’ai déjà entendu ça quelque part !

Et maintenant ?

“Je crois que ça a continué jusqu’à il n’y a pas si longtemps. Ils ont eu peur avec l’histoire de Le Pen. Ils se sont rendu compte qu’ils pouvaient se faire gauler” — l’éminence

Alors que j’écris cet article, loin des réseaux sociaux, le téléphone sonne. Et sonne. Et sonne encore. Le Parisien, Le Point et France Info croulent sous de soudaines et opportunes révélations. Sur une messagerie cryptée, j’appelle l’éminence. “T’as vu, ça y est, c’est l’hallali !”

Une célèbre émission de télévision me demande une interview. Insiste sur l’exclusivité. J’appelle l’ancienne journaliste télé. Elle me dit “tu n’as pas le choix, tu ne peux pas sortir demain ! Il faut que tu sortes ce soir !”

Alors que depuis des mois, des années, je me bats pour ouvrir les portes des rédactions, elles s’offrent à moi. Comme Icare, Bayrou tombe, au ralenti, flashs et caméras. Bayrou persuadé depuis son plus jeune âge, après une révélation divine, d’être président de la République. Comme tant d’autres avant lui, il finira broyé. Et malgré la honte, oublié. Rayé de la carte.

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Nicolas Grégoire

Rédacteur omnivore. Petit politique repenti. Citoyen. Il paraît que je suis gonflé.