Inventons la Métropole : quand les réinventer changent d’échelle

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Avec Inventons la Métropole du Grand Paris (IMGP), les réinventer changent de dimension. Avant d’exposer les résultats du questionnaire, prenons le temps de souligner les évolutions entre Réinventer Paris et Inventons la Métropole. Deuxième billet de notre série d’articles sur IMGP, pour mieux cerner les spécificités de cet appel à projets aux contours inédits sur deux aspects : son échelle et son impact sur les promoteurs immobiliers.

Changement d’échelle, changement de nature

C’était presque une marque de fabrique de réinventer Paris que de porter un discours urbain à partir de la petite échelle, de faire de l’urbanisme avec de l’immobilier, plus exactement avec une constellation « d’objets d’exception », censés restimuler le tissu urbain parisien.

Dans le cas d’IMGP, les 15 000 logements cumulés sur l’ensemble des sites représentent à peine plus de 15 % des autorisations de construire délivrées en 2016… alors même qu’il faudra au bas mot une décennie pour mener à bien l’ensemble des projets.

Tout ça pour ça ? On aurait tort de s’arrêter à ce chiffre brut : ces 15000 logements sont déjà beaucoup plus significatifs si on les compare à ce que produit l’aménagement en un an (19 000 logements et sur un périmètre bien plus large puisqu’il s’agit là de toute la Région et non seulement de la Métropole).

Surtout, dans l’hypothèse où l’opération se répèterait tous les deux ans dans les mêmes volumes, l’effet de cumul en ferait un moteur non négligeable de la production métropolitaine de logements.

Pour plagier le langage des nouvelles technologies, là où réinventer.paris faisait figure de « prototype », Inventons la Métropole serait donc le « passage à l’échelle » en entérinant une dimension quantitative des appels à projets.

De quoi Inventons la Métropole prend-il la place ?

Si les quantités sont telles, c’est que le changement d’échelle est double. Il porte à la fois sur l’étendue géographique du dispositif (55 villes concernées sur les 131 que compte la métropole) et sur la taille de chaque site. La comparaison de la distribution des surfaces par sites avec celle de réinventer.paris est éclairante : quand le site médian de réinventer Paris était une parcelle de 700 m2, celui d’Inventons la Métropole est un tènement de 12 000 m2 : un changement d’échelle qui induit un changement de nature. Conçu comme un outil immobilier pour faire émerger des immeubles hybrides et innovants, ce dispositif se déploie maintenant à l’échelle du projet urbain… mais conserve les mêmes règles du jeu.

Ce qui frappe enfin, c’est l’extrême diversité de ces sites, de 600 m2 à plus de 30 hectares, dans le diffus ou en opération d’aménagement, dans Paris ou à 30 km du périphérique.

Cette dispersion rend complexe l’analyse puisque, selon les cas, Inventons la Métropole est venu se substituer à des procédures très diverses : des cessions de charges foncières en opération d’aménagement, des ventes de terrain dans le diffus… voire, sur les plus grands sites, des concessions d’aménagement. Dans un cas, on ne peut que se réjouir d’assister à une ouverture du jeu de l’attribution de fonciers publics, traditionnellement cédés en gré à gré. Dans l’autre, s’interroger sur la pertinence et la généralisation de « l’aménagement sans aménageur » (que ce dernier soit public ou privé, d’ailleurs).

L’émergence du dévelopeur à l’anglo saxonne ?

La typologie des mandataires des équipes lauréates montre que, édition après édition, ces appels à projets contribuent à rebattre les cartes des acteurs, même s’il serait très exagéré de dire qu’ils sont le terrain de jeu exclusif de quelques nouveaux entrants.

Nous avons classé ces lauréats dans trois catégories : les gros (dans le top 20 de la profession), les alternatifs (ceux qui ne sont pas promoteurs immobiliers de métier) et, entre les deux, les opérateurs de taille moyenne, que nous baptisons ici les « agiles ».

Par rapport à réinventer.paris, Inventons la Métropole aura marqué le retour des gros opérateurs et, dans une proportion presque équivalente, la baisse des alternatifs. Rien de très étonnant à cela, la taille et la dispersion des sites confèrent un avantage comparatif à des structures bien implantées à l’échelle régionale et à l’aise dans des échelles d’opération plus grandes que réinventer.paris.

Mais il est notable que la catégorie intermédiaire des « agiles » fasse preuve d’une belle stabilité (un gros tiers dans les deux cas) en s’arrogeant au passage quelques sites majeurs. On détecte dans ce groupe une surréprésentation des foncières (la Compagnie de Phalsbourg en est l’archétype) qui, adossées à une structure de décision plus compacte sur les grands groupes peuvent se permettre des risques… et des positions foncières de long terme ! Gageons que ce n’est pas un hasard et que ce type d’appel à projets favorise à la fois la prise de risque et la capacité à programmer, construire et gérer, à l’image des structures immobilières anglo-saxonnes.

Pour poursuivre la réflexion sur les nouvelles façons de faire la ville, suivez-nous sur twitter : @nicolasrio2 / @sensdelaville

Retrouvez aussi les autres billets de cette série consacrée au retour d’expérience sur Inventons la Métropole :

0. Inventons la Métropole vu par ses participants : toujours autant d’enthousiasme, et de plus en plus de questions !

  1. Inventons la Métropole : quand les réinventer changent d’échelle
  2. Le partage des rôles : un fonctionnement collaboratif… à géométrie variable !

3. La programmation : quand la chasse au concept devient programmation

4. La « carte blanche » IMGP : cinquante nuances de gris

5. Appel à projets urbains cherche modèle(s) économique(s)

6. Et maintenant ? 8 propositions pour réinventer les appels à projets

La présentation des résultats du retour d’expérience est accessible en ligne ICI et les données du questionnaire sont disponibles en open-source LA.

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Partie Prenante / Le Sens de la ville

Retour d’expérience collectif sur Inventons la Métropole du Grand Paris