Réaffirmer et réaliser le rêve d’Unifor

Four Authors
8 min readJul 19, 2022

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Une lettre ouverte aux membres et délégués d’Unifor

Les délégués se rassemblent avant le congrès de fondation d’Unifor en 2013

Par Peter Kennedy, Gaétan Ménard, Fred Wilson et Jim Stanford

Chers confrères, consœurs et amis;

Nous avons eu l’honneur de jouer un rôle central dans ce qui s’appelait initialement le « Projet du nouveau syndicat ». Ce projet a débuté en 2011, et avait comme mandat d’examiner la nécessité et les caractéristiques cruciales d’un nouveau syndicat fort pour représenter les travailleuses et travailleurs canadiens. Peter et Gaétan étaient les secrétaires-trésoriers des deux syndicats fondateurs (l’ancien TCA et l’ancien SCEP) et ont coprésidé le comité de proposition de nouveau syndicat qui a dirigé le processus. Fred et Jim étaient des cadres supérieurs (du SCEP et des TCA, respectivement) qui ont aidé à mobiliser la recherche, la logistique et d’autres ressources dans le long et minutieux processus d’élaboration d’une vision et d’un plan pour ce nouveau syndicat. Ce nouveau projet syndical a finalement impliqué des centaines de dirigeants et dirigeantes nationaux et locaux, de déléguées et délégués, de militants et militantes et de membres du personnel des deux syndicats fondateurs, dynamisés par un enthousiasme réciproque quant à ce que ce nouveau syndicat pourrait accomplir.

L’idée de former un nouveau syndicat était bien plus que la simple fusion de deux grands syndicats en une entité plus grande et plus forte. Motivés à la fois par la peur et l’espoir, nous avons reconnu que nous avions besoin d’une nouvelle vision du syndicalisme, pas seulement d’un syndicat plus grand.

Le projet du nouveau syndicat a été lancé peu de temps après que Stephen Harper ait remporté un gouvernement majoritaire; il avançait rapidement pour attaquer le mouvement syndical avec de multiples lois punitives. En Ontario, le chef conservateur de l’époque, Tim Hudak, faisait ouvertement campagne pour que les lois antisyndicales américaines sur le droit au travail s’appliquent au Canada. D’autres gouvernements provinciaux avaient également pris le mouvement syndical comme cible. . Pendant ce temps, bon nombre des industries où travaillaient nos membres — de l’automobile à la foresterie en passant par les médias et les transports — subissaient d’énormes crises, minées par la vision étroite des employeurs et manquant de politique et de soutien fiscal adéquats de la part des gouvernements.

Certaines parties du mouvement syndical canadien (y compris les syndicats encore liés aux organisations américaines) ont été incapables de refléter et de mobiliser véritablement les espoirs et les priorités de leurs membres et de tous les travailleurs et toutes les travailleuses. Le plus inquiétant était peut-être les signes d’une érosion progressive des idées fondamentales de solidarité collective et de lutte mutuelle qui ont toujours alimenté les mouvements ouvriers à travers le monde. Si les travailleurs et travailleuses deviennent cyniques quant à la possibilité de progresser par la lutte collective, les dangers pour notre niveau de vie et pour notre démocratie deviennent d’autant plus urgents.

Face à toutes ces menaces, nous avons reconnu que le mouvement syndical canadien devait améliorer son plan de match pour relever avec succès ces défis.

Mais nous étions aussi motivés par l’espoir. Nous espérions qu’en repensant ce que les syndicats peuvent et doivent faire et en construisant un nouveau syndicat plus démocratique, inclusif, responsable et efficace, nous pourrions relever ces défis et trouver de nouvelles façons de faire avancer les intérêts de tous et toutes. Nous étions enthousiasmés par les possibilités de trouver de nouvelles façons d’organiser les travailleurs et travailleuses, de nouvelles façons d’impliquer les membres dans les activités du syndicat, de nouvelles demandes à présenter aux employeurs et aux gouvernements et de nouvelles sources d’activisme et de leadership.

Après deux ans de consultations approfondies et l’approbation des congrès des TCA et du SCEP, le projet du nouveau syndicat a abouti à la décision de former Unifor. Cette décision a été mise en œuvre lors de notre passionnant et inoubliable Congrès de fondation en 2013.

Au cours de la décennie qui s’est écoulée depuis ce jour rempli d’espoir, Unifor a accompli tant de choses. Nous avons organisé plus de 20 000 nouveaux membres dans notre syndicat, dans un large éventail d’industries (y compris la santé, les jeux, les transports et autres). Nous avons mené des combats incroyables contre vents et marées — en utilisant la grève, l’occupation, le boycottage et autres moyens de pression — et avons remporté la plupart d’entre eux. Nous avons formé une nouvelle génération de militants et militantes, de dirigeants et dirigeantes et d’employés, et notre syndicat est devenu plus diversifié et représentatif de la classe ouvrière canadienne. Nous avons mobilisé nos membres pour changer la politique canadienne : joué un rôle clé dans la défaite de Harper et Hudak, obtenu de meilleures lois du travail et politiques sociales au niveau fédéral et dans plusieurs provinces, et prouvé qu’une voix syndicale indépendante et authentique en politique est imbattable.

Les Canadiens ne connaissaient pas le nom « Unifor » lorsque nous avons commencé. Mais nous avons rapidement construit une réputation pour accompagner ce nom. Unifor est un syndicat pour tous les travailleurs et travailleuses, peu importe où ils travaillent. Unifor est un syndicat qui lutte sans crainte pour le progrès dans nos lieux de travail, notre société et notre environnement. Unifor est un syndicat démocratique et responsable envers ses membres. Unifor est un syndicat qui continue de se battre pour un avenir meilleur.

Dans l’ensemble, la fondation et le travail d’Unifor ont été un énorme succès indéniable. Nous avons gagné des gains importants pour nos membres. Nous avons aidé à redynamiser l’ensemble du mouvement syndical canadien. Nous avons renforcé nos industries et amélioré la politique canadienne.

Cependant, nous sommes maintenant confrontés à la troublante et décevante réalité que notre ancien président a trahi la confiance de son poste et a mis en péril la réputation et le succès futur du syndicat que nous aimons tous. Nous exprimons notre colère et notre dégoût face à l’utilisation abusive de ce poste à des fins personnelles inexplicables. Mais nous reconnaissons également que cet épisode soulève de plus grandes questions sur la nécessité pour notre syndicat d’être plus responsable, plus collectif dans sa direction et, en fin de compte, plus démocratique.

Lors de la formation d’Unifor, les équipes qui ont travaillé à l’élaboration de notre nouvelle constitution, de notre structure de direction et de nos processus décisionnels ont accordé la priorité absolue au besoin de participation démocratique et de responsabilisation. Bien que les actions de notre ancien président montrent que ces freins et ces contrepoids n’étaient pas suffisants, le fait que ses actions aient été rapidement révélées, enquêtées et qu’il fut appelé à rendre des comptes, confirme que l’engagement et la pratique démocratiques d’Unifor sont toujours solides. Un détournement financier de cette ampleur n’aurait pas été confronté publiquement avec autant de force et dans de nombreuses autres organisations (qu’il s’agisse d’entreprises, de gouvernements ou de syndicats). Nous exprimons nos remerciements et notre soutien à la secrétaire-trésorière et au Conseil exécutif national d’Unifor d’avoir entrepris les enquêtes et les actions subséquentes. Ces actions étaient nécessaires à la fois pour remédier à cet acte répréhensible particulier et afin de s’assurer qu’il ne se reproduise plus jamais.

Il ne fait aucun doute qu’Unifor a été lésé par ces événements, et tous ceux et celles qui ont partagé l’espoir de notre nouveau syndicat ressentent cette blessure. Maintenant, avec le prochain congrès national, nous devons travailler pour panser ces blessures, apprendre des erreurs du passé et aller de l’avant pour bâtir le syndicat unifié, combatif et démocratique que doit être Unifor.

Nous sommes unanimes sur le fait d’avoir travaillé à la résolution de cette crise actuelle, d’en avoir tiré des leçons et d’avoir renforcé nos structures et nos pratiques, sera mieux dirigé par La consoeur Lana Payne et son équipe Avancer Ensemble. Il y a plusieurs principes essentiels qui ont été enchâssés dans la fondation d’Unifor, que seule Lana peut poursuivre de manière crédible.:

● En menant l’enquête initiale sur les actions de l’ancien président, contre la volonté de ceux et celles qui préféraient que la question reste cachée, Lana a démontré son engagement envers l’imputabilité et aux pratiques démocratiques. La crédibilité bâtie en posant ces actions sera essentielle afin de poursuivre la tâche difficile qui consistera à compléter l’enquête sur les actes répréhensibles passés et à établir de meilleures structures d’audit, de contrôle financier, de transparence et de direction collective pour empêcher que ce type d’abus ne se reproduise.

● La plateforme Avancer Ensemble s’engage à retravailler en profondeur les structures d’imputabilité de contrôle financier et de leadership collectif d’Unifor. C’est essentiel pour reconstruire les dégâts qui ont été causés ces derniers mois. Et seule une équipe avec un engagement prouvé envers ces changements, basée sur la crédibilité des actions passées de Lana face à ces actes répréhensibles, peut y parvenir.

● Unifor est un syndicat binational, avec un statut égal et une pleine autonomie pour notre division du Québec. Notre syndicat ne survivra pas sans l’entière participation et la solidarité de nos membres québécois, et seule Lana peut l’assurer.

● Lana possède des compétences inégalées pour communiquer avec nos membres, avec le public, avec les médias, avec les employeurs et avec les gouvernements, ainsi que pour transmettre honnêtement et passionnément les valeurs et les objectifs d’Unifor. Cette capacité de communication sera essentielle pour reconstruire la crédibilité et le prestige que notre syndicat doit maintenant retrouver.

● La plateforme Avancer Ensemble a mis l’accent sur la nécessité pour nous tous et toutes de revenir aux principes fondateurs d’Unifor, en regardant au-delà de cette crise afin d’évaluer sans crainte nos réalisations et nos limites. Nous sommes d’accord avec la plateforme, il est nécessaire d’entreprendre une évaluation complète et participative de la première décennie d’Unifor et d’adopter des recommandations essentielles pour nous assurer de reprendre le chemin de la réalisation de notre vision. Seul Avancer Ensemble s’est engagé à respecter pleinement l’esprit d’innovation démocratique et militant qui a inspiré Unifor en premier lieu.

Unifor a été formé à une époque de grand danger pour les syndicats canadiens et les travailleuses et travailleurs canadiens. La formation d’Unifor, avec une vision d’un syndicalisme démocratique, efficace, inclusif et militant, a été une victoire. Nous avons tous et toutes la responsabilité de poursuivre ce travail. Parce que les dangers auxquels notre mouvement est confronté aujourd’hui sont différents, mais toujours présents : y compris les populistes de droite qui nous priveraient du droit de former un syndicat s’ils le pouvaient ; des employeurs financiarisés et puissants qui traitent leur main-d’oeuvre comme étant jetable et transitoire; les crises persistantes du changement climatique, de la mondialisation et de la santé publique qui menacent nos moyens de subsistance et même nos vies.

En bref, les travailleuses et travailleurs canadiens ont aujourd’hui besoin d’Unifor encore plus que lors de la création d’Unifor. Ils ont besoin qu’Unifor soit le meilleur syndicat possible. Cela nous oblige à examiner honnêtement ce qui n’a pas fonctionné dans notre direction, à établir de nouvelles structures pour demander des comptes aux futurs dirigeants et dirigeantes et à reprendre le travail acharné de recrutement et de mobilisation des travailleurs et travailleuses en lutte pour leurs droits.

Lana Payne et l’équipe Avancer Ensemble nous offrent clairement la meilleure chance de récupérer et de réaliser collectivement le rêve qui nous a menés à créer ce grand syndicat.

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Peter Kennedy est l’ancien secrétaire-trésorier des TCA, l’ancien coprésident du comité des propositions de nouveau syndicat, le secrétaire-trésorier fondateur d’Unifor et Président du compte de santé des travailleurs et travailleuses de l’automobile.

Gaétan Ménard est ancien secrétaire-trésorier du SCEP, ancien co-président du Comité des propositions du nouveau syndicat et membre du Conseil canadien des relations industrielles.

Fred Wilson est un ancien adjoint au président du SCEP, ancien directeur de la planification stratégique d’Unifor et auteur de A New Kind of Union: Unifor and the Birth of the Modern Canadian Union (James Lorimer & Co, 2019).

Jim Stanford est ancien économiste et directeur de la politique économique, sociale et sectorielle pour les TCA, ancien directeur de la politique sociale et économique pour Unifor et directeur du Centre for Future Work.

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Les membres d’Unifor souhaitant commenter ou appuyer cette lettre ouverte peuvent envoyer un courriel à openletterunifordream@gmail.com

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Four Authors

Peter Kennedy, Gaétan Ménard, Fred Wilson, and Jim Stanford played central roles in the New Union Project that culminated in the formation of Unifor in 2013.