Cahier de désécriture
Philippe Berthaut
Le cahier d’écolier n’a pas d’âge : celui sur lequel on boucle des lettres dont on dit qu’elles seraient attachées. Petit à petit, au fil de l’écriture, les lettres et les mots se retournent, se détournent, prêts à bifurquer.
C’est sous la forme d’un cahier que se présente cette série de poèmes singuliers que Philippe Berthaut a déployé comme un lierre. Et, puisque la langue a sa vie propre, que les mirages et les accidents de son et de sens apparaissent comment autant de phénomènes météorologiques qu’il faudrait consigner quelque part, c’est bien d’un cahier de désécriture dont on a besoin pour parvenir à « faire vibrer cette clôture que le langage crée / jusqu’à la faire éclater comme un cristal détruit par un son suraigu ». C’est cet élan que nous suivons, c’est un appel à l’air. Et, dans son sillage, remonter jusqu’aux livres précédents de l’auteur, revus et mis à jour sur Publie.net pour l’occasion : Seau rouge, seau bleu et Enregistré sous…
Pour extraire cette langue et l’exposer au ciel ouvert de la lecture, nous aurions comme plongé nos mains dans une gueule animale. Ce qui en est sorti n’est pas un vestige figé mais une fraction de parole en mouvement. Philippe Berthaut, chanteur et poète, sait comment jardiner le langage et élever au rang de langue propre une langue parallèle, qui nous marche dessus autant que nous marchons en elle, le long de nos errances, dans nos lapsus, dans nos élans de tendresse poétique. Un travail de sculpteur de branches et de glaise qui doit allier le geste à la matière vivante pour « Détruire chaque mot : le raviner / Lui enlever un pan d’argile / À finir avec lui lentement / Comme il en a fini avec moi. »
Accompagner Berthaut dans cet élan intérieur de vingt-et-un jours, dans ce cahier d’errance, ce journal qui serpente, c’est le suivre en nous-mêmes. Quelle est cette langue qui nous porte et que le plus souvent nous ne savons pas dire ? À l’économie, parfois jusqu’à la rareté du son, la finesse de son nerf, il s’agit de confronter, à la lecture, à l’écriture, cette matière lunaire qui se saisit des cordes vocales pour les faire vaciller. C’est à la fois en nos corps et au-dehors car, souvenons-nous, « c’est trop étroit une peau » disait Emaz. C’est sa finesse, aussi, qui nous permet de voir au-dedans, sous la gorge, la langue en construction, les hauts fourneaux du dire. Cette langue en glaise nous est précieuse chez Publie.net. Chantons-la.
Guillaume Vissac
Un extrait du texte
7 juillet
Ces mots les prendre tous
Les pendre les réduire en cendres
De lettres
Et les jeter à la ueule béante
Des défaites.
Fatigue. Fratigue.
Fracture dans la fleur : l’abeille.
Dans le parcours du jour
Le parjour le quotidien éficelé
L’effort de respirer
L’essor vain de l’air dans les poumons
Balise au Cœur.
Il faut du temps
Et le temps accéléré
Ne sert plus à rien
Servile vie
Attachée à durer
Contre et malgré.
Détruire chaque mot : le raviner
Lui enlever un pan d’argile
À finir avec lui lentement
Comme il en a fini avec moi.
L’auteur
Poète, chanteur, écrivain, comédien/lecteur, animateur et formateur d’animateurs d’ateliers d’écriture Philippe Berthaut est né en 1952 à Aigueperse (Puy-de-Dôme) et vit à Toulouse.
Après un DEA en Lettres Modernes et des études de linguistique, il choisit de mettre en mélodie les poèmes qu’il écrit et de les chanter sur scène. Il débute en 1972 avec un premier récital à la Cave Poésie.
En 1981 il fonde avec d’autres chanteurs, des enseignants et des responsables de salles de spectacle, Toulouse Action Chanson, l’une des premières association en Midi-Pyrénées à créer des ateliers d’écriture…Comédien chanteur dans diverses pièces mises en scène par Luc Montech et Monique Demay telles que La Chanson de Roland, V comme Vian, Baudelaire, Rimbaud, il donne des lectures publiques dans le cadre des lectures organisées par la revue Multiples à la librairie Ombres Blanches de Toulouse, à la Cave-Poésie René Gouzenne, pour le Marathon des mots.
Ses principales créations chantées sont Le Chant-Flipper (Film France 3 en 1983), La Grande Battue (1985), Bateau Epices (1986) et Les Chants de la Nuitée (1996).
Il a aussi réalisé des spectacles sur des poètes comme Eugène Guillevic (création au Printemps de Bourges, 1987) et Pierre Reverdy (CD et spectacle, 1989).
Son dernier spectacle, Routes captives donné en octobre 2006 à la Cave Poésie est un parcours poétique associant photographies, textes, musique et vidéo. Le DVD Routes captives accompagné de l’intégralité des textes (livret) est paru en février 2008. Il a été aussi conseiller littéraire auprès de la boutique d’écriture du Grand Toulouse de 2000 à 2011.
Formateur pour l’animation d’ateliers d’écriture créative au Cnam de Toulouse.
Télécharger le livre
Cahier de désécriture | Philippe Berthaut | Sortie le 30.01.2015 | 2,99€ | Ce livre seradisponible aux formats EPUB et MOBI sur toutes les plateformes de téléchargement | ISBN 978–2–37177–105–5 | Poésie