I | L’Epargne bousculée

Clément Parramon
8 min readFeb 24, 2020

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L’épargne de précaution en France en 2019 représentait 411 Mds € d’encours pour les Livrets A et LDDS seulement. Extrêmement liquides, facilement accessibles et garantissant des (faibles) gains, ces produits ont vu leur encours augmenter sur l’année 2018 confirmant l’intérêt des Français.

Pourtant, malgré cette tendance à la hausse pour une épargne neutre, un certain nombre de nouveaux acteurs se positionnent sur ce marché. Portés par une actualité défavorisant les produits de précaution, ces néo-acteurs de la gestion patrimoniale espèrent bien prendre leur part de cet énorme gâteau.

Pourquoi épargnons-nous ? Quelles sont les façons de le faire aujourd’hui? Quelle place les néo-acteurs peuvent occuper sur ce marché financier ?

De quoi vais-je parler ?

  • Analyse du marché de l’épargne
  • Panorama [📅 2 Mars 2020]
  • Memorandum : Mon Petit Placement [📅 9 Mars 2020]

1. Epargne moi ces remarques

Les Français ont de nombreuses façon de construire leur patrimoine | (Source : Insee)

En France, nous avons de nombreux moyens de construire notre patrimoine (le stock), notamment par l’épargne (le flux).

Le patrimoine des ménages Français qui représente 11 494 Mds € progresse de + 3,8 % (ndlr. essentiellement en raison de l’augmentation des prix de l’immobilier). L’insee fait remarquer que parmi les actifs financiers, les ménages continuent de privilégier les placements bancaires. L’encours en numéraire et dépôts progresse. D’une part, les ménages préfèrent les placements en livrets aux placements à risque. D’autre part, les placements sur les dépôts à vue restent dynamiques.

Alors qu’au même moment (voir détail plus bas), ces placements sont de moins en moins rémunérateurs et largement en dessous de l’inflation.

Il semble donc que la tendance soit d’aller vers une épargne de précaution plutôt qu’un investissement long-terme. Cependant, creusons un peu plus sur la segmentation du marché pour comprendre ce qu’il se passe réellement.

La gestion de l’épargne se divise en deux monde | (Source : Mon Petit Placement)

Le marché de la gestion d’épargne se segmente par le montant d’investissement du client. Et selon qu‘il soit inférieur ou supérieur à 100k€, les services proposés au client sont bien différents. Une personne ayant un important patrimoine aura accès à : une relation personnalisée, une qualité du conseil plus forte, des expertises variées mises à disposition, des produits hauts de gamme compétitifs, une gestion déléguée, des mécanismes de défiscalisation, ..

Pourtant ces expertises, conseils, mécanismes, produits, .. intéressent fortement tous les ménages.

Quelques constats

  • 👀 Les frontières du conseil privé / conseil de masse deviennent floues

Jusqu’alors réservés à une clientèle privée, ces avantages sont de plus en plus lorgnés par les ménages (représentant tout de même 85% des actifs sous gestions) à tel point que les frontières entre les deux commencent à devenir floues. Les clients attendent plus de leur conseiller, et des startups commencent à se positionner sur cebesoin mal adressé.

  • 💤 Une épargne qui dort

“L’argent qui dort, ça suffit”
Bruno Le Maire | Ministre de l’Economie et des Finances

Les taux du Livrets A et du Livret de Développement Durable et Solidaire (LDDS) sont désormais tous les deux à 0,5%. En comparaison, l’inflation sous-jacente en décembre 2019 était de 1,1%.

En bref, on peut considérer que les Français sont peu portés sur le risque. Cela s’observe aussi sur le nombre de détenteur d’actions en bourse qui a chuté de 6 à 3 millions depuis 2008 !

Les enjeux sont identifiés par les pouvoirs publics. Il faut mieux expliquer aux Français le sens de l’épargne car cette épargne qui dort est “un argent assez neutre et stérile pour l’économie” (Source : Yann Tampéreau | Chef économiste de la CDC). La loi Pacte par exemple, amorce depuis 2019 du concret avec le développement d’un plan épargne retraite (PER).

  • 😵 Des acteurs bancaires historiques en peine pour adresser une pluralité de clients et de besoins d’épargne

Selon une étude de Bain, 1 client sur 4 est prêt à changer de banque dans l’année. L’accès au client est complexe et coûteux pour une banque, et au final ils restent en moyenne 4 ans.

Ceci est étroitement lié au fait que les néo-acteurs font monter les attentes des clients vis à vis des acteurs historiques. Ces derniers travaillent d’arrache-pied pour suivre le rythme infernal des startups.

Comment les banques réagissent-elles ?

Le sursaut des banques traditionnelles s’observe notamment avec de nombreuses acquisitions ou partenariats pour se moderniser.

Il y a fort à parier que les acteurs bancaires vont s’approcher d’acteur de la néo-gestion privée car les horizons de temps sont long (exonération des plus values réalisées dans la majorité des cas après 8 ans). Cela pourrait permettre de sécuriser des clients sur une durée plus longue que actuellement.

Par ailleurs, s’approcher de jeunes entreprises capables d’adresser une clientèle très large est un enjeu de distribution pour les banques. Le coût d’acquisition étant important, il ne serait pas étonnant de voir les modèles de distribution B2C ou B2B évoluer(le format B2B commençant à se développer)

Quel regards portons-nous sur les solutions d’épargne en 2020 ?

Comment dynamiser mon épargne ? Par où commencer ? A qui dois-je m’adresser ? .. Voila des questions que beaucoup se posent.

Enjeux & Tendances

Pour exister aujourd’hui sur le marché de l’épargne, il faut d’abord adresser les besoins fondamentaux des clients.

  • 📖 Transparence

Les clients veulent avoir plus d’informations sur ce qu’il y a derrière leur investissement, quels sont les produits utilisés, quelles sont les commissions des teneurs de comptes, ..

  • 👨‍🏫 Pédagogie

L’absence de connaissance financière (ou la méconnaissance) conduit à une mauvaise compréhension des stratégies d’investissement ou même encore une mauvaise appréciation du risque de certains produits. Vulgariser les termes et jouer le rôle d’accompagnant consolidera la confiance des clients dans le service et l’entreprise.

  • ➡️ Accessibilité

Pour démocratiser l’épargne financière, il faut commencer par la rendre accessible. Est-ce que le processus d’ouverture de compte est limpide ? Il faut libérer l’épargnant des points de frictions sur son chemin à l’épargne.

  • 📈 Performance

Certains produits sont aujourd’hui encore réservés à une clientèle à gros patrimoine. Bien que plus risqué, il existe des produits à meilleurs rendement qui pourraient intéresser une clientèle plus modeste.

De là, les comportements des clients varient alors énormément selon les critères suivants :

  • 💧 Epargne liquide vs non liquide

Est-ce que le client souhaite placer mon argent et pouvoir rapidement le récupérer (liquide) ou bien le bloquer ce qui me permet d’avoir accès à de meilleur rendement (non liquide) ?

  • 🤝 Autonomie vs accompagnement ?

Selon un sondage IFOP en 2016, 85% des Français n’ont pas bénéficié d’enseignements d’éducation budgétaire et financière, que ce soit à l’école, à l’université, dans leur entreprise ou dans un institut spécialisé.

  • 🌱 Produit vert : Dans quoi on investit ?

Selon un rapport de 2018, les investissements « responsables » se chiffrent à 30 700 Mds $ dans le monde. Finance verte, finance à impact, voilà les dénominations de nouveaux produits d’épargne qui intéressent de plus en plus les particuliers.

On parle plus communément d’ISR (Investissement socialement responsable) lorsque des critères ESG (Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance) sont intégrés pour concilier performance financière et développement durable.

De là, le monde de la finance verte se divise en 5 approches :

  • L’exclusion (des entreprises aux activités polluantes par exemple)
  • La sélection des meilleurs en termes d’ESG (dans un secteur spécifique)
  • La sélection des meilleurs en termes d’ESG (tous les secteurs confondus)
  • L’approche thématique (fonds dédié à l’eau…)
  • L’investissement à « impact positif », qui améliore concrètement une situation.

Alors que le choix de ces produits pouvaient se faire au détriment d’une performance financière, ils ont aujourd’hui ils ont le vent en poupe (+25% en actif sous gestion en deux ans). Le risque d’investissement demeure toutefois.

Au niveau des entreprises, on remarque par ailleurs que la destruction de valeur financière quand on intègre des objectifs ESG n’est pas systématique.

🏢 Quid des des acteurs historiques ?

La vraie question est peut-on vraiment s’en passer si on en est mécontent ?

Pas si facile. Et c’est bien tout le défi des nouveaux acteurs digitaux. Je suis prêt à mettre 100€ sur le compte de ma néo-banque. Mais suis-je prêt à y mettre 10000€ ?

Le seuil de confiance est relativement bas dans les néo-acteurs, malgré toute la valeur apportée à l’utilisateur. Il reste donc que la confiance dans les acteurs bancaires persiste pour le moment.

Philippe Oudea (Société Generale) | Paris Fintech Forum 2020 (Source : Twitter @FredericOudea)

C’est d’ailleurs ce qu’a rappelé Philippe Oudea (CEO Société Générale) lors de son passage au Paris Fintech Forum (PFF) en début d’année. Le rôle de la banque reste celui d’acteur de confiance, c’est son rôle initial que les néo-acteurs ne pourront pas rapidement construire. Il parle du rôle de la banque ici également.

La suite la semaine prochaine :)

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