Ouest-France — Opposant ou propagandiste de Poutine, qui est le capitaine du Shtandart invité en Bretagne ? — 29/03/2024
Vladimir Martus, capitaine du navire russe Shtandart, a été autorisé par la France à naviguer librement et à venir en Bretagne, en juillet 2024, malgré les sanctions européennes qui interdisent l’accès de tous les navires russes dans les ports du Vieux Continent. Il se définit comme « opposant à la dictature de Poutine ». En réalité, son navire a servi d’outil diplomatique à la Russie.
Laetitia JACQ-GALDEANO — 29/03/2024
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Qui est réellement Vladimir Martus, le capitaine du navire russe Shtandart annoncé aux fêtes maritimes de Brest et de Paimpol en juillet 2024, en Bretagne, malgré les sanctions européennes contre « tous les navires russes » ?
Il se définit comme un « opposant à la dictature de Poutine », qui « refuse de condamner l’invasion de la Crimée ou de l’Ukraine en raison des risques encourus par (sa) famille et (ses) collègues de l’association restés en Russie. » Mais est-il un propagandiste du Kremlin, aidé par la Ville de Saint-Pétersbourg à construire sa frégate, du temps où Vladimir Poutine y était adjoint, qui fut payé 1,1 million de roubles (plus de 30 000 € en 2007) pour participer au festival municipal Voiles écarlates ?
« Personnalité complexe et secrète »
Certains de ceux qui ont côtoyé Vladimir Martus en dressent un portrait distancié, à l’image du marin David Mars, originaire de Rochefort-en-Mer (Charente-Maritime), qui a navigué 16 mois sur le Shtandard. David Mars se souvient du « professionnalisme » du navigateur Vladimir Martus et de « sa personnalité complexe et secrète. J’ai parlé plusieurs fois politique avec lui. C’est très difficile de savoir ce qu’il pense vraiment ».
Le marin raconte avec précision « cette aventure exceptionnelle » et le rituel du lever des couleurs. « Chaque matin, à 8 h, tout le monde était sur le pont pour assister au lever du drapeau russe. Les autorités lui ont demandé d’arrêter. Le capitaine Vladimir Martus a cessé un temps puis il a recommencé. »
Soutien historique du Shtandart, le Rochelais Ludovic Pacciarella, qui « a ouvert les portes de La Rochelle » à Vladimir Martus, prend carrément ses distances après avoir été « en contact confidentiel avec des autorités. Je ne suis plus son officier de liaison. Vladimir Martus se dit opposant à Poutine, mais refuse de hisser le drapeau des opposants russes blanc et bleu. Je le lui ai pourtant répété : « Le drapeau russe, c’est malvenu. Tu dois respecter le pays qui t’accueille. » Et de s’interroger : « Avec l’équipage qui change régulièrement, quelqu’un de bizarre pourrait se servir du Shtandart comme d’un autobus pour aller partout, en France. »
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« Les amis de Poutine voulaient le bateau »
Joint sur son navire, mardi 26 mars 2024, Vladimir Martus juge « stupide et hors de propos l’idée que le Shtandart serait un navire espion ». Il raconte avoir fui la Russie en 2009 pour des « raisons politiques », parce que « les amis de Poutine voulaient le bateau car c’est un très bon moyen d’apporter des messages positifs dans les autres pays ».
En réalité, le différend qui a motivé la fuite du Shtandart en 2009, en Norvège est d’ordre administratif, et non politique, comme le raconte le site de la Komsomolskaïa Pravda en 2007. Et comme le reconnaît lui-même Valdimir Martus auprès du site russe Fontanka.
En 2020, la Komsomolskaïa Pravda annonce d’ailleurs le retour en grâce du navire et de son capitaine au moment même où la Société russe de géographie, dont le conseil d’administration est présidé par Vladimir Poutine, lance une mission à laquelle le Shtandart va participer à l’automne 2021.
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Par ailleurs, Vladimir Martus dément « toute relation commerciale avec la Société russe de géographie », tout « caractère politique à cette mission » et toute proximité avec le Kremlin. « En tant que propriétaire du bateau, j’ai signé un contrat avec la société de tournage pour la transporter. » Laquelle était payée par la Société russe de géographie…
Depuis, ce retour en grâce n’a jamais été remis en question. En janvier 2022, quelques semaines avant l’invasion de l’Ukraine Vladimir Martus rentre même à Saint-Pétersbourg. « En avion, pour renouveler mon passeport de marin, justifie-t-il aujourd’hui, très déçu par certains Français qui essaient de construire une haine entre les communautés russes et ukrainiennes ».
« Je n’exclus pas que le bateau travaille pour Poutine »
« Ce discours sur les peuples frères ukrainiens et russes, c’est un cliché mille fois utilisé par la propagande soviétique et russe, décrypte Alexandra Sergueeva, présidente d’Ukraine Amitié Bordeaux, cette association qui a obtenu de la mairie de Bordeaux que le Shtandart ne soit pas invité pour « Bordeaux fête le vin », en juin 2022. Pour moi, l’administration française n’est pas assez vigilante. Je n’exclus pas que ce bateau travaille pour Poutine. Il véhicule l’image de la grandeur russe de Pierre Le Grand, que Poutine cite souvent, et magnifie la Grande Russie, son passé glorieux et ses conquêtes comme le fait Poutine. »
Au nom de la diaspora ukrainienne, Jean-Pierre Pasternak, président de l’Union des Ukrainiens de France, se montre aussi « très inquiet. Nous ne comprenons pas pourquoi on peut accueillir ce genre de navire pas très loin des bases françaises. On interdit aux athlètes russes de concourir aux Jeux olympiques sous drapeau russe et on laisse naviguer ce navire sous pavillon russe. Pour les Ukrainiens, la présence même de ce bateau est une provocation ».
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