Il est temps de lancer une révolution pour la santé des corps féminins

Ou pourquoi je veux lancer MedFem Collective, une initiative digitale 100% dédiée à l’écoute, à l’accompagnement, au diagnostic et au meilleur traitement des corps dits “féminins”.

Paola Craveiro
11 min readFeb 3, 2020
https://medfem-collective.com

La médecine moderne a été inventée par des hommes, pour des hommes.

Pendant des siècles, le développement de la médecine a été porté par des scientifiques hommes — André Vésale, Ambroise Paré, William Harvey, Louis Pasteur, etc. Anatomie, techniques médicales, médicaments, chirurgie, vaccins : on se rend vite compte de l’ambiance “boys club, rien qu’en jetant un coup d’oeil la page wikipédia sur l’histoire de la médecine. Certains ont bien passé un bout de leur temps à étudier le corps des femmes. Il y a aussi eu quelques grandes scientifiques femmes. Mais, dans leur globalité, comme un peu tout dans notre société, la médecine et la santé sont imprégnées du masculin. Et, comme c’est bien connu, l’homme est l’universel, le masculin est neutre. Alors, ce qui marche pour lui, marchera forcément pour elle !

Une assemblée d’hommes, disséquant un corps d’homme dans La Leçon d’anatomie du docteur Tulp de Rembrandt

Pourtant, les corps féminins sont bien différents.

Leur structure et leur métabolisme ne sont pas les mêmes. Les corps féminins n’ont pas les mêmes mouvements hormonaux, ni les mêmes structures musculaires, ni les mêmes vitesses de digestion ou de métabolisation des médicaments. Ils n’ont pas les mêmes compositions, ils ne vivent pas les mêmes phénomènes. Ils réagissent différemment — à tout ! Hippocrate les avait d’ailleurs prévenu :

“Les médecins commettent la faute de ne pas s’informer exactement de la cause de la maladie, et de traiter comme s’il s’agissait d’une maladie masculine ; et j’ai déjà vu plus d’une femme succomber ainsi à cette sorte d’affections. Il faut, dès le début, interroger soigneusement sur la cause ; car les maladies des femmes et celles des hommes diffèrent beaucoup pour le traitement.”

Mais, il ne suffit pas de le dire pour le faire ! Les corps féminins sont sous-étudiés dans la recherche médicale et, quand ils le sont, souvent décortiqués à l’aulne de ce qu’on sait déjà des corps masculins. Les corps féminins sont donc mal connus — mais aussi mal diagnostiqués, mal traités et mal soignés. Par exemple, les femmes ont 2 fois plus de chance de mourir d’une crise cardiaque (car on ne reconnait pas leurs symptômes et que les traitements sont moins efficaces sur les métabolismes féminins) et 3 fois plus de chance de mourir dans l’année qui suit leur infarctus. D’ailleurs, les maladies cardio-vasculaires sont la première cause de mortalité chez les femmes : en France, elles tuent 6 fois plus que le cancer du sein (75 000 décès vs. 12 000) — et elles tuent plus de femmes que d’hommes (64 000 décès hommes)¹.

Une campagne de sensibilisation française pour mieux connaitre les symptômes féminins de l’infarctus

En finir avec l‘invisibilisation des corps féminins et de leurs souffrances

Les praticien·ne·s de santé n’ont souvent pas conscience de ces différences. Il·elle·s ne l’ont pas toujours appris dans leurs bouquins. Il·elle·s ne l’ont pas observé dans leurs pratiques, ni au cours de leurs formations. Il·elle·s ne l’ont pas lu dans les études cliniques ou dans les rapports scientifiques. Car ces contenus n’existent pas, car certaines maladies sont rares et peu connues — mais aussi, car devenir médecin (généraliste ou spécialiste), c’est parfois apprendre à ne pas trop faire confiance aux patient·e·s. Pourtant, dans le cas des corps féminins, il est particulièrement important d’écouter, car :

  • Les corps féminins réagissent différemment aux médicaments : ils sont 2 fois plus susceptibles de ressentir des effets secondaires lourds liés aux médicaments (aux USA, 8 médicaments sur 10 retirés du marché entre 1997 et 2001 posaient des risques de santé plus importants pour les femmes²), mais également 1,6 plus susceptibles de ne pas ressentir les effets d’un médicament³. Les corps féminins sont donc susceptibles de venir consulter plusieurs fois pour la même chose, ou de mal supporter les traitements — et de ne pas trouver de solutions à leurs maux ;
  • Les cycles menstruels et les mouvements hormonaux ne sont pas pris en compte lors des diagnostics et prescriptions : le corps féminin métabolise les anti-dépresseurs différemment en fonction du moment du cycle et donc, les dosages prescrits doivent être différents— et c’est pareil pour le paracétamol. Les corps féminins sont donc susceptibles de vivre deux fois la même affection et de ne pas réagir pareil à un traitement, deux fois de suite ;
  • Les corps féminins ne vivent pas la douleur de la même manière : selon des études préliminaires, les corps féminins n’utiliseraient pas les mêmes cellules immunitaires pour transmettre le signal de la douleur au système nerveux, ni la même réponse pour la pallier. Ils n’auraient donc pas besoin des mêmes molécules, ni des mêmes dosages. Mais, comme on est resté au stade de la recherche préliminaire, il n’y a à priori aucun ajustement en vue, pour le moment ;
  • Les corps féminins subissent plus fréquemment et plus forts certaines pathologies : les femmes représentent 80% des patients atteints de fibromyalgie, 80% des patients de maladies auto-immunes. Elles souffrent 2 fois plus du syndrôme du colon irritable et 3 fois plus de migraines. Et leurs douleurs sont souvent plus aigues et moins bien traitées— d’ailleurs, une femme attendra en moyenne 16 minutes de plus avant d’être traitée pour des douleurs (vs. un homme) quand elle ira aux urgences , à cause de stéréotypes associés au genre qui voudraient que les femmes sont plus douillettes et qu’elles exagèrent leurs douleurs ;
  • Certaines pathologies ou phénomènes des corps féminins sont mal connus et très peu étudiés : les solutions se font rares et longues à arriver lorsqu’on parle d’endométriose — c’est en moyenne 7 ans de errance médicale. De même, le syndrome pré-menstruel n’est pas très étudié : il y a 5 fois plus d’études sur le dysfonctionnement érectile que sur le syndrome pré-menstruel, et des chercheur·e·s se voient refuser des fonds pour des études sous prétexte que “le SPM n’existe pas”¹⁰.

Ces choses-là, on ne peut les apprendre qu’en faisant des études cliniques et de la recherche, sur les maladies et les médicaments — et en incluant TOUS les corps féminins, aussi bien aux stades préliminaires (souvent des études faites sur des animaux, majoritairement mâles) qu’aux stades les plus avancés. Ce qui n’est pas fait, ou pas bien, jusqu’à maintenant !

Mais on peut aussi l’apprendre en accumulant des informations & données, au fil des cas et des consultations, sur les corps féminins, en écoutant vraiment les symptômes déclarés, en observant les réactions — et en n’invisibilisant jamais leurs expériences !

De la nécessité d’écouter et de croire les patient·e·s

Parce qu’on connait mal les corps féminins et leurs pathologies, mais aussi à cause de nombreux stéréotypes sur les femmes (trop douillettes, trop fragiles, trop hystériques -_-), on accorde moins de crédibilité aux symptômes et plaintes exprimées. Lorsqu’une femme consulte, elle a plus de chances qu’un homme d’entendre les mots : “c’est normal”, “ce n’est rien de grave”, “ça va passer”, “c’est dans votre tête” ou encore “arrêtez de vous inquiéter pour rien”. D’ailleurs, 65% déclarent ne pas avoir été crues par un·e professionnel·le de santé au cours d’un rendez-vous médical et 75% disent avoir déjà été culpabilisées au moins une fois¹¹. Et la situation est encore pire si on est une femme racisée, si on a un handicap ou si on est LGBTQIA.

Ça donne des histoires comme celles là :

“Je suis allée voir un gynéco pour lui dire que j’avais très souvent des douleurs pendant les rapports, ainsi que des saignements. Il m’a dit que c’était rien du tout : “tout à fait normal’“, il a dit. Et puis, 5 mois après, je me suis retrouvée aux urgences, pour une rupture de kystes que je ne savais pas que j’avais.”
— M., 25 ans, Paris

ou même celle-là :

“Quand j’étais sous traitement pour réguler mes problèmes hormonaux, j’avais des douleurs pelviennes atroces. Les douleurs survenaient n’importe quand, sans raison, sans position particulière, sans activité particulière. Parfois au réveil, je ne pouvais plus bouger. J’en ai parlé plusieurs fois à l’endocrinologue. Il m’a répondu : “c’est normal”, “c’est comme ça”, “prenez votre mal en patience” et “qu’est-ce que vous voulez que j’y fasse”.
— A. 34 ans, Paris

C’est une spirale sans fin qui s’enclenche alors : les corps féminins ne sont pas traités, leurs pathologies non détectées et leurs symptômes non reconnus. Les corps féminins se sentent peu considérés, mal accompagnés. Nous allons alors moins chez le médecin. Des études et des témoignages s’accumulent : nous allons subir en silence les douleurs et les inconforts, nous automédiquer plus, avec des médicaments potentiellement peu efficaces. Nous allons supporter nos symptômes, jusqu’à être mal psychologiquement. Petit à petit, nous allons intérioriser le fait que c’est dans notre tête — jusqu’à ne plus vraiment savoir quand nous devons, ou pas, dire ce qu’on vit. Tout ça, sans que personne n’en est conscience — et sans que nous ne puissions donc identifier les problèmes. Nous les intériorisons, ainsi que la honte, l’appréhension, la peur, le traumatisme.

D’où l’importance, dès aujourd’hui, de parler — et de parler FORT — car tout cela n’est pas “juste” dans nos têtes !

MedFem Collective, un espace de santé dédié au corps dit “féminin”, où l’on se sent écoutée, respecté·e et accompagné·e

Étape #1 : t’informer et te soutenir

MedFem Collective, c’est d’abord un lieu sûr, où toutes tes préoccupations de santé sont écoutées.

Tu as mal pendant tes règles et quelqu’un a réussi à te faire croire que c’était normal ? Tu as besoin de conseils pour changer ta contraception et on ne t’a proposé aucune alternative à la pilule ? Tu as des problèmes de ventre et personne ne t’a trouvé de solution malgré tes plaintes répétées ? Tu sens que quelque chose ne va pas dans ton corps et personne ne te prend au sérieux ?

Inscris-toi et viens en discuter avec moi !

MedFem Collective, ce ne sont pas des professionnel·le·s de santé, alors je ne peux pas te promettre de régler ton souci immédiatement. Par contre, je crois très fort que, grâce à l’intelligence collective et à la force de la communauté, nous pouvons tous ensemble soulager les souffrances de beaucoup, en partageant des noms des praticien·ne·s qui nous ont aidé, en diffusant de manière pédagogique des contenus scientifiques vulgarisés ou encore en te soutenant dans toutes tes démarches de santé. Avec MedFem, je veux créer un endroit où on pourra te soutenir, t’accompagner et t’informer au mieux, sur ce que tu es en train de vivre. MedFem te mettra en relation avec d’autres personnes, qui ont peut-être vécu la même chose — et te préparera à aller voir un·e médécin avec tous les arguments dont tu as besoin pour te faire respecter aussi dans son cabinet !

Étape #2 : parler et faire connaitre des solutions alternatives

La médecine traditionnelle peut parfois présenter des failles quand il s’agit de traiter les corps féminins. C’est en partie pour cela que beaucoup se tournent vers des médecines “alternatives, comme l’homéopathie, la phytothérapie, ou encore la médecine chinoise. Dignes descendantes des pratiques “sorcières” (ces guérisseuses et sages-femmes autrefois tuées pour leurs connaissances hors normes des corps féminins et de la pharmacopée — entre autres !), elles traitent grâce à des propositions différentes, plus naturelles et proches du corps. Elles défendent également une culture de l’écoute et du respect patient qui gagnerait à imprégner un peu plus le milieu médical traditionnel. Avec MedFem Collective, je veux leur faire une place plus grande, en complément de la médecine traditionnelle, car elles apportent des solutions là où, parfois, il ne semble pas y en avoir. Il en va de même pour d’autres médecines douces : kinésithérapie, hypnose, sophrologie, etc.

“J’ai des soucis de digestion depuis des années et, généralement, la seule réponse que j’ai reçue par des médecins généralistes c’était : “ne vous inquiétez pas, c’est le stress”. Ce qui est possible, mais en attendant, ça ne réglait pas le problème. Les seules personnes qui ont su m’aider, c’était mon oncle, avec des massages liés à la médecine chinoise, et une kinésithérapeute, grâce à la kiné viscérale et à des conseils alimentaires.”
— E., 29 ans, Bourges

Mais ce n’est pas tout. Avec MedFem Collective, je veux aussi réintégrer des praticien·ne·s de santé, parfois moins considéré·e·s, mais tout aussi important·e·s : les sages-femmes et les infirmier·e·s. Je veux également parler de toutes les solutions qui ont marché, pour chacun·e d’entre nous. Sans garantir qu’elles fonctionnent pour tout le monde de la même manière, partager des solutions qui ont fonctionné pour moi, toi ou pour une autre personne de la communauté pourrait permettre à d’autres de se renseigner sur une alternative qu’i·elle ne connaissait pas et, peut-être, de trouver une solution à ses maux — et de mettre fin à une errance médicale insoutenable.

Étape #3 : rallier les praticien·ne·s de santé qui t’aideront vraiment

Rapidement, avec MedFem Collective, j’aimerais aussi pouvoir :

  • établir avec toi, patient·e·, une charte de comportement médical, quelques principes à respecter pour bien traiter et bien accueillir les corps féminins, leurs inquiétudes et leurs souffrances ;
  • réunir des praticien·ne·s de santé (de médecine traditionnelle et/ou alternative) qui y adhèrent et qui la respectent, avec tou·te·s leurs patient·e·s ;
  • créer des formations en ligne, sur des thématiques données, pour aider les praticien·ne·s de santé à évoluer dans leur accueil et dans leur écoute au quotidien ;
  • te permettre de contacter / de consulter des praticien·ne·s de santé coopté·e·s en ligne, pour une télé-consultation ou même pour une question de santé occasionnelle.

Tout ça, je bosse dessus et j’ai besoin de temps et de soutien pour tout développer. En attendant, j’ai surtout besoin de savoir ce que toi, tu pourrais attendre de cette clinique 100% dédiée aux corps féminins, pour que je développe la meilleure version possible de cette plateforme, à ton service !

3 actions à faire dès maintenant pour soutenir le projet MedFem Collective

J’ai besoin de toi pour donner vie à ce projet et à mener cette révolution nécessaire, dès aujourd’hui. Alors, là, tout de suite, ce que tu peux faire pour m’aider, c’est :

  1. Nous suivre sur Instagram @medfem.collective et partager nos contenus à tou·te·s tes proches qui pourraient être intéressé·e·s
  2. T’inscrire (que tu sois patient·e ou praticien·ne de santé) sur le site MedFem Collective : https://medfem-collective.com
  3. M’écrire à l’adresse paola@fxmmes.com pour me raconter tes soucis, tes inquiétudes, tes expériences, tes envies, etc.

Merci, et à très bientôt !

Notes :
#1 — j’utilise le mot “femme” lorsqu’il a été utilisé dans la source citée ou lorsque le genre perçu de la personne entre en jeu dans l’interaction indiquée — et j’utilise l’expression “corps dits ‘féminin(s)’” lorsqu’il s’agit de désigner une personne de sexe biologique féminin.

#2 — d’autres contenus viendront, où j’essayerai de parler plus en profondeur des spécificités de l’intersectionnalité dans la santé, de pourquoi j’ai choisi ce nom pour le service, des mécanismes qui se cachent derrière ce système actuel, etc. Ceci n’est qu’une intro…

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