L’inacceptable dédain de Macron pour les droits des personnes trans
Les événements se succèdent avec tant de rapidité qu’il est parfois difficile de prendre le temps d’un recul sur ce qui, par touches successives, construit nos normes et nos cadres d’action.
Le 18 juin dernier, sur l’île de Sein, à l’occasion d’une discussion avec des passants, le président de la République déclarait que le programme du Nouveau Front populaire contenait « des choses complètement ubuesques, comme aller changer de sexe en mairie ». Alors que neuf jours plus tôt le Rassemblement national réalisait un score historique aux élections européennes, alors que les personnes transgenres font l’objet d’une violente campagne par les extrêmes-droites du monde entier, alors que des hommes aussi puissants médiatiquement qu’Elon Musk s’évertuent, quasiment quotidiennement, à les stigmatiser, Emmanuel Macron choisissait de crier avec la meute haineuse.
Le parcours de toutes celles et ceux qui ne se reconnaissent pas dans le genre qui leur a été assigné à la naissance est un combat harassant. Pour changer d’état civil, il faut encore passer devant un juge et non faire une simple déclaration en mairie, comme c’est le cas en Allemagne, en Espagne, en Belgique. A la naissance pourtant, le genre est simplement déclaré — il ne fait pas l’objet d’une ratification judiciaire.
Certes, depuis 2016, le changement d’état civil n’est plus subordonné à un changement physique. Mais la violence demeure malheureusement le quotidien des personnes transgenres : isolement, stigmatisation, discriminations, violences physiques et psychologiques, non acceptation dans les sphères familiales et professionnelles. Le rapport remis au ministre de la Santé par Hervé Picard, Simon Jutant et Geneviève Gueydan en 2022, qui estime entre 20 000 et 60 000 les personnes transgenres en France, dénonçait ainsi des parcours de soin longs, difficiles et jalonnés d’entraves, marqués par la pathologisation de la transidentité et par la stigmatisation.
Permettre à ces personnes de faire changer leur état-civil sans en passer par un processus juridique jonché de souffrances et d’entraves sera un progrès.
C’est ce libéralisme que la gauche doit défendre ; celui d’une liberté qui permet aux individus de s’émanciper et non d’être aliéné à un genre lorsqu’il est uniquement synonyme de souffrance ; un libéralisme qui refuse la fixité des structures sociales pour les faire évoluer positivement ; un libéralisme qui s’oppose à la détermination de l’individu par des critères strictement biologiques et qui lui reconnait une possibilité d’auto-détermination de genre.
Nous ne pouvons ni comprendre, ni excuser les mots d’Emmanuel Macron. Il confirme, une fois de plus, non pas qu’il serait « à la fois de gauche et de droite » — ce mensonge-là nous n’y avons jamais cru -, mais qu’il abandonne même la droite libérale. Par de tels propos, il confirme son inscription dans une droite réactionnaire pour laquelle le libéralisme se limite à la sphère économique : l’homme est libre, mais seulement de s’aliéner dans des rapports de production inégalitaires.
C’est ce conservatisme qu’il faut combattre pour faire prévaloir une autre société, respectueuse des choix de chacun. Et en attendant la victoire, il faut nous consoler en allant voir Karla Sofía Gascón incarner Emilia Perez de Jacques Audiard, multi-primé du festival de Cannes.