S’inspirer des méthodes agiles pour créer une organisation scalable et responsive : retour sur Yolocracy #4

Pramana
5 min readJul 13, 2018

Une fois de plus je partage avec vous les pépites offertes par les speakers lors des conférences Yolocracy organisées par la startup Xpedition. Pour cette 4ème édition, les startups Dashlane et Chauffeur Privé ont exposé leurs recettes pour cracker les règles organisationnelles. Leur constat : les modèles de fonctionnement agiles (ex : SCRUM, Kanban…) font leurs preuves mais ne sont pas suffisants pour que l’organisation s’adapte à des contraintes métier qui évoluent rapidement, qu’elles soient issues de la stratégie ou imposées par le marché. L’application rigoureuse de ces modèles est limitante pour rendre une organisation « scalable »(capacité à dimensionner rapidement la force de travail en fonction du besoin et de la stratégie) et « responsive »(capacité à s’adapter rapidement et efficacement aux changements), ce à quoi nos 2 startups ont répondu avec créativité. Je vous présente dans cet article les cas concrets illustrant l’adaptation des modèles agiles (approche produit) aux enjeux de croissance.

Dashlane est une startup entre Paris et New-York qui propose une solution de coffre-fort de mots de passe. Elle permet de stocker de manière sécurisée tous nos mots de passe et d’en retenir qu’un seul, Dashlane se charge de l’authentification sur chaque site internet ou application. Dashlane propose également une solution de paiement sécurisé sur internet. Frédéric RIVAIN, CTO (Chief Transformation Officer) de Dashlane a présenté comment la startup est passée d’une organisation calquée sur l’architecture technique de leur produit en une organisation par « feature teams » (équipes orientées fonctionnalités). La startup est progressivement passée de méthodes agiles rigoureuses aux OKR (objectives and key results) en passant par la gestion d’une roadmap. Avant la mise en place des feature teams (des équipes pluridisciplinaires orientées objectifs métier), avec une transversalité sur les aspects techniques (plateformes…). Quelques caractéristiques de ces feature teams :

  • Orientation métier : acquisition de client, transformation de client, rétention de client, B2B.
  • Pluridisciplinarité : un business stakeholder (partie prenante), un SCRUM master, des développeurs pour chaque plateforme technique (Windows, iOs, Android, Web, server…)
  • Liberté d’adaptation des pratiques agiles par les équipes
  • Formation : Toute l’équipe est formée à la compréhension des indicateurs business

En plus de ces feature teams, des communautés de pratiques permettent de partager les savoirs entre les différentes équipes. Ce changement d’organisation a été appliqué en mode « big bang » (du jour au lendemain) et a été couronné de succès grâce à l’implication de volontaires dans la définition de la cible organisationnelle, grâce à de nombreux team buildings et beaucoup de communication. Aujourd’hui, l’alignement des équipes au métier associé à l’utilisation des OKR rend l’entreprise plus scalable. Quelques inconvénients tout de même, la gestion des sujets purement techniques devient difficile et l’organisation se complexifie ce qui ne permet pas de maximiser le caractère « responsive » de l’organisation. La solution imaginée pour répondre à ces nouvelles problématiques : les « mission teams » ! Ce chantier à venir vise à adapter l’organisation actuelle en proposant une mission (raison d’être) à chaque feature team, cette équipe se dissolvant une fois sa mission accomplie (2–3 mois minimum). Cette nouvelle organisation proposera plus de flexibilité pour adresser les besoins et contraintes qui se présentent au fil de l’eau.

Chauffeur privé, entreprise numérique de VTC, a été rachetée en décembre 2017 par Daimler, géant de l’industrie automobile, qui ambitionne de devenir le 1er sur le marché des VTC en Europe. Maud VOGEL, Lead Product Manager chez Chauffeur Privé, est venue présenter comment les équipes s’organisent et s’adaptent pour répondre aux exigences du nouveau propriétaire, à savoir d’ouvrir une nouvelle ville en septembre, une seconde d’ici fin 2018 puis une ville tous les deux mois. Le défi est difficile à relever dans la mesure où l’application est développée spécifiquement pour les villes françaises (Paris et Lyon) et non transposable dans d’autres pays. Un marathon a débuté début 2018 pour refondre l’application et remplir les objectifs d’internationalisation. Pour cela, plusieurs mesures ont été prises :

  • Abandon de la roadmap et interruption des développements métier. Il reste une seule partie prenante, le CTO (Chief Transformation Officer)
  • Constitution d’une « Kernel team » responsable d’établir la liste des « epics » (exigences) à mettre en œuvre puis priorisation (ex : gel des développements sur la plateforme web)

Anciennement, le fonctionnement par feature teams donnait une totale autonomie aux équipes avec une orientation par objectifs métier associés à des KPI (Indicateurs de performance). Le besoin de répartir les tâches en fonction des ressources disponibles et non plus du périmètre métier a fait émerger le concept de « color-team » dont les principes sont les suivants :

  • Un objectif commun à toute les équipes : ouvrir la 1ère ville en septembre
  • La répartition aléatoire des epics et suppression de la barrière fonctionnelle
  • Une méthode de travail inspirée de SCRUM et Kanban mêlant sprints et visibilité cross-équipes notamment via une forte communication transverse

La motivation des troupes est également un facteur clef de succès, c’est pourquoi une équipe de crise a été détachée cet été pour motiver les équipes. Une stratégie MVP (most viable product : meilleur produit viable) est également adoptée par un ajustement du périmètre, les ressources étant limitées et les délais incompressibles. Aujourd’hui Chauffeur privé est confiant pour la tenue de ses engagements et pense pouvoir adopter de nouveau une organisation fonctionnelle l’année prochaine lorsque le cœur du produit permettra de s’internationaliser plus facilement.

Ce qu’il faut retenir de cette conférence, c’est qu’il y a autant d’organisations que de contextes ! Les modèles, même agiles, existent pour guider et inspirer, non pas pour être instanciés de façon dogmatique. Nos deux startups ont témoigné de la possibilité d’adapter ces principes à leurs contraintes respectives, donnant une unicité à leur organisation (mission teams vs. color teams). L’environnement exerce des contraintessur le développement de l’entreprise et seule une stratégie contextuelle, basée sur l’auto-organisation des équipes avec une raison-d’être claire et partagée, permet de les adresser.

Adrien Tardif,
Consultant Pramana

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