Les visages de Paris 1924, Eric Liddell l’Écossais qui venait de Chine
Un siècle avant les JO de 2024, qui auront pour cadre la capitale française, Paris organisait les derniers Jeux en date sur les bords de Seine. Celles et ceux qui ont alors fait l’actualité ont tous marqué de leur empreinte l’histoire de l’olympisme. Cette galerie de portraits vous invite à les découvrir au moment même où Paris s’invente un nouveau destin olympique.
Immortalisé dans le film “Les Chariots de Feu” de Hugh Hudson, qui relate sa rivalité avec le sprinter anglais Harold Abrahams, le destin d’Eric Liddell a bien plus été marqué par sa foi et son attachement à la Chine que par sa médaille d’or olympique sur 400m aux JO de 1924. Même, pendant l’été suivant son sacre, lorsqu’il écume les meetings d’athlétisme européens, même chez lui, devant la foule d’Ibrox Park à Glasgow, en extase devant “son” champion, le “pasteur volant” accueille cette gloire avec une réserve confinant parfois à la gêne : “Liddell est, en effet, l’Écossais type, représentant bien la nation calédonienne et conservant en lui toute la tradition de pratiques religieuses très strictes, de vie simple et régulière, où les effets de la ténacité sont les seuls facteurs de variation, observe Pierre Lewden, envoyé par “Le Miroir des Sports” (1) couvrir à Glasgow le retour au pays de l’enfant chéri en août 1924. C’est un drapeau écossais vivant, emblème dont ses compatriotes éprouvent une fierté considérable”.
Un Écossais, fier de ses glens et de ses lochs, mais dont l’identité s’est forgée aussi très loin de là, en Asie. Eric est en effet né en 1902 à Tianjin, au nord-est de la Chine. Ses parents, missionnaires presbytériens, le gardent à leurs côtés jusqu’à l’âge de cinq ans, avant de l’envoyer faire ses études avec son frère aîné Rob en Grande-Bretagne. C’est au Eltham College, puis à l’Université d’Edimbourg qu’il cultive ses deux passions : le sport, en pratiquant avec un même succès l’athlétisme et le rugby - 7 fois international avec l’Écosse-, et l’éloquence, qu’il met au service de sa foi dans des prêches inspirés. Mais même au faîte de sa gloire lors des Jeux olympiques de Paris, où son refus de prendre part aux séries du 100m, disputées le dimanche, font autant pour sa renommée que sa victoire dans le 400m, son esprit est ailleurs. Le champion olympique veut retourner en Asie, pour y poursuivre la mission de ses parents.
Quelques mois seulement après son succès sur la piste du stade de Colombes, Eric Liddell quitte l’Europe et s’embarque pour la Chine. Là-bas, il renoue le fil de l’histoire familiale, loin du tumulte des compétitions. D’abord à Tianjin, puis à Xiaochang, il met toute son énergie au service de la population. En 1932, il est ordonné pasteur et se marie deux ans plus tard. Missionnaire, il s’investit dans l’éducation, exerce comme professeur de sports et de chimie et épaule son frère dans les soins aux plus démunis. Il n’en oublie pas tout à fait le sport pour autant : en 1926, s’est en s’inspirant de ses plans que le stade de Tianjin, réalisé sur le modèle de Stamford Bridge à Londres, voit le jour. Hélas, son destin prend un tournant bien plus dramatique lorsqu’éclate la guerre sino-japonaise en 1937.
En 1941 après l’entrée du Japon, puissance occupante de la Chine, dans le second conflit mondial, la Grande-Bretagne demande à ses ressortissants de quitter le pays. Liddell fait évacuer sa femme et leurs filles vers le Canada, mais décide de rester sur place pour aider son frère, médecin, à soigner la population, très éprouvée par la guerre. En 1943, il est arrêté par les Japonais et placé dans un camp d’internement. C’est là qu’il commence à souffrir des premiers symptômes d’une tumeur au cerveau qui l’emporte le 21 février 1945 à l’âge de 43 ans. Il aura au final passé plus de 25 ans de sa vie en Chine. Alors, Eric Liddell était-il le plus Chinois des Écossais ou bien le plus Écossais des Chinois ? Vous avez 47.6 secondes pour répondre à la question, chrono de sa victoire dans le 400m olympique sur la piste du stade de Colombes en 1924…
(1) Le Miroir des Sports, daté du mercredi 27 août 1924, p 13.
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