Les visages de Paris 1924, Armand Blanchonnet, le grand blond avec deux médailles d’or

Pascal Leroy
4 min readJan 12, 2022

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Double champion olympique en 1924 grâce à ses victoires dans la course en ligne individuelle et la course des nations, le cycliste Armand Blanchonnet était un coureur nonchalant au physique avantageux, lui permettant aussi bien de briller sur route et sur piste que dans le cœur des dames…

“Le bel Armand”, sous le maillot blanc cerclé de noir du Vélo Club de Levallois, posant après sa victoire lors du 100 km des championnats militaires en juin 1924 à Vincennes, Image : https://gallica.bnf.fr/

Une panne d’oreiller peut parfois décider d’une carrière… Armand Blanchonnet le savait mieux que personne lui qui, à tout juste 17 ans, faillit manquer le départ de la course qui allait décider de son avenir . Aligné in extremis sur le Challenge Riguelle, le grand échalas qu’est alors ce jeune ajusteur-monteur né en 1903, a bien fait de s’extirper de son lourd sommeil. Malgré son allure d’échassier, il tape ce jour-là dans l’œil de Paul Ruinart, le directeur sportif visionnaire du Vélo club de Levallois. Le VCL, c’est l’académie du sport cycliste dans les années folles, une fabrique à champions portée par les méthodes d’entraînement révolutionnaires du “Père la Ruine”, comme le surnomment ses disciples. Sous le maillot blanc cerclé de noir du club levalloisien, Blanchonnet apprend à “faire le métier” et à forcer un peu son caractère, aimable, mais cédant parfois à la facilité et à d’autres plaisirs que ceux de franchir en vainqueur la ligne d’arrivée.

“Le “bel Armand” comme tout le monde l’appelait, adorait courir… surtout après les femmes, résume ainsi Georges Berretrot dans But et Club du 3 avril1950. Il avait infiniment de tendresse pour le beau sexe. Ce n’est pas défendu mais, quand on doit pédaler, ce n’est pas très indiqué. Il avait une nature indolente, une démarche nonchalante, il ne s’énervait jamais. C’était un grand gabarit, fin, mais musclé.”

Armand Blanchonnet sous le maillot de l’équipe de France à Gisors, lors de la course en ligne des Jeux Olympiques de Paris le 23 juillet 1924, Image : https://gallica.bnf.fr/

Longiligne mais bien bâti, 1m82 pour 78 kilos, Blanchonnet a surtout une “caisse” énorme. Aux tests de l’Ecole de Joinville, il surpasse même le grand Charles Rigoulot, “homme le plus fort du monde” en devenir, pourtant peu connu pour avoir une capacité pulmonaire de rossignol ! Fort de ce don de Mère Nature et sans forcer trop la sienne, il s’impose parmi les meilleurs amateurs, devient quelques semaines avant les Jeux de 1924 à Paris champion de France militaire sur 100 km, sa distance de prédilection, et s’impose comme l’un des atouts de l’équipe nationale olympique, composée exclusivement de sociétaires du VCL (1). En grande forme, il fait en juillet une véritable démonstration lors de la course en ligne et la course des nations qui vaut alors à l’équipe de France son plus éclatant succès depuis le début des Jeux olympiques de Paris.

“Blanchonnet a été remarquable de bout en bout. Et c’est de loin qu’il a enlevé la première place, écrit le lendemain de son titre olympique dans la course en ligne l’envoyé spécial de L’Auto, Charles Ravaud. Il faut avoir vu le jeune coureur sur la route, luttant contre un vent terrible à l’aller et prenant jusqu’à dix minutes aux meilleurs représentants de dix-huit nations qui voulaient la victoire à tout prix, pour se rendre exactement compte du magnifique effort qu’il a produit. Blanchonnet a été renversant, effarant ! Et il m’apparaît, aujourd’hui, que je l’ai vu sortir si aisément d’une lutte terrible, monotone, insipide, effroyablement dure, comme un futur grand as de demain.”

Blanchonnet version pistard, ici en 1928, Image : https://gallica.bnf.fr/

Hélas, ni la moyenne de 30 km/h qu’il affiche sur les 188 km de ce contre-la-montre olympique, ni ses deux titres n’inciteront Armand Blanchonnet à persévérer sur route, où il aurait pu devenir un redoutable rouleur. En 1931, il remporte bien le contre-la-montre des championnats de France, mais c’est surtout sur la piste qu’il brille… par intermittence. Lui, dont les qualités physiques auraient pu faire un candidat sérieux au record de l’heure, mais qui ne “parvenait pas à s’astreindre aux rigueurs de l’entraînement” (2), fera bien quelques coups d’éclat sur les vélodromes. Une victoire dans les Six Jours de Paris en 1930 avec Charles Pélissier. Une autre dans les Six Jours de Marseille en 1932 avec le Hollandais Piet Van Kempen. Mais jamais il n’y confirmera non plus vraiment les espoirs que ses deux médailles olympique avaient fait naître. Pire, il faillit même perdre la vie sur la piste, lors de l’édition des Six Jours de Paris en 1935, son entraîneur lui ayant visiblement bien trop “salé la soupe”, dans ce qui contribue à mettre en lumière certaines pratiques dopantes alors en vogue dans le monde des pistards. “Le bel Armand”, qui perd connaissance au Vel d’Hiv, manque d’un rien d’y laisser la peau, restant hospitalisé plusieurs jours dans le coma. Déjà plus que trentenaire, ce coup de semonce aura raison d’un improbable retour au premier plan. Et c’est comme commercial qu’il assurera sa reconversion, activité où sa “belle gueule” a bien dû lui valoir d’autres genres de succès…

Blanchonnet au repos dans sa cagna au Vel d’Hiv en 1928. Sept ans plus tard, il manquera d’un rien de laisser la vie sur la piste du vélodrome parisien, Image : https://gallica.bnf.fr/

(1) Outre Armand Blanchonnet, l’équipe se compose de Georges Wambst, André Leducq et René Hamel, tous entraînés par Paul Ruinart au VCL (2) Dans L’Athlège, p. 160, Editions Kléber, 1949.

Retrouvez d’autres portraits de personnalités qui ont fait les Jeux olympique de 1924 à Paris : Géo André, Pierre Chayriguès, Louis Faure-Dujarric, Eric Liddell, Diddie Vlasto, Johnny Weismuller, Paavo Nurmi, Harold Abrahams, Duke Kahanamoku, Edmond Dehorter, Gertrude Ederle.

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Pascal Leroy

Journalist, writer and sports rag and bone man, always searching for ancient pictures and stories