Intelligence artificielle : quels métiers vont réellement disparaître ?

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6 min readMay 3, 2019

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Ces dernières années, les spéculations autour de l’impact de l’Intelligence Artificielle sur le marché du travail ont fait couler beaucoup d’encre. Du remplacement partiel de certains corps de métiers à la prise de pouvoir de technologies super-puissantes, les prédictions se suivent… et ne se ressemblent pas.

Frederic Oru, fondateur de AI4better, fait le point sur les capacités réelles de l’Intelligence Artificielle. Et si vous n’avez pas encore testé vos connaissances avec notre quizz, c’est le moment ou jamais :-)

L’Intelligence Artificielle peut-elle faire notre travail ?

La plupart des études récentes (McKinsey, OCDE, Villani, …) s’accordent sur une chose : l’intelligence artificielle pourrait remplacer l’Homme dans l’exécution de certaines des tâches, mais difficilement sur l’intégralité d’un métier. D’après le COE*, en France moins de 10% des métiers sont vraiment en risque de disparition totale d’ici 2030.

Pour comprendre pourquoi, il faut distinguer les métiers manuels, où l’on manipule des objets physiques et les métiers non manuels, où l’on manipule des informations.

Tous les métiers manuels sont-ils condamnés à être robotisés ?

Non. Les capacités de l’IA dans le monde physique sont limitées par deux facteurs : sa difficulté à gérer l’imprévu d’une part, son manque de dextérité d’autre part.

Tous les chercheurs et experts du domaine (tel que Luc Julia, cocréateur de Siri) s’accordent à dire que l’intelligence artificielle qu’ils ont développé est “faible” : elle peut gérer quelques aléas autour d’une situation idéale, mais elle n’est pas en mesure de gérer la complexité du monde qui nous entoure. Il lui faut un environnement relativement prévisible. C’est pourquoi les robots pourraient remplacer les manutentionneurs dans les hangars, mais très difficilement décharger un camion dans une ville comme Paris.

Par ailleurs, grâce à l’IA, les robots peuvent apprendre à saisir des objets et les déplacer, mais avec une très faible dextérité. Contrairement à nous, le robot n’a pas de sensation du poids et de la texture de l’objet, il n’a pas de compréhension des lois de la gravité, ce qui est un très sérieux handicap. Dans les usines les plus modernes, on assiste ainsi à une véritable collaboration entre l’homme, qui réalise les actions manuelles délicates, et la machine, qui réalise les actions puissantes.

Voyez par exemple la vidéo d’une usine de BMW :

Quant à l’artisanat, il semble hors de portée de l’IA pour longtemps. Dans son ouvrage Ce que sait la main, Richard Sennett, sociologue et historien américain, s’est penché sur la question de la définition de ce corps de métier. Il se livre à la démonstration de ce qu’est l’intelligence de la main, bien au-delà de la simple action physique. Sous l’effet de l’expérience, l’artisan peut en effet anticiper les sensations de la saisie d’objets et ajuster ses gestes en fonction de cette intuition forgée par la pratique, intuition qui va bien au-delà des capacités d’une intelligence artificielle.

Les métiers non-manuels sont-ils épargnés ?

Non, bien au contraire. L’IA devrait apporter trois grandes nouveautés dans les outils numériques de travail, avec un impact important sur les métiers qui manipulent de l’information :

  • D’une part l’IA permet d’extraire des données dans les documents que l’informatique classique ne savait pas traiter : les scans de documents, les images, les vidéos, les sons, les voix, … On considère que cela représente 80% des documents de l’entreprise, et que cela ne cesse d’augmenter.
  • D’autre part l’IA apporte des capacités d’analyse statistique sur les gros volumes de données ainsi collectés, et permettent de faire des prédictions. Par exemple, on peut théoriquement prédire le comportement d’un client en fonction de l’historique de ces actions : c’est une révolution pour le marketing !
  • Enfin, l’IA a fait d’énormes progrès dans le traitement du langage naturel : transformer la voix en texte et vice-versa, faire des résumés, répondre à des questions sur un texte, converser en langage naturel (les fameux chatbots), produire des documents de synthèse.

Les applications dans les fonctions back-office de l’entreprise semblent infinies : traitement automatique de CV pour les Ressources Humaines, automatisation des processus administratifs, automatisation des saisies comptables. Typiquement, l’IA peut lire les factures fournisseurs quelque soit leur format et saisir dans le SI, génération de documents financiers, analyse et génération automatique de contrats, gestion de sinistres (l’IA estime le montant des dégâts à partir d’une photo), segmentation automatique de clientèle, prédiction de ventes, etc.

En fait, toutes les tâches qui consistent à collecter de l’information, la combiner et la diffuser quelle que soit sa forme sont potentiellement faisables par une IA. Mais … n’est-ce pas ce qui fait le coeur de tout métier de bureau ? Non, heureusement : la valeur ajoutée d’un métier de bureau passe par la communication interpersonnelle, la prise de décision en fonction du contexte, bref, toutes les qualités humaines que la machine est incapable de remplacer.

En effet, l’IA ne comprend pas les données qu’elle manipule et n’a pas de ‘bon sens’ commun. Elle peut analyser les risques contractuels d’une clause bien précise (comme les clauses de confidentialité), mais ne pourrait pas plaider une affaire en justice. Un chatbot peut répondre efficacement à des problèmes ciblés d’un client (comme activer une carte SIM) mais ne peut pas comprendre le contexte d’un accident pour un assureur. L’IA peut identifier des fractures sur une radio, mais ne saura pas les interpréter dans le contexte (fracture de fatigue ou début de cancer ?).

Le double effet de l’IA : Automatisation et Augmentation

Pour résumer, les études prédisent que les métiers les plus impactés par l’IA seront les métiers de services peu qualifiés, qu’ils soient manuels (conducteurs, caissiers, agents d’exploitation, préparateurs, etc.) ou non (employés peu qualifiés de la banque, de l’assurance, du para-légal, de l’administratif).

Mais l’effet est plus subtil qu’il n’y paraît. D’après une étude d’Accenture, il existerait en réalité deux impacts potentiels bien distincts de l’IA sur le travail humain :

  • D’une part, l’automatisation : à savoir le remplacement d’une tâche dans son intégralité par l’IA,
  • D’autre part l’augmentation : scénario dans lequel la technologie apporterait une valeur ajoutée à une tâche existante

Dans ce second scénario, l’IA fournit une assistance qui décuple les capacité de travail d’une personne : priorisation des tâches, analyse et croisement d’informations, outils d’aide à la décision, brouillon de documents prêt à être modifiés, etc.

Or, selon Accenture, l’augmentation du travail par la machine est le scénario qui aurait le plus d’impact : en moyenne 51% du temps de travail serait augmentable, et seulement 38% serait automatisable. Mais surtout, les proportions s’inversent en fonction du niveau de qualification des postes : plus un travailleur est qualifié, plus il serait susceptible de bénéficier des capacités d’augmentation de l’IA ; moins il est qualifié, plus il serait susceptible de voir ses tâches automatisées.

Pour les travailleurs plus qualifiés, seulement 20% des tâches seraient automatisables mais 63% augmentables ! Les ingénieurs, experts et managers vont donc devoir apprendre à apprivoiser le potentiel de l’IA, et repositionner leur valeur ajoutée dans l’entreprise. Ces personnes très qualifiées sont les plus à même de s’adapter mais il s’agit tout de même d’un transformation importante.

Pour les travailleurs peu qualifiés, la situation est plus compliquée : une bonne partie de leur tâches serait remplacée par une machine, et dans le même temps ils auraient peu d’opportunités de développer leur potentiel sur les tâches restantes. Il s’agira donc de trouver de nouvelles occupations (le caissier de magasin pourrait ainsi se transformer en assistant de clientèle) ou de monter en qualification (l’assistante comptable d’entreprise devra peut-être développer ses compétences de conseil en gestion).

En conclusion, l’IA n’aura probablement pas pour effet de faire disparaître des emplois, mais pourrait les modifier en profondeur, dans toutes les catégories socio-professionnelles. Nous pourrions être débarrassés des tâches pénibles et chronophages, et être plus productifs sur les tâches à forte valeur ajoutée. Mais que faire du temps ainsi libéré ? Le grand défi sera sans doute de réinventer son métier en apprivoisant les super-pouvoirs que nous confèrent la machine.

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Bibliographie

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