De bulle en bulle

Avez-vous déjà eu l’impression de vivre dans une bulle ? Pour l’informaticien Max Hawkins, la réponse est oui, et il a inventé une application pour y remédier.

Philippine Kauffmann
4 min readJul 13, 2017
Un des événements auxquels Max a assisté

Pendant les élections présidentielles, beaucoup d’Américains se sont rendu compte qu’ils vivaient dans une « bulle ». Entre les électeurs de Donald Trump et d'Hillary Clinton, la communication était rompue. Trump était un dangereux raciste misogyne pour les uns, tandis qu’Hillary était l’incarnation d’un système maléfique pour les autres. Ce clivage, qui a toujours existé, est exacerbé par les réseaux sociaux. Sur Facebook, par exemple, un algorithme prend en compte ce que vous ou vos amis aimez déjà, pour ensuite vous proposer du contenu similaire. Et même hors-ligne il est difficile de sortir de sa bulle : la routine quotidienne vous entraîne toujours sur le même chemin, jusqu’au même bureau, à échanger avec les mêmes amis et les mêmes collègues.

Quand Max Hawkins, un informaticien américain, a compris qu’il vivait lui aussi dans une bulle, il a voulu trouver un moyen d’en explorer d’autres. Il appréciait sa bulle : habitant à San Francisco, employé chez Google, heureux propriétaire d’un vélo avec lequel il se rendait au travail tous les matins, il y faisait bon vivre. Mais un jour, Max s’est senti enfermé, de plus en plus proche des gens qu’il côtoyait et de plus en plus éloigné des autres. Il raconte : “C’était comme si je lisais une histoire que j’ai déjà lue ou que je jouais un scénario écrit par quelqu’un d’autre”. Pour y remédier, il a créé une application. Celle-ci sélectionne, de manière aléatoire, un événement public sur Facebook. Max s’est donné pour objectif d’assister à chacun des événements choisis pour lui. Il a nommé ce procédé le « Bubble Hopping », sauter de bulle en bulle, en français.

Max Hawkins

Au début Max était appréhensif, gêné, car une bonne partie des évènements où il se rendait avaient été rendus publics par inadvertance et les convives étaient donc surpris de le voir. Il s’est ainsi retrouvé en train de boire des cocktails dans une chambre d’hôtel avec des Russes, à un cours de danse salsa, un autre d’acroyoga, ou encore au petit déjeuner d’une maison de quartier. Cette année-là, le jour de Noël, Max décide de ne pas rentrer chez lui. À la place, il fait 2h de route avec un ami pour se rendre à un soirée organisée par une retraitée pour ses proches. Arrivé à la porte, il raconte son projet et l’hôte lui répond simplement « Ah, formidable ! Nous adorons Facebook ! Je suis contente que vous soyez là. Bienvenue !”. Ils deviennent amis instantanément et sur une vidéo prise pendant la soirée, on peut les voir chanter tous ensemble, le plus naturellement du monde.

Max fête Noël avec des inconnus

Depuis la médiatisation de son histoire, une communauté s’est formée autour de Max. Un groupe Facebook, qui compte plus de trois mille membres, réunit des personnes de tous les horizons qui veulent s’essayer au saut de bulle en bulle. L’application de Max n’est pas encore publique. Il confirme qu’elle est toujours en développement et que les membres du groupe seront les premiers à pouvoir tester la version bêta. Cependant, il est possible de recevoir un événement aléatoire en envoyant un message sur la page Facebook de Third Party et en indiquant l’endroit et l’heure auxquels vous êtes disponibles. Les membres témoignent de leurs expériences. Matt, un employé de musée, plutôt de gauche, s’est retrouvé à parler de politique et religion dans une pizzeria à l’occasion d’une réunion de motards, tous de droite et passionnés de deux roues. Quant à Steven, un Américain expatrié au Mexique, il a assisté à un atelier consacré aux laits végétaux, auquel il n’a compris que “5% de ce qui a été dit” (ne parlant pas espagnol) “mais 100% de l’essentiel”. Jayden, elle, a participé à une réunion de jeunes entrepreneuses. Elle était anxieuse à l’idée d’être la seule blanche dans une communauté de noires américaines mais elle a beaucoup appris et pense même s’investir davantage pour les prochains événements du groupe.

Interrogé sur la communauté naissante, Max répond : “Je trouve cela vraiment bien que d’autres personnes essayent le “bubble hopping” et partagent leurs aventures. Quand j’ai fondé le groupe, c’était une immense expérience. Les histoires que les gens postent dans le groupe sont une formidable surprise.

Pour ceux qui, comme Max Hawkins, se sentent enfermés dans leur bulle, il existe de nombreuses possibilités d’introduire un peu, ou même beaucoup, d’aléatoire dans sa vie. Son site, maxhawkins.me, en est rempli : d’une playlist spotify qui joue n’importe quel morceau présent sur le site pour les plus frileux, à un générateur de destination de vacances aléatoire pour les plus téméraires. Max, quant à lui, est allé jusqu’au bout de son idée en vivant, pendant deux ans et par tranches d’un mois, dans des endroits sélectionnés pour lui par un algorithme. Il s’est maintenant installé à Los Angeles et continue d’utiliser son application. Dimanche dernier, elle l’a envoyé au centre de bahaïsme (une “religion mondiale indépendante”) de Santa Monica. Il ne connaissait rien de ce culte et décrit : “C’était une messe magnifique avec beaucoup de chanson, de poésie et même des larmes.

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