La MYNE : une Manufacture des Idées et Nouvelles Expérimentations autonome*

Rieul Techer
10 min readJan 13, 2017
Logo de La MYNE [Baptiste Nominé, Timothée Gosselin, Clement Poudret — CC-BY-NC-SA]

Le 17 Décembre se déroulait la 3ème Assemblée Générale (AG) de la Paillasse Saône (notes) — la 1ère était l’AG constituante en Décembre 2014, la 2nde AG était double (ordinaire et extraordinaire) en Décembre 2015. Cette 3ème AG a été l’occasion d’un bilan ouvert, de la définition des orientations 2017 et d’un changement de nom: bienvenue à la MYNE.

Note: l’objet de ce post est de revenir sur l’histoire qui a amené à la MYNE, ce qui en fait son identité et de clarifier les éléments qui nous ont poussés au positionnement actuel de la MYNE, notamment vis-à-vis de La Paillasse Saône. Cette dernière clarification n’a pas lieu de justification: elle vient en réponse à de nombreux questionnements que nous avons pu avoir sur le sujet.

Histoire d’un débordement

Avec la MYNE il ne s’agit pas renier les bases qui ont permis de constituer en partie notre ADN, il s’agit d’affirmer l’impact de l’adaptation à notre environnement par mutations successives

La MYNE avant

“Historiquement” (du haut de nos 2 petites années d’existence officielle), la MYNE a été le réceptacle des activités de l’association La Paillasse Saône. Définie initialement comme le (tiers)lieu physique d’actions de la communauté de la Paillasse Saône, la MYNE a peu à peu débordé de ce cadre. En effet, elle ne représente plus “que” ce “laboratoire communautaire ouvert dédié aux cleantechs et biotechs — ou eco-hacklab” qu’était La Paillasse Saône, mais une diversité d’activités, de communautés, de pratiques et de projets faisant tiers-lieu aussi bien sur le plan matériel et physique qu’immatériel et virtuel. Nous sommes finalement passé de “bio-hackerspace auto-proclamé” à “shared-hybrid-space vécu et expérimenté”; en bref ce que l’on peut présenter comme un tiers-lieu open-source.

[ conférence ] La démocratie locale à l’épreuve des communs. Superpublic. Paris. 06 octobre 2015:

[@NicolasLoubet] @ch4r1zz confesse que la maison — la MYNE — est devenue le cœur de l’exp. de @LaPaillassaone

[@ELw38] @NicolasLoubet “exp.”… Expression? Expérience? Expérimentation? Expiration? Expatriation? Expetera…😊

[@NicolasLoubet] @ELw38 C’est un peu de tout ça :-)

Photo de la dépendance de la MYNE [Nicolas Loubet — CC-BY-NC-SA]

L’histoire de la MYNE ne commence pas avec La Paillasse Saône. Pour (r)appel, elle est née d’une frustration d’un monde de la recherche, de l’entreprise et de l’industrie trop fermé, cloisonné, pyramidal et fortement hiérarchique, aliénant et étouffant ce que l’on pourrait décrire comme “l’esprit d’initiative” (si tant est qu’il existe un tel esprit a priori). A cette frustration s’ajoute une certaine ouverture d’esprit, de nombreuses rencontres fortuites et une bonne dose de motivation pour faire émerger PanDyBox… Un embryon de MYNE, brouillon, jeune… un peu bullshit mais qui a eu le mérite de formaliser un projet, un cadre et une équipe qui ont accompagné et accompagnent toujours l’aventure (Claire B.D.C., Emilie F., Pierryves P. Charlotte R. et en toile de fond mais toujours présent Yoann G.D.).

La Paillasse Paris (de 2013) a fortement inspiré ce projet : “La Paillasse Saône est un projet indépendant et un essaimage du concept du bio-hackerspace parisien la Paillasse” (La Paillasse Saône, Blog) et a permis la mise en place d’un cadre de valeurs commun et partagé. Nous nous reconnaissons d’un patrimoine commun et d’une identité commune par de nombreux aspects, dont les centraux sont la recherche, la science ouverte, l’open-source, le hacking… La Paillasse Paris de 2013 (et par extension — ou infusion — le /tmp/lab) nous a en effet fourni un cadre pour penser et expérimenter un eco-hacklab sur la Métropole de Lyon, lui même enrichi, étendu et dépassé par les apports successifs d’autres pratiques.

“Si, sur le plan des valeurs, nos positionnements sont très proches, s’ils l’ont été sur la plan des pratiques ce n’est aujourd’hui plus cas”

La MYNE pendant

Tiers-Lieux Mode d’Emploi — Quinzaine Francophone Open Source 7–18 Avril 2014 Saint-Etienne [Crédit: Hélène Pouille / Licence CC-BY-NC-SA]

La MYNE, riche de la diversité des pratiques qui la constituent et en constante expérimentation, a dépassé le cadre initial de La Paillasse Saône. Influencée et inspirée de toutes parts, aussi bien de l’intérieur que de l’extérieur (le Manifeste des Tiers-lieux, la communauté des tiers-lieux et les rencontres avec notamment Yoann D., Antoine B., Yann H., l’expérience de Hackuarium avec notamment Yann H., Luc H., Clement D. et Yann P., Cellabz avec notamment Nicolas L., Clement E. et la dynamique autour “des Communs” et de la donnée avec notamment Nicolas L., Sylvia F., Florence L.N. et les acteurs des communs scientifiques et de la médiation scientifiques notamment Alain M., l’expérience du Biome avec Xavier C. et du biomimétisme avec Michka M. et Henri D., l’expérience des modes de production notamment avec Bruno V. pour l’aquaponie et Philippe G., l’expérience des Bricodeurs avec Xavier L., l’expérience de BeyondLab qui nous a fait rencontré Bernabé C., Arturo G. et Xavier B., les Arts Numériques et bien plus avec AADN notamment Pierre A., l’expérience de Fréquence Ecoles avec Dorie B. et Pauline R., le CCO avec Fernanda L., Nova7 au contact de Emile H. et Geoffroy B., l’expérience de Simplon.co avec Mathilde A., des espaces de co-working avec La Ruche, les Locaux Motiv, la Cordée, l’Atelier des Médias, des fablabs/hackerspace avec le LOL, l’Electrolab, la FOL, la Fabulerie, OpenFactory, Fablab Bacelona et Valldaura en particulier, Lab01 — ou plus spécifiquement bien avant les débuts du Lab01 avec Isabelle R. — des communautés avec les Open Source Circular Economy Days et Timothée G., Calafou, les Colibris, OpenARA et notamment Connie et Benjamin C.P., et d’autres, des “Repair’ Café” et Ateliers de réparation avec l’Atelier Soudé, Change de Chaines ou les Bikers de l’INSA de Lyon, et enfin pleins d’autres personnes et initiatives inclassables ou déclassées comme par exemple le squat l’Oblik, l’IMAL à Bruxelles, le London Hackerspace, le Lyon Bron Open Lab, le programme e-Estonia, BioHackingSafari avec Quitterie L. et Aurélien D., les expériences blockchain avec Slock.it et TheDAO avec notamment Stephane T., Plantoid avec notamment Primavera D.F., l’AlterTour, les jardins partagés, Ticket for Change avec notamment Violaine R., plus récemment aussi Gaël M. hacker embarqué, ainsi que des chercheurs et laboratoires notamment Mathieu B. et plus récemment Stéphane F. par exemple, des “anar”, des artisans, des artistes, des “techos” et des “geeks”, des ingénieurs, des designers, des philosophes, des néo-libéraux et capitalistes, des libertariens, des “gaucho”, des avec étiquettes et des sans étiquettes… et bien d’autres qui nourrissent et constituent tous les jours la MYNE), elle intègre, apprend, test et remodèle son cadre pour répondre de manière simple et agile à son environnement aussi bien interne qu’externe.

La MYNE comme écosystème corallien vue par Alizée G. [Photo Alizée Gérard — CC-BY-NC-SA]

L’histoire de la MYNE c’est l’histoire d’un écosystème — qu’il soit corallien ou forestier — qui crée les conditions pour s’adapter à son environnement

La MYNE a étendu ainsi son horizon d’inspiration “manifeste” avec The Critical Engineering Manifesto, The Cyberpunk Manifesto, Le Manifeste des Tiers-lieux Open-Sources, l’Ethique du Hacker et le Manifeste des Oasis en tout lieu et bien d’autres pour compléter le DIY Bio Code of Ethics; et prend son identité dans les pratiques de sa communauté.

La MYNE : Une identité à l’image d’une communauté de pratiques

SummerCamp 2015 : Petit déjeuner de mise en place [Photo Rieul Techer — CC-BY-NC-SA]

La MYNE est née des pratiques de la communauté qui la composent. Avec par exemple le #NAMEITnaming” collaboratif , le #DIWO — les “remix” collaboratifs, le #JFDI — le “faire” et “faire-ensemble”, l’#EXP — “l’expérimentation permanente” et “l’apprentissage pair-à-pair”, le #DOISME — “tu fais, tu décides”, l#OPENSOURCE — “ne jamais recommencer de zéro” et le #COLIVING — le “vivre-ensemble”, il s’agit de pratiquer nos codes. A l’image des 9 principes du MIT Media Lab de Joi Ito (article de 2014 qui m’a été partagé par Clement E. il y a peu : “Joi Ito’s 9 principles of the MIT Media Lab” — Matt Stempeck, MIT Center for Civic Media), l’orientation prise par la MYNE depuis ses débuts semble s’en rapprocher. Ces grands principes viennent (dé)structurer un cadre de pratiques et de pensée :

The Principles | MIT Media Lab
  • Désobéissance plutôt que Conformité
  • (At)Tirer plutôt que Pousser
  • Boussoles plutôt que Cartes
  • Emergence plutôt qu’Autorité
  • Apprentissage plutôt qu’Education
  • Résilience plutôt que Solidité
  • Systèmes plutôt qu’Objets
  • Risque plutôt que Sécurité
  • Pratique plutôt que Théorie

Ils permettent ainsi de créer un espace de liberté, d’expérimentations et d’innovation citoyenne dont la ligne directrice est l’appropriation citoyenne des systèmes, qu’ils soient technologiques, sociaux, économiques ou politiques. Elle s’appuie sur l’apprentissage pair-à-pair par le faire, l’expérimentation et la recherche, ainsi que sur le développement de projets expérimentaux open-sources par la communauté. Il s’agit de créer les conditions favorisant la mise en capacité d’agir au travers d’un laboratoire citoyen de modes de vie durables.

Le fil rouge de cette expérience : MYNE-A-Lab, un laboratoire de l’autonomie ou un maison expérimentale, autonome et connectée.

Tiers-Lieux Mode d’Emploi — Quinzaine Francophone Open Source 7–18 Avril 2014 Saint-Etienne [Crédit: Hélène Pouille / Licence CC-BY-NC-SA]

Au delà, la MYNE ne se définit pas, elle se vit, se construit et se déconstruit non pas au fil du temps mais des interactions. C’est un écosystème ouvert et non isolé; soit, de fait, une machine à produire du désordre, ou de l’entropie.

“L’intuition commune comprend déjà difficilement le concept d’énergie, cette grandeur qui, pour un système isolé, a la propriété de se conserver indéfiniment. Autrement surprenant est le concept d’entropie. Pour le même système isolé, l’entropie, dans le meilleur des cas, restera constante, mais en dehors de ce cas très théorique des transformations réversibles, elle ne fera que croître indéfiniment.” — Wikipédia, ‘Entropie’

La MYNE est un commun** au service d’une communauté de pratiques, au delà des communautés de valeurs, et dans une dynamique de communauté apprenante. La MYNE fait donc sa mue et acte une identité de pratiques tout autant que de valeurs qui lui sont à la fois propres et partagées, et grandement inspirées.

Peut-être une DAO en devenir … Dans tous les cas, bienvenue à la MYNE, et comme le dit — et l’écrit — très bien notre ami

: Suivez le guide !

Montage LittleBits par Benjamin et Connie C.P. [Photo Benjamin et Connie Chow-Petit — CC-BY-NC-SA]

Note complémentaire : La MYNE / La Paillasse Saône / La Paillasse

Au risque de me répéter, il me semble important de souligner deux points fondamentaux vis-à-vis de la Paillasse :

  • ce n’est pas un divorce puisqu’il n’y a pas eu de mariage;
  • nous sommes “Paillasse” au sens des valeurs comme nous sommes “tiers-lieu” au sens des valeurs et des pratiques (si tant est qu’il y ait des valeurs/pratiques caractéristiques des tiers-lieux).

La particule “Paillasse” de La Paillasse Saône est issues de 3 volontés communes:

  • se revendiquer d’une même philosophie de faire (pratiques) et de penser (valeurs);
  • être une brique et participer de la constitution d’un “réseau des Paillasses” dans un cadre d’essaimage indépendant permettant de fluidifier les collaborations entre Paillasses;
  • ne pas recommencer de zéro et profiter de l’expérience de La Paillasse pour accélérer la mise en œuvre du projet, tout en contribuant à l’effort d’expérimentation de ce type d’initiatives (open-source).

A l’évolution du contexte décrit dans la première partie, vient s’ajouter le retour d’expérience de ces 3 années qui a notamment démontré que:

  • si l’on se rejoint aujourd’hui en grande majorité sur les valeurs, les pratiques entre La Paillasse Paris et la MYNE diffèrent sensiblement — ce qui fait la richesse de ces écosystèmes;
  • si l’on participe d’un effort de constitution d’un réseau, celui-ci est avant tout aujourd’hui opérationnel, centré sur les pratiques, et ouvert au delà d’un cadre “Paillasse” — rien n’étant fait aujourd’hui en ce sens “dans un cadre Paillasse”;
  • si fluidification des collaborations il y a, elle ne se fait pas entre “les Paillasses” mais avec d’autres acteurs se retrouvant, là encore, sur des terrains communs de pratiques — peu voire pas de collaborations sont à ce jour en cours entre La Paillasse Paris et la MYNE par exemple;
  • si l’on ne souhaite pas recommencer de zéro 2 choses sont nécessaires, au delà d’une marque commune: la documentation et le partage des pratiques ainsi que l’accompagnement à l’appropriation de ces pratiques — je précise que les efforts (documentation/partage/accompagnement/appropriation) ne sont pas unilatéraux mais se doivent d’être réciproques.

En regard des éléments de contexte et d’historique qui ont participé de la construction de la MYNE, ainsi que de l’inadéquation entre les volontés de départ liant La Paillasse Saône et La Paillasse Paris et leur déclinaison pratique au cours de ces 3 dernières années, une identité commune et exclusive ne nous parait plus pertinente.

*Par autonomie nous n’entendons pas autarcie ou indépendance pure, mais relations d’inter/co-dépendance au sein d’un écosystème de confiance qui, dans un monde de plus en plus complexe, nous parait plus approprié. Cette autonomie, comme condition de liberté (“la capacité du sujet à déterminer ses règles” — processus d’individuation mais pas que), de maitrise (“la capacité du sujet à déterminer effectivement ses règles”), et d’égalité (“capacité de jouir de droit égaux” — processus d’inclusion mais pas que), peut, si non dirigée par et pour la domination, permettre de créer les conditions propices à l’autoréalisation individuelle (la capacité à se réaliser soi) et l’autodétermination politique (la capacité “à se donner les règles de la vie en commun”). [“Sauver le progrès”, Peter Wagner]

**[encommuns.org] Un commun c’est:

  • une ressource partagée
  • une communauté d’usagers / contributeurs
  • des règles et processus définis par la communauté

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Rieul Techer

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