Les 5 erreurs UX des startups

Personae User Lab
6 min readFeb 25, 2016

Pas si “UX centered” que ça

Pour le premier article de Personae User Lab sur Medium, nous avions envie de vous parler de l’avenir en se concentrant sur les startup, ces entreprises qui veulent dessiner le futur dans lequel nous allons évoluer.

Ma dernière participation en tant que coach au Startup Weekend à Nantes et plus récemment en tant que jury puis coach UX pour les candidats du 303Tour m’ont rappelé que les start up ne sont pas nécessairement plus tournées que les grands groupes, vers leurs utilisateurs (leurs pratiques, paradoxes, angoisses, fantasmes, envies, besoins, etc.). Hé oui, pour une seule qui est “user centered”, de nombreuses autres ne le sont pas. D’ailleurs, comment le pourraient-elles, arc-boutées sur leurs certitudes, le bienfondé de leur approche ou la croyance forte en leur business model ?

Je vous propose de balayer rapidement les 5 erreurs majeures des startups que j’ai pu observer vis-à-vis de la démarche UX (user expérience).

1 — S’imaginer que sa cible parle le même langage que soi

Penser que l’utilisateur comprendra spontanément ce qu’on souhaite lui vendre ou lui faire savoir implique qu’il partage nécessairement les mêmes codes que vous. Or, vos propos peuvent être polysémiques et dépendre de la situation d’énonciation du côté de l’entreprise et de la situation d’écoute de vos propos par l’utilisateur/consommateur.

Trop préoccupées par leur envie de montrer leur savoir faire et d’argumenter sur le problème qu’elles vont résoudre, elles oublient parfois de se demander si leur discours sera évident pour leurs cibles. Je restituai récemment un exemple d’un usertest réalisé auprès d’un leader du ecommerce en France. Sa gamme tarifaire n’avait pas été comprise facilement. En effet la différence entre une offre “basique” et “standard” avait fait douter sur leur contenu respectif. Un dirigeant de startup m’expliqua alors avec beaucoup d’arguments rationnels que “basique” était l’entrée de gamme et que “standard” était la norme, l’offre médiane par rapport à la demande. “Médiane” ? Quel consommateur dispose spontanément de ce mot là dans son champ lexical habituel et quotidien ? Et je ne savais toujours pas au final ce qui expliquait la différence de tarif.

Un autre site web a montré à quel point une offre peut être difficile à comprendre : que signifient des offres “slow attitude” ? J’ai obtenu certes de nombreux synonymes: “ça veut dire détente, tranquille, sans stress”. Mais des cas concrets d’offres (spa, restaurant gastronomique) n’ont été cités que beaucoup plus tard, preuve que deviner les particularités de cette tranche de gamme n’était pas évident. Et tout ce qui n’est pas compréhensible rapidement n’incite pas au clic. Il y a plus de chance que l’utilisateur soit séduit par quelque chose dont le bénéfice lui semble pertinent d’emblée plutôt qu’il cède à une irrépressible curiosité en tentant de résoudre une énigme.

2 — Poser des questions qui ne recueillent que des réponses attendues

Une fois que la startup prend du recul et adopte une attitude de questionnement sur soi et décide d’aller à la rencontre des utilisateurs, elle n’a pas pour autant abandonné ses a priori. Elle risque toujours de biaiser les questions qu’elle va poser à ses cibles potentielles.

Une startup qui souhaite valider les fonctionnalités de son application sans d’abord valider le principe même de sa démarche aura certes des infos opérationnelles sur l’optimisation de ses pages et le fonctionnement de son application mais risque d’investir trop de temps sur des axes de travail et des fonctionnalités qui, au final, auraient peu d’intérêts. Dans ce cas, elle ne valide pas son postulat de départ.

Il y a donc un ordre dans les questions que vous posez, n’assumez pas que tel ou tel élément sera forcément évident ou accepté. Une fonctionnalité peut être simple à utiliser, présentant une succession d’écrans logique et permettant de réaliser une tâche rapidement mais elle ne présage pas du succès d’un concept, surtout si la fonctionnalité ne répond pas réellement à un souci utilisateur.

3 — Poser des questions qui ne recueillent que des réponses fermées

Dans une démarche qualitative, l’attitude à adopter est d’approfondir les réponses des utilisateurs cibles. Il s’agit de comprendre les comportements, de creuser telle ou telle déclaration ou restitution de comportements afin de déterminer ce qui les motivent. Cette occasion d’avoir vos utilisateurs sous la main ne doit pas être gâchée par des questions qui vous apporteront uniquement des tendances. Vous aurez ainsi uniquement des données chiffrées sur lesquelles vous n’oserez finalement pas vous baser car n’espérez pas chercher une quelconque légitimité statistique dans l’interview de quelques personnes. Vous pourriez certes interviewer au moins 100 personnes pour disposer au final de pourcentages un tant soit peu solides, mais dans ce cas l’objectif d’une approche qualitative et UX disparaît.

Il faut au contraire exploiter au maximum les questions ouvertes. Ne pas demander “Est-ce que ce service avec telle ou telle fonctionnalité vous plait?” mais plutôt “Qu’est-ce qui vous plait dans ce service?”. Cette 2e formulation aura pour avantage de laisser l’interviewé dire lui-même, avec ses propres mots, ce qui le motive. Vous saurez ainsi où se trouve son intérêt et apprendrez au passage les éléments qu’il n’a pas retenu. Bien sûr, la question récurrente qui doit guider toute interview qualitative est “Pourquoi?”. Un utilisateur doit argumenter ses propos et expliquer ses choix. La démarche UX favorise le pourquoi et non plus le quoi.

4 — Etre trop centré sur la fonctionnalité technique en oubliant la situation d’usage

Avant de savoir comment ça marche, l’utilisateur souhaite savoir pourquoi il utiliserait telle ou telle application. Il doit pouvoir se projeter facilement dans des situations d’usages. Si par exemple le but d’une application est de retrouver les coordonnées de rencontres professionnelles faites lors d’événement, d’un salon ou d’une soirée, il ne faut pas alors se focaliser sur le simple fait que la connexion avec son profil LinkedIn sera facilitée. Il faut tout d’abord mettre en avant l’aspect géolocalisation et faire comprendre que vous retrouverez des personnes ayant été au même endroit que vous. Pas nécessairement à qui vous avez parlé mais avec qui vous avez partagé, à un moment donné précis, un même intérêt.

5 — Trop extrapoler vis-à-vis de données statistiques

Les convictions d’un créateur d’entreprise peuvent être renforcées par des études statistiques qu’il a pu lire. Il renforce par de la data ses hypothèses et c’est tant mieux. En effet, aller chercher de quoi étayer son intuition est indispensable mais attention aux raccourcis et autres interprétations trop risquées. Pour nuancer les données que vous lisez, vous devez absolument faire attention à la nature des données obtenues et à la manière dont elles ont été récoltées.

Par exemple quand vous lisez que 9 personnes sur 10 n’arrivent pas à joindre leur médecin au téléphone pour leur poser une question, demandez-vous combien de personnes ont été interrogées. Si on vous répond 62, cela n’est pas suffisant. Et si c’est uniquement dans l’ouest de la France, ça l’est encore moins. Par ailleurs, il faut connaitre le profil de ces 90% de répondants et leurs pratiques. Sont-ils représentatifs des personnes qui appellent leur médecin ou est-ce une population atypique qui appelle plusieurs fois par semaine par exemple ? Vous ne saurez toutes ces choses que si vous le demandez à vos utilisateurs potentiels. Vous n’aurez jamais de réponses à des questions que vous n’avez pas posé.

Demandez-vous enfin, comment la question a été posée (cf les points 2 et 3).

Certes, une startup pourra plus facilement pivoter et adopter un autre axe si elle constate qu’elle ne rencontre pas son public. Mais elle aussi, a besoin d’être sensibilisée à cette démarche UX, une démarche au cœur de toute création de services, produits, applications, site web…

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Personae User Lab

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