Presque comme une lettre à La Poste: comment le groupe délègue ses services

Enola Richet
4 min readJan 30, 2020

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Le nombre des bureaux de poste en France est en chute libre. La mission historique de La Poste, transporter lettres et colis, ne représente plus que 20% de ses revenus. Le maillage des services postaux étant fixé par contrat avec l’État, les bureaux de poste traditionnels sont remplacés par des agences gérées par les villes, ou par des relais tenus par des commerçants. En France, La Poste ne gère plus qu’un point de contact avec les usagers sur deux.

Bar, tabac, épicerie, dépôt de pain et… relais de poste. Il est désormais possible d’envoyer et de recevoir des lettres et colis depuis des petits commerces de proximité. Les Français envoient de moins en moins de lettres, et il y a de moins en moins de bureaux de poste sur le territoire. En 2005, on en comptait 14 000. Ils sont un peu moins de 8 000 aujourd’hui. Mais, contrairement à une idée reçue, le maillage postal ne diminue pas, il évolue. Désormais, plus de la moitié des points de contacts de La Poste, c’est-à-dire des endroits où l’usager peut bénéficier de services postaux, sont gérés par les communes ou des commerçants, et non par La Poste elle-même.

Cette délégation de service public en plein essor divise les usagers. La poste a fermé l’un des trois bureaux de la ville de Saint-Cloud, dans les Hauts-de-Seine, et l’a remplacé par un point-relais dans un Franprix à l’été 2019. Avec des commerçants du quartier, le maire et d’autres habitants, Valérie Guichard, une clodoaldienne, s’était alors mobilisée contre la fermeture. Elle déplore un service très dégradé pour les usagers. « Au Franprix, ils ne prennent pas les colis quand c’est envoyé à l’international. Si j’ai un paquet international, je suis obligée d’aller à la grande poste, qui est bien plus loin. Ça m’est arrivé à Noël. Pour moi ça va, mais pour les personnes âgées, c’est plus compliqué. » Pourtant la disparition des bureaux ne fait pas que des malheureux. Dans les petites communes, les relais, mêmes s’ils ne permettent pas certains services, arrangent les habitants. « Quand on avait un bureau de poste c’était compliqué, parce qu’il n’était ouvert que le matin et pas les week-ends, explique Sonia, une employée de la mairie de Fos-sur-Mer, qui habite la commune. Le nouveau relais commerçant est ouvert tous les jours, c’est beaucoup plus pratique.»

La Poste remplit une mission de service public. Les modalités de mise en œuvre de cette mission sont inscrites dans un accord, renégocié régulièrement par l’entreprise et l’État. Ainsi, le contrat pour la période 2018–2022 précise que La Poste est tenue de maintenir ses 17 000 points de contacts. Le maillage territorial doit également être dense: il ne faut pas que plus de 10 % de la population d’un département soit éloignée de plus de 5 km, ou que l’usager ait à prendre le volant plus de 20 minutes pour rejoindre un point de contact postal.

La Poste ne peut donc pas jouer sur le nombre de ces points de contact, ni sur leur localisation, mais elle peut jouer sur leur nature. Le groupe opte de plus en plus pour des partenariats, signés avec des particuliers ou des collectivités, pour assurer les services d’envoi et de réception des courriers. Peu à peu, les bureaux de poste, gérés par La Poste elle-même, sont remplacés par des agences postales, gérées par des communes, ou par des relais de poste, tenus par des commerçants.

Partout sur le territoire ces lieux hybrides se multiplient, et les colis et lettres s’entassent dans les remises des boulangeries, des garages ou des boucheries. Dans certains départements, ce sont plus de 80% des points de contact postaux qui ne sont plus gérés par le groupe. Dans le Grand-Est, la plupart des bureaux de poste sont concentrés dans les grandes villes. Les commerçants et les communes ont pris le relais pour couvrir le reste du territoire.

Ce changement de modèle se fait-il au détriment du service offert? On peut toujours envoyer et recevoir lettres et colis depuis des agences et des relais de poste, et il est aussi possible d’y acheter des timbres et des enveloppes. Dans certaines agences, les usagers peuvent même retirer de petites sommes d’argent. Mais toutes les autres opérations financières sont interdites. Un vrai moins pour les clients de la banque postale.

Jeanne Péru-Gelly et Enola Richet

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