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Pourquoi sommes-nous si pessimistes ?

Réflexions sur une société qui ne rêve plus.

Pierre Pilleyre

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Du point de vue du progrès, les 70 premières années du XXe siècle furent extra-ordinaires.

Alors que nous nous déplacions en calèche au début du siècle, nous envoyons un homme sur la lune en 1969. Nous inventons l’ordinateur, les microprocesseurs, la relativité général, le physique quantique, la biologie, les antibiotiques, les vaccins, la contraception, le cinéma, le téléphone etc.

Alors que les guerres font rages, les pays se développent, dans l’espoir que demain sera meilleur qu’aujourd’hui. Malgré les destructions et les morts, l’optimisme règne : l’espérance de vie s’accroit, les conditions de vie s’améliorent, l’économie prospère.

C’est d’ailleurs l’époque des grands rêves. C’est le discours de Kennedy sur la conquête spatiale ou celui de Martin Luther King : I have a dream.

Nous nous imaginons bientôt au volant de voiture volantes, à bord de vols commerciaux pour Mars. Nous pensons à la disparition du travail, au passage à une société post-capitaliste.

Que reste-t-il de ces rêves aujourd’hui ?

Depuis les années 1970, le rythme de l’innovation s’est considérablement ralentit. Rien de tout ce que nous avions imaginé à l’époque n’existe aujourd’hui.

le progrès vient essentiellement du secteur de l’information et des communications : internet et les téléphones portables. Bien que non négligeables, ces innovations font débat et nous ne pouvons pas affirmer qu’elles améliorent nos conditions de vie.

Quand bien même, cela est bien faible si l’on compare les années 1920- 1970 aux années 1970–2020.

Pour la première fois, nos rêves ont laissé place à la peur. Nous sommes persuadés que demain sera pire qu’aujourd’hui.

Nous sommes rentrés dans un cycle dépressif dans les années 70 que nous ne parvenons pas à briser.

Abondance → Précarité

Les années 70, c’est dans les pays occidentaux la fin d’une période idyllique, les trente glorieuses.

Les chocs pétroliers ont trois effets dévastateurs sur l’économie :

  1. Pour la première fois depuis longtemps, le pouvoir d’achat diminue. Nous consommons moins à cause de l’inflation.
  2. Nous redécouvrons le chômage que nous pensions disparu car les entreprises ne parviennent plus à vendre.
  3. Les taux de croissances des économies chutent, parfois dans le négatif.

Cette période de stagflation, qui allie faible croissance et augmentation rapide des prix, fait éclater le paradigme des trente glorieuses. Nous entrons dans l’ère du doute.

Précarité → Pessimisme

Cette société d’abondance et de plein emploi, où chaque génération vivait mieux, plus riche et plus longtemps que la précédente, prit fin brutalement par les à-coups successifs des chocs pétroliers.

Soudain nous constatons que le progrès n’est pas illimité. Nous prenons conscience que l’abondance que nous avons connu n’est pas garantie pour nos enfants.

L’euphorie progressiste prend fin dans un fracas tel qu’il marque nos esprits au fer rouge. Rien ne sera jamais plus comme avant.

La fête est finie. Nous en avons bien profité. Maintenant, il va falloir nous serrer la ceinture.

Pessimisme → Aversion au risque

Dans une société d’abondance, l’échec est insignifiant. L’offre d’emplois est suffisante pour nous permettre de trouver un job du jour au lendemain.

Nous venons de planter notre entreprise ? Notre placement financier a chuté ?Achetons le journal et postulons à quelques offres, nous aurons des entretiens dès demain, peu importe notre votre CV.

La structure même de la société produit un filet de sécurité qui nous permet de limiter les conséquences de nos échecs. Nous pouvons suivre nos passions et nos rêves sans trop prêter attention à nos finances.

À l’inverse, dans une société qui stagne, notre première préoccupation est la survie. Nos instincts se révèlent dans cette atmosphère instable.

Nous voulons avant tout, pour nous et nos proches, un toit et de la nourriture. Les rêves passent au second plan. Plus question de s’éparpiller.

Dans le pessimisme ambiant, l’imagination fait place à la servitude.

Aversion au risque → Conformisme

Si nous demandons à 100 personnes vivant dans une société d’abondance comment résoudre un problème, nous recueillerions des dizaines de réponses différentes.

Si nous réalisons le même exercice dans une société stagnante et pessimiste, nous obtiendrons seulement quelques réponses différentes.

Lorsque notre environnement devient instable, et à fortiori quand nous avons l’impression qu’il devient dangereux, nous ne souhaitons pas ajouter d’autres motifs d’inquiétudes. Nous nous réfugions dans ce qui nous paraît sûr, rassurant, sans risque.

Nous faisons les études les plus prestigieuses pour s’assurer un travail. Nous nous orientons vers les secteurs qui embauchent. Nous ne faisons pas de vague, nous restons dans les rangs pour ne pas attirer l’opprobre.

Nous regardons les mêmes films, nous aimons les mêmes livres et nous partons en voyage aux mêmes endroits. L’isolement est vécu comme une honte qui risquerait de nous couper les vivres.

À une échelle différente, les investisseurs, les entrepreneurs et les banques ne cherchent plus de projets innovants. Trop risqués. Ils n’investissent que dans les grandes tendances, où les gains sont maximisés et les pertes limitées.

L’armée des clones

Le conformisme globale qui en ressort provoque un tarissement des innovations. Plus personne n’a les moyens ni l’envie de se risquer dans des aventures où 90% échouent.

Les tendances identifiées comme plus sûres et moins volatiles ont la côte. Tout le monde se rue vers elles.

Conformisme → Concurrence

Dans une société stagnante où nous pensons que demain sera pire qu’aujourd’hui, nous orientons nos choix pour assurer en premier lieu notre survie.

Toutes nos décisions doivent être rentables. Nous éliminons de notre champs des possibles toute option qui ne nous ferait pas gagner d’argent à court terme.

Alors que dans une société prospère nous nous laissons guider par des intérêts aussi divers que nos désirs peuvent l’être, dans une société pessimiste notre seul intérêt est l’argent.

Plutôt que d’être distribuée sur une myriade d’activités différentes, la population se concentre dans les secteurs et métiers jugés rentables. Il en ressort une compétition accrue dans ces filières.

Nous touchons là au noeud du problème. Un excès de concurrence combinée à une pénurie d’innovation entraine un jeu à somme nulle.

Concurrence → Stagnation → Précarité …

Prenons l’exemple de journalisme. Poussés par l’impératif du scoop, les médias se copient, s’espionnent, se sabotent, baissent la qualité de leur contenu afin d’être les plus rapides.

S’ensuit que la création de valeur et la déontologie passent au second plan. La production s’homogénéise pour répondre à la nécessité de faire ce qui marche, ce qui buzz.

Une logique commerciale cynique remplace une logique créative.

La différentiation entre les acteurs d’un même secteur s’amenuise. Nous pouvons difficilement aujourd’hui classer les médias selon leur obédience tant ils diffusent tous des informations similaires, suivant les mêmes codes et les mêmes objectifs.

Cette très faible création de valeur entretient la précarité et le pessimisme de la société. La boucle est bouclée.

Briser le cercle

Dans ces conditions, comment pouvons-nous dépasser ce conditionnement pessimiste ? Comment pouvons-nous construire une société où les rêves et les innovations retrouvent leur attrait ?

La solution se trouve en nous.

Nous ne sommes notre société. Nous ne sommes pas notre conditionnement. Nous ne sommes pas ce que nous subissions.

Nous sommes ce que nous décidons d’être.

Décidons d’être courageux.
Décidons d’être rêveur.
Décidons de ne plus être des victimes.
Décidons de changer les choses.

Seulement avec cet état d’esprit nous poserons les bases d’une société capable de réaliser les rêves interrompus du XXe siècle et bien plus.

Bravo ! Vous faites partie des rares qui sont parvenus jusqu’à la fin de cet article. Merci de m’avoir accordé du temps 🙏

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