Construire Ensemble — Chapitre #1 : Impact Mapping

Recentrer le périmètre d’un projet autour d’objectifs business précis

Pierre Criulanscy
8 min readSep 24, 2019

Click here for the english version

Avant Propos

Concevoir et réaliser un produit conforme aux attentes des utilisateurs est une expérience grisante. Depuis 2017 je me passionne pour les outils de conception et les méthodologies de développement supposés accentuer grandement les chances de succès d’une entreprise dans la création de son produit ou, à défaut, de détecter rapidement les mauvaises décisions et/ou directions.

L’aspect technique dans le développement d’un logiciel ou d’une application est évidemment important. Mais l’aspect humain l’est encore plus. La compréhension globale du projet par tous les acteurs de sa réalisation est primordiale. Product owner, responsable business, développeurs, designers, doivent travailler ensemble pour éviter tout clivage entre le problème que l’entreprise souhaite résoudre grâce à son produit, et la solution technique imaginée.

Au fil de mes lectures, j’ai remarqué qu’il y avait peu de ressources en ligne présentant cette méthodologie dans son ensemble, décrivant chaque étape et le lien entre elles, avec les interrogations qui surviennent inévitablement en cours de route.

Ces derniers mois je me suis donc attelé à créer un produit, sur mon temps libre, en prenant tour à tour la casquette du responsable business, celle du product owner, et celle du développeur back ou front. Le résultat en est forcément biaisé, n’ayant a prori pas de trouble dissociatif de la personnalité, mais j’ai trouvé l’expérience intéressante. Un peu comme si j’avais l’équipe d’une petite startup dans ma tête. C’est d’ailleurs cette équipe imaginaire que je vous propose de suivre dans les prochains chapitres, pour découvrir les concepts d’Impact Mapping, d’EventStorming, d’Example Mapping, de Behavior Driven Development, de Test Driven Development, etc., dans le processus de création d’un nouveau produit, et de la rédaction des articles composant cette petite histoire. Je ne détaillerai pas les procédés de découverte des besoins utilisateurs, comme les outils de Design Thinking par exemple, je ne suis pas le plus qualifié pour ça.

Cette équipe est composée de Bizz, le responsable business, Paul-Olivier (PO) le product owner, Senior le développeur sénior et Junior le développeur junior. Chaque personnage a son importance pour se faire écho en temps voulu des problématiques rencontrées dans le vrai monde. Evidemment, il convient de garder à l’esprit que c’est un exemple théorique, et qu’en pratique des ajustements sont nécessaires. Vous êtes prêts ? Bienvenue dans mon cerveau…

— Bienvenue à tous, salua Bizz, la réunion d’aujourd’hui est importante car elle sonne le début d’un nouveau projet très excitant. Comme vous le savez, notre priorité ici dans le cerveau c’est la connaissance, le savoir. Et le savoir n’est réel que lorsqu’il est partagé.

— Ca c’est le bonheur pas le savoir, maugréa Senior, démontrant une nouvelle fois son aversion pour le manque de rigueur.

— En tant que responsable business, continua Bizz, je vous ai réuni ici pour que nous discutions ensemble de la meilleure façon de partager nos modestes connaissances avec la communauté des développeurs du monde entier. Nous allons faire un atelier qui sera animé par PO et à qui je laisse le soin de vous en dire plus.

— Merci Bizz, nous allons faire un atelier d’Impact Mapping, dit Paul-Olivier. Comme le soulignait Bizz, notre objectif est de partager notre connaissance, pour qu’elle soit discutée et qu’elle s’en trouve donc enrichie. L’Impact Mapping est un outil de planning stratégique. Il permet d’éviter de se perdre dans une infinité de fonctionnalités qui s’éloignent de l’objectif initial. Cette carte visuelle permet de répondre aux questions : “Pourquoi ?”, “Pour qui ?”, “Comment ?”, “Quoi ?”. Le “pourquoi” correspond toujours à un objectif business.

— Mais on est dans un cerveau ! Il n’y a pas d’argent ici ! interrompit Junior.

— Nous ne sommes pas riches que d’argent, répondit Bizz. La monnaie ici c’est la connaissance et notre objectif business est donc lié à la connaissance que nous devons partager.

PO reprit :
— En effet, cet objectif constitue le coeur de notre impact map. Celui-ci doit être SMART (Spécifique, Mesurable, Acceptable, Réaliste, Temporellement défini). Le notre est donc d’obtenir 2000 “claps” sur l’ensemble des chapitres de cette histoire avant la fin de l’année 2019. Vous pouvez voir sur l’écran les indicateurs clés de cet objectif :

« Nous pouvons maintenant placer cet objectif comme “GOAL” de notre impact map :

— N’étions-nous pas supposés développer un produit ? s’interrogea Junior.

— Ne sautons pas d’étapes, dit PO. Le produit que nous allons développer servira de support aux chapitres de cette histoire. L’objectif reste le partage de connaissances, le produit à développer fait partie des solutions techniques possibles. Nous y reviendrons.

« Nous devons maintenant nous interroger sur les différents acteurs qui peuvent nous aider à atteindre cet objectif ou au contraire ceux qui pourraient nous ralentir. Qui peut produire l’effet escompté ? Qui sont les utilisateurs ? Qui va être impacté ?

— De toute évidence, les acteurs principaux sont les membres de Medium, dit Senior. Ce sont les premiers utilisateurs à qui l’on s’adresse. Ils cherchent à lire des articles inspirants. Et plus précisément les membres intéressés par la conception d’un projet web et également par les outils pour mener à bien sa réalisation. Et ce sont eux qui “clap”…

PO acquiesça.
— Effectivement, ce sont ce que l’on appelle les acteurs primaires. Il existe 3 types d’acteurs :

  • Les acteurs primaires, dont les besoins sont directement remplis.
  • Les acteurs secondaires, qui fournissent un service.
  • Les acteurs en coulisse, qui sont intéressés par les différents impacts mais qui n’apportent pas directement de service

— Senior a trouvé un type d’acteur primaire, rappela PO en se tournant vers l’équipe, pouvez-vous tentez d’en trouver d’autres ?

— Je pense à l’équipe de curation de Medium, dit Junior. S’ils mettent en avant nos articles, cela augmentera fortement leur visibilité.

— N’oublions pas non plus Twitter, par qui nous allons diffuser nos publicités, fit remarquer Bizz.

PO ajouta ces informations sur l’impact map avant de tourner l’écran une nouvelle fois vers ses collègues.
— Voici où nous en sommes à présent:

— Nous pouvons donc maintenant parler des fonctionnalités du produit que nous allons développer ? demanda Junior.

— Toujours pas, dit PO. Nous voulons éviter d’avoir une liste de fonctionnalités sous forme de liste de courses. Le niveau suivant de l’impact map permet de mettre en scène les acteurs dans le contexte de notre objectif. Comment peuvent-ils nous aider à atteindre cet objectif ? Quel comportement doivent-ils adopter pour aller dans cette direction ? Ceci correspond aux impacts que nous essayons de créer. De ces réflexions découleront les fonctionnalités que nous jugerons les plus pertinentes, et non l’inverse.

L’idéal est d’indiquer des changements dans le comportement de nos acteurs, ajouta Bizz. Par exemple, nos lecteurs Medium apprennent en lisant des articles mais nous voulons qu’ils le fassent avec encore plus d’efficacité.

— Nous souhaitons aussi les voir “clapper” plus que d’habitude nos articles, ajouta Junior.

Senior prit la parole à son tour :
— Dans le même ordre d’idée, on aimerait créer des échanges, à travers des commentaires postées sous nos articles.

— Nous voici donc avec trois “impacts” concernant les lecteurs de Medium, résuma PO. Pour ce qui est de l’équipe de curation de Medium je pense que vous serez tous d’accord pour dire que si elle sélectionne l’un de nos articles, cela aura un fort impact sur la réalisation de notre objectif. L’”impact” de Twitter quant à lui peut se limiter dans un premier temps au simple fait qu’il va publier nos publicités. Voici l’impact map mise à jour avec ces éléments :

— Nous allons enfin pouvoir parler du produit que nous allons développer, fit Junior. J’ai remarqué dans mon apprentissage que je comprenais mieux certains concepts s’ils étaient articulés logiquement ensemble, dans un contexte réel. Cela prend tout son sens maintenant, développer un produit pour s’en servir de fil conducteur tout au long de l’apprentissage paraît être une bonne idée !

— Tout à fait, dit PO. C’est d’ailleurs la dernière étape de notre impact map. Maintenant que nous avons répondu aux trois premières questions “Pourquoi ?”, “Qui ?”, “Comment ?”, nous pouvons tenter de répondre au “Quoi ?”. Chaque élément, ou livrable, sera ainsi rattaché à l’objectif initial, et ne sortira pas de nulle part, comme cela peut bien trop souvent être le cas avec une simple liste de fonctionnalités. Junior a donc parfaitement défini un “livrable” que l’on peut rattacher à l’impact “apprendre de nouveaux concepts plus efficacement”. Complétons tout de suite notre impact map :

Senior, toujours aussi pragmatique, ajouta :
— J’imagine que le simple fait de répondre à toutes les éventuelles réponses postées sur les articles à venir constitue un “livrable” à part entière. Concernant les “claps”, la transposition sous forme d’histoire fictive est un pari risqué, mais peut s’avérer efficace pour susciter l’intérêt.

L’équipe acquiesça, PO modifia l’impact map dans une première version finalisée suite aux propositions de Senior :

— Vous l’aurez remarqué, fit Bizz, nous n’avons que très peu parlé de technique dans cet atelier. Le but était que tout le monde soit sur la même longueur d’onde pour travailler de concert à la réalisation de notre objectif. Nous aborderons la conception du produit dans les prochains ateliers. Etant le responsable business ici, dans le cerveau, tout ce que je peux vous dire pour le moment c’est que ce produit portera sur la mémoire ! Merci à tous pour votre participation et à bientôt pour le prochain atelier : l’EventStorming.

Lire le Chapitre #2 : EventStorming

--

--